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Jean Quatremer : « Il faut tuer le père »

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SociétéPolitique

Seuls 55 % des Européens déclarent faire confiance à leur Parlement. Dans l‘hémicycle, peu de jeunes députés débattent. Comment l'Union européenne pourrait-elle séduire la nouvelle génération ?

Le Français Jean Quatremer, observateur privilégié de l'actualité européenne et correspondant du quotidien Libération à Bruxelles, écrit un blog euroconvaincu, Les coulisses de Bruxelles, depuis 2005. « L'Europe a oublié de convaincre les citoyens de l’intérêt de la construction européenne. Cela n’est pourtant pas évident pour les jeunes générations », lance-t-il… peut-être dans le désert. Né en 57, cet enfant de l'ère Spoutnik et de la CEE estime qu’il faut éviter « que l'UE continue à être cette brave fille qui ne se plaint jamais quand les gens l'utilisent comme bouc émissaire ». Rencontre.

L'eurodéputé le plus jeune, Dimitar Stojanov a 23 ans. Il appartient au parti Ataka qui est ultra-nationaliste. Est-ce symptomatique ?

Bien sûr ! Quand on n'a pas connu les périodes de guerre, on est oublieux de l'Histoire. On pense que l'État nation est un modèle alternatif. L'Histoire begaye et ces jeunes ne se souviennent même plus de la chute du mur de Berlin. Ils pensent qu'on exagère. À cela il faut ajouter que les plus âgés, découragés, sont devenus cyniques. Ils ne croient plus à rien, car ils sentent que les choses avancent lentement.

L'Europarlement n’est donc qu’un cimetière d'éléphants politiques nationaux ?

Pas du tout ! C'est seulement vrai dans les pays où l'on peut cumuler les mandats, comme la France, mais pas au Royaume-Uni, en Suède ou en Allemagne. Regardez l'Allemand Pöttering, président du Parlement : il a fait toute sa carrière au Parlement !

Tout de même, ne pensez-vous pas qu’une génération ’bouchon’ empêche les jeunes de s’exprimer dans les grands partis politiques ?

Les gens prennent la place qu'ils veulent. Regardez dans les pays de l'Est comme les dirigeants sont jeunes. Il ne faut pas pleurnicher, mais décider de se battre et tuer le père : je ne connais pas d'époque où les gens au pouvoir aient dégagé volontairement. Ceci dit, prenez l'exemple de l'eurodéputé finlandais Alexander Stubb. Il a 40 ans et on n'entend que lui à la chambre.

Les jeunes politiciens sont-ils plus dynamiques à vos yeux ?

Etre jeune n'est pas une qualité : soit on est talentueux, soit on ne l’est pas. Et le talent est là quand on croit à ce qu‘on fait. Il manque un peu de passion chez certains eurodéputés. Ceux sont d'excellents techniciens, mais on s'ennuie tellement pendant les débats dans l’hémicycle ! On ne parle pas d’Europe avec amour ! Prenez l'exemple du vote de la législation sur la limitation de l'usage de produits chimiques dans l'industrie : aucun pays dans le monde ne s’est fait un tel hara-kiri industriel ! Et pourtant, au moment du vote, les Verts n’étaient toujours pas contents et ont dénoncé un simple ‘compromis‘. Au contraire ! Au lieu de se féliciter on lance des messages négatifs. Il ne faut pas s’étonner si les gens rejettent l'UE !