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Italie : le référendum de la discorde à propos des plateformes pétrolières 

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Cécile Vergnat

Politique

Toute activité présente un risque. Et il en va de même pour les ressources naturelles que nous utilisons. En Italie, le fameux « référendum sur les plateformes pétrolières » ravive le débat sur la dépendance aux combustibles fossiles et sur les dommages potentiels causés à l’environnement.

L’énergie alimente le monde dans lequel nous vivons. En Italie, comme dans le reste du globe, la majeure partie des besoins énergétiques sont couverts par les combustibles fossiles. Une partie du pétrole que nous consommons chaque année provient des forages effectués en Méditerranée. Le 17 avril, les électeurs italiens seront appelés aux urnes pour se prononcer sur le « referendum des plateformes pétrolières ». Avec une victoire du « Oui » au référendum abrogatif, lorsque la concession prendra fin – entre 2017 et 2034 –les permis seront bloquées pour 21 gisements et l’article 6 alinéa 17 du Code de l’environnement sera abrogé. En d’autres termes, même dans l’hypothèse où le gisement ne sera pas épuisé, on ne pourra plus procéder à l’extraction d’hydrocarbures. En cas de victoire du « Non », ces sites continueront à être exploités. Ce n’est pas fini, il existe une troisième option : si le quorum obligatoire de 50% + 1 de participation n’est pas atteint, ce référendum restera lettre morte et tout restera tel quel.

Les chiffres du référendum.

Un cercle vicieux

Laissons à part la bagarre politique qui a tendance à détourner l’attention que nécessite un sujet aussi technique et complexe. Ce vote amène en effet à s’interroger sur d’importantes questions à la fois environnementales et éthiques. Greenpeace, le Comitato No Trivelle  (Comité non aux plateformes pétrolières, ndr) et ceux qui sont contre le renouvellement des concessions redoutent les dommages causés à l’environnement et aux zones marines concernées. En revanche, les défenseurs du non et les abstentionnistes pensent surtout aux 10 000 employés qui pourraient perdre leur emploi, ainsi qu’à la contribution énergétique que ces plateformes fournissent et fourniront à l’avenir à l’Italie.

Le risque environnemental est-il vraiment réel ? Nous avons demandé l’avis d’un expert, le professeur Fabrizio Berra, géologue à l’Université  de Milan. « Toutes les activités que nous entreprenons comportent un risque. Il faut évaluer le rapport avec les bénéfices, il en va de même pour les ressources naturelles que nous exploitons », explique le professeur Berra. Toutes les activités humaines perturbent la nature : les émissions de CO2 des avions ou des voitures, un épurateur qui peut se briser et polluer les zones environnantes. « Dans le cas spécifique italien le pays dispose de grands experts en matière de forage. Il existe bel et bien un risque, mais il est contrôlable grâce à l’excellente technologie qui a été développée », fait remarquer le professeur. « Par exemple, dans la mer Adriatique, certaines plateformes pétrolières se trouvent dans des aires marines protégées. En réalité les chaluts de fond représentent un des risques majeurs pour la faune de nos mers. »

« Le principal problème relatif à la sécurité concerne les contrôles. L’Italie est leader en termes de qualité, d’innovation technologique et de respect de l’environnement. Le risque de fuites ou d’accidents existe, mais il est faible », soutient le professeur Berra. Par ailleurs, même si l’Italie arrêtait d’extraire des hydrocarbures de ses mers, la péninsule continuerait cependant à en avoir besoin : l’industrie des énergies renouvelables – bien qu’elle soit développée – n’est pas encore en mesure de garantir l’autosuffisance. « Si le pays devait totalement dépendre de l’étranger, on pourrait aussi aller se fournir chez ceux qui n’effectuent pas les contrôles, ou dans des pays où les réglementations sont plus permissives », conclut le professeur Berra. En résumé, ça ne veut pas dire que les problèmes auxquels l’Italie est confrontée pour défendre l’environnement soient une vraie priorité pour ceux dans lesquelles elle irait s’approvisionner en carburants fossiles. En somme, c’est un cercle vicieux.

12 milles lieux des mers

Certains passages du référendum peuvent poser des questions. Il n’existe en effet pas de différence d’un point de vue géologique en deçà ou au-delà de 12 milles des côtes, ni en termes d’extraction, ni en termes de risques mineurs ou majeurs pour l’environnement. La distance des 12 milles spécifiée dans la question du référendum est une aire de protection marine établie par la législation. « La profondeur dépend beaucoup de la configuration de la mer ou de l’océan, pas de la distance de la côte », fait remarquer le professeur Berra. À une profondeur plutôt faible, on peut plus aisément procéder aux forages puisque les plateformes sont plus stables, et c’est aussi moins cher. La question des 12 milles est en revanche importante en matière de tourisme et de protection du paysage : la présence de plateformes pétrolière plus proches du littoral occasionne des difficultés. Exploiter un gisement jusqu’à épuisement ou au contraire cesser d’exploiter les ressources ne comporte en réalité pas de risque technique ou de conséquences sur l’environnement. En résumé c’est juste une question de permis.

Les gisements situés dans les eaux internationales - au-delà de 12 milles -  et de propriété économique italienne ne sont pas concernés par le référendum. En effet d’après des études, ces zones garderaient une réserve pétrolière d’un volume d’environ 700 millions de tonnes. Les concessions accordées se concentrent dans les eaux de 7 régions : les Abruzzes, la Calabre l’Émilie-Romagne, les Marches, le Molise, la Sicile et la Vénétie.

La carte des gisements bloqués par la loi. Source: Sole 24 Ore.

Éco-Italie et éco-Europe ?

Quel que soit le résultat, le référendum soulève une question importante. En tout état de cause, l’Italie est de toute façon énergétiquement dépendante de l’étranger et l’utilisation exclusive des sources renouvelables n’est pas envisageable, la technologie n’étant pas encore suffisamment développée. Mais il y a toutefois un point positif : la péninsule est à l’avant-garde en matière d’énergie renouvelables grâce à un des parcs photovoltaïques les plus vastes et les plus développés du monde. « Nous sommes juste derrière le Japon » fait remarquer Roberto Faranda, professeur à l’École polytechnique de Milan et spécialise des systèmes photovoltaïques. « Nous en sommes arrivés à ce niveau grâce aux aides gouvernementales – dont nous payons encore la facture – mais qui contribuent à rendre le pays plus écolo. »

L’énergie éolienne s’installe petit à petit dans les Pouilles et en Sardaigne (les polémiques ne manquent pas à ce sujet), ainsi que la géothermie en Toscane et les centrales hydroélectriques dans les vallées en montagne. Mais une chose est sûre : l’Italie est énergétiquement dépendante de l’étranger et l’utilisation exclusive des énergies renouvelables est encore une utopie, même si elles sont en pleine expansion.

D’autre part, en Europe on constate des signes de refus envers les forages en Méditerranée. À l’occasion de la Deuxième Conférence Nationale sur la Transition Écologique de la Mer et de l’Océan Ségolène Royal, la ministre française de l’Environnement a annoncé un moratoire immédiat sur la recherche et l’extraction des hydrocarbures en Méditerranée. C’est un signal incontestable : la question est aussi au cœur de l’attention en Europe.

Quoi qu'il en soit, avec ce référendum et concessions ou pas, le sujet en question n’est pas simple et ne sera pas résolu avec la victoire du « Oui » ou du « Non ». Il faudrait un électorat conscient et informé ainsi qu’une vraie discussion sur le futur énergétique de l’Italie et de l’Europe sans partialité ni instrumentalisations politiques. Il y aura peu de résultats concerts, mais il s’agira d’un signe dans un sens ou dans l’autre.

Translated from Referendum 2016: le trivelle della discordia