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Iran : l'interdiction de concert scandalise la société

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La Lettre Persane

Le procureur de Machad a choisi un "lieu approprié" pour annoncer l’interdiction de concerts à Machad, avec en arrière-plan : une scène terrible de pendaisons publiques. 

 Le procureur général de Téhéran a défini cette semaine des conditions plus strictes pour l'organisation de concerts dans la capitale iranienne, un sujet qui fait polémique depuis plusieurs semaines dans le pays.  Le parquet de Téhéran propose que le gouvernorat assure la sécurité des concerts, que le ministère de la Culture en garantisse le contenu et que la police filme ces évènements, a déclaré Abbas Jafari Dolatabai, cité par Mizanonline, l'agence de presse du pouvoir judiciaire.

L'Iran possède une riche culture de poésie et de musique mais les responsables religieux ont une approche inflexible par rapport à des évènements comme des concerts. Le ministère de la Culture doit donner l'autorisation pour le texte et la musique avant la sortie d'un album ou pour l'organisation d'un concert.

Il est aussi interdit de danser lors de telles représentations. Ces dernières semaines, sous la pression des religieux ultraconservateurs, plusieurs concerts, ayant pourtant reçu les autorisations nécessaires du ministère, ont été annulés dans des villes de province par des responsables locaux.

Dans la ville sainte de Machhad (nord-est), où aucun concert n'a été organisé depuis 11 ans, le ministre de la Culture Ali Janati voulait donner l'autorisation pour des concerts mais il s'est attiré les foudres de religieux. Machhad est une ville religieuse (...) Tout le monde doit savoir que les croyants ne laisseront pas qu'elle devienne un centre de débauche, avait déclaré l'ayatollah Ahmad Alam-ol-Hoda, l'imam de la prière de la ville. Que ceux qui veulent des concerts aillent dans les autres villes.

Les musiciens protestent

Quelque 5.000 musiciens ont écrit une lettre ouverte au président Rohani pour lui demander de faire respecter leurs droits et la loi, a rapporté le quotidien réformateur Etemad. L'interdiction des concerts à Machhad est une catastrophe qui sacrifie aujourd'hui la musique, puis demain le reste de la culture, ont écrit les signataires. Jeudi, des contestataires avaient essayé d'empêcher la tenue à Yazd (sud) du concert d'un célèbre chanteur traditionnel, Shahram Nazeri, et de son fils Hafez Nazeri, également chanteur.

Un groupe d’islamistes affilié au pouvoir a tenté d'empêcher le concert mais Shahram et Hafez Nazeri ont décidé de le maintenir, a déclaré à l'AFP la responsable de presse des chanteurs. Elle a affirmé que des chants religieux avaient été diffusés pendant tout le concert via les hauts parleurs à l'extérieur de la salle dans une apparente tentative de saboter l'évènement.

Anesthésier la société

 Le régime des mollahs considère que toute forme de musique rythmée et joyeuse est foncièrement « haram » (interdit par la religion, ndlr), tout comme jouer un instrument de musique en publique ou entendre la voix d'une femme chanter. Ainsi, on ne risque jamais de voir un concert de musique sur les chaînes iraniennes ou une femme faire valoir son talent en publique. Seule la forme traditionnelle, glauque et morose, est autorisée par les mollahs qui cherchent à anesthésier la société.  Depuis les années 1990, de jeunes artistes, à contre-courant du système, ont développé la musique pop en Iran, mais également le rock, le métal, le rap ainsi que le hip-hop persan.

Bravant les interdits imposés par les autorités, une vie musicale souterraine vivace a pris forme dans le pays. Les compositions sont enregistrées dans des conditions difficiles, dans des studios de fortune installés dans les sous-sols, et les musiciens risquent de tomber dans les coups de filets menés régulièrement par la « police des moeurs ». Ils sont alors accusés de « collusion avec les groupes sataniques », « d'immoralité » et d'être des « instruments au service de l'offensive culturelle de l'Occident ».

  Dans leurs efforts permanents pour briser l'ordre établi, les jeunes artistes sont amenés à explorer de nouvelles avenues dans la création artistique. S'ils s'inspirent du rap et du hip-hop occidental, ils développent toutefois leur propre originalité persane. Les sujets les plus en vogue dans le rap iranien sont les maux de société comme l'addiction, la prostitution, l'injustice, les crises économiques et politiques, les relations amoureuses et d'autres réalités de la culture citadine des jeunes iraniens. 

Les militants des droits de l'homme insistent que pour la culture il est l'heure de l'ouverture. Mais le président Hassan Rohani n'a apporté aucun changement concernant les libertés fondamentaux et les artistes restent muselés dans le cadre islamiste qu'ont imposé des tenants du pouvoir.