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Iñigo, agriculteur engagé des Pyrénées espagnoles

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Quand la PAC s'en mêle

Dimanche 16 août 2009. La nuit commence à tomber quand nous quittons la nationale pour emprunter la route sinueuse de la montagne. Sur le chemin, nous profitons des beaux paysages qui s'offrent à nous : lacs, vallée encaissée, blocs de roche… Lorsque nous traversons les villages paisibles, tous les regards des habitants se tournent vers nous.

Nous cherchons la route, et non sans peine, nous voilà arrivées à La Prada, dans la Vallée de Tobalina.

La Montañuela, du producteur au consommateur

 Il est 20h30, et Iñigo Hernani, l’agriculteur avec qui nous avons rendez-vous, est encore en train de travailler dans la serre plus haut dans la montagne. C'est sa voisine qui se fait un plaisir de nous y amener. « Iñigo ! », crie-t-elle plusieurs fois. Le voilà qui arrive. C’est un homme pressé que nous découvrons. Il semble réticent à prendre du temps pour répondre à nos questions. Il nous fait tout de même faire un petit tour de son exploitation agricole avant de nous inviter dans sa maison. Il possède 3,3 hectares et produit une grande variété de fruits et de légumes biologiques. Iñigo était professeur d’agriculture avant d'entreprendre deux projets en même temps il y a deux ans : devenir papa et paysan. C’était une évidence pour lui de faire de l’agriculture biologique et locale. Depuis, chaque semaine, il approvisionne en fruits et légumes plus d’une centaine de familles dans les environs. Le système est similaire à celui des AMAPs en France, à quelques différences près. Avec la Red Arco, créée en 2004, c’est Iñigo qui va démarcher ses futurs clients et les cartons d’environ 5 à 9kg leurs sont apportés directement. L'agriculteur a beaucoup plus de travail et la gestion des livraisons est très difficile. Pendant notre interview, un client appelle justement pour dire qu'il ne pourra pas récupérer son carton comme convenu. Iñigo nous explique qu'il faut être bien organisé pour que ça marche. Ce n'est pas toujours évident, mais il est prêt à tout pour développer un lien qui s'est perdu entre les producteurs et les consommateurs.

L'Europe ne doit pas négliger l'agriculture locale

Si Inigo a décidé de mener une agriculture locale, ce n'est pas seulement par choix de vie, mais plutôt par combat politique. Plus jeune, il croyait que pour changer les choses, il fallait agir à grande échelle, mais avec l'expérience il défend l’idée qu’une politique agricole est plus adaptée si elle est locale. Iñigo est loin d'être contre l'Europe et les échanges internationaux, mais l'agriculture est tellement complexe, qu'une politique commune ne peut répondre aux besoins de tous.

Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas partager ses idées avec les autres. D'ailleurs, Iñigo est un hôte du WWOOFing en Espagne (World Wide Opportunities on Organic Farms). Il accueille des volontaires venus du monde entier pour les faire participer au travail agricole. En échange, en plus de leur faire découvrir son agriculture, il leur fournit le couvert et le logement.

La PAC ? Il la suit pour ne pas être en marge de la société. Il débute dans le métier et doit se faire une bonne image pour avoir des clients et cela passe par la certification biologique. Mais il nous explique que celle-ci n’est pas adaptée à un commerce diversifié. Pour un agriculteur comme lui, c’est une perte de temps que de faire des vérifications pour la centaine de variétés qu’il cultive. Il subit trop de contraintes depuis son installation. La surface qu’il cultive ? C’est le minimum qu'il a dû exploiter pour mettre en place son projet. Il aurait voulu commencer avec moins pour avoir une vie plus confortable. Aujourd’hui et depuis toujours, ce métier de la terre le passionne, mais il ne pensait pas que le côté administratif du métier lui prendrait pareille énergie.  Il a des principes pour fonctionner localement et offrir du choix à ses clients mais rien n’est adapté à cela.

Iñigo ne peut plus reculer maintenant car il a trop investi dans ce projet. Pour garder le cap, il se dit que les prochaines années seront plus faciles avec l’expérience. Il aimerait continuer à respecter ses engagements tout en profitant de sa famille. A la fin de notre discussion, Iñigo nous paraît plus détendu. Il a fini de préparer à manger et sa femme et son enfant ne vont pas tarder. Il est temps pour nous de rentrer, et après un au revoir chaleureux, nous repartons dans la nuit noire en nous régalant des tomates et des poivrons dont la Montañuela nous a fait cadeau…