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Immigration à Londres : le monde du travail et les préjugés

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BruxellesSociétéLes chasseurs de jobs

1 jeune sur 5 en UE - soit environ 5,5 millions de citoyens - ne trouve pas de travail. Ceux qui tiennent des postes pour lesquels ils sont trop qualifiés sont encore plus nombreux. Le chômage des jeunes fait régulièrement les gros titres en Europe - mais quelles histoires se cachent derrière les statistiques ? Voici le quatrième article d'un reportage au long cours, entre Bucarest et Londres.

Depuis de nombreuses années, l’histoire de Londres est liée à celle des migrants. Aujourd’hui, la ville continue de réunir une incroyable diversité, puisque plus d’un tiers des Londoniens sont nés à l’étranger. Pourtant, l’apparence et le nom d’une personne peuvent constituer un obstacle à l’emploi. C’est du moins l’avis de nombreux jeunes immigrants.

« J’ai du mal à trouver un travail dans ma branche à cause du milieu d’où je viens », déclare Abshir Ahmed, 24 ans, Britannique d’origine somalienne – la minorité ethnique la plus importante de la capitale. Il est diplômé depuis un an en ingénierie chimique mais n’a pas réussi à percer dans son domaine, et travaille actuellement dans la logistique. « Ce n’est pas une excuse, mais j’ai des exemples de situations concrètes où les gens se sont dit en me voyant que je risquais de ne pas m’intégrer à la société ou au groupe auquel ils appartenaient. » Et d’après lui, ce n’est pas un cas isolé.

« Beaucoup de mes amis [somaliens] qui ont été diplômés en même temps que moi ont du mal à trouver un travail. Lors des entretiens, les gens sont un peu réticents, ils se disent, il a un nom à consonance musulmane, il risque d’avoir du mal à s’intégrer dans le groupe. » Abshir ajoute que les relations comptent davantage que les compétences, ce qui désavantage sa communauté. « C’est une question de réseau, [mais] beaucoup des membres de ma famille ou de la communauté ne sont pas sur le marché du travail. »

Abshir (24 ans), Londonien d’origine somalienne issu de la deuxième génération d’immigrants, a terminé des études d'ingénierie chimique il y a un an. Il nous explique pourquoi il n’arrive pas à trouver de travail dans son secteur :

Faisa Abdi, étudiante en politique africaine de 22 ans, renchérit : « Nous sommes les premiers à aller à l’université, contrairement aux autres étudiants, dont les familles ont de bonnes relations ». Kafia Omar, 25 ans, apprécie l’emploi qu’elle occupe dans une organisation de défense des droits de l’homme mais dit qu’elle connaît « beaucoup de personnes qui se battent depuis longtemps pour trouver un travail, et qui finissent par croire que c’est peut-être leur milieu d’origine ou l’image qu’elles renvoient qui les empêchent de décrocher un emploi. »

Certains jeunes somaliens doivent également passer outre les attentes de leurs parents. Iqraa Mohamed, 19 ans, veut étudier la politique. Elle explique que ses parents ne sont pas très favorables à cette idée, en partie parce qu’« on voit clairement au Parlement que c’est un univers masculin dominé par la classe moyenne blanche ». Mais le problème vient aussi de ses origines : « [Comme] je viens d’un pays ravagé par la guerre, [mes parents] pensent que c’est un privilège pour moi d’être ici et de pouvoir étudier, et que je devrais en profiter. Or, ce n’est pas le cas si j’étudie la politique, car les salaires ne sont pas si élevés. »

Iqraa (19 ans), Londonienne d’origine somalienne issue de la deuxième génération d’immigrants, évoque les attentes de ses parents vis-à-vis de son avenir professionnel et explique pourquoi percer dans la politique lui paraît compliqué :

Faisa est aussi d’origine somalienne et ressent la même pression. « J’ai étudié la politique internationale, et mes parents me le reprochent tous les jours ! », explique-t-elle en riant. « Ils me disent qu’il est encore temps de bifurquer en médecine. Même quand je leur ai annoncé que j’allais faire un master en politique, ils ont répondu : "tu es sûre que tu ne veux pas devenir sage-femme ?" Je déteste le sang ! »

« Certains immigrants pensent assurément qu’ils doivent changer de nom pour décrocher un entretien », déclare Anne Stoltenberg, chef de projet dans l’ONG Migrant Voice, dont le siège est situé à Londres. « Le terme "immigrant" en lui-même a une connotation négative (c’est en partie pour cette raison que les représentants de l’UE préfèrent parler de mobilité plutôt que de migration). En fait, il y a en réalité deux poids deux mesures en Europe… c’est bon si vous êtes originaire du Danemark, mais pas si vous venez de Roumanie. Il n’y a pas d’égalité en matière de mobilité en Europe. »

Restez à l'affût pour la prochaine partie de ce reportage au long cours sur les discussions d'Anna Patton et Lorelei Mihala, avec de jeunes européens en quête d'un travail à Londres.

Translated from Facing prejudice in the London job market