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Imbroglio juridico-politique

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Alors que la Cour constitutionnelle turque a invalidé le premier tour de l'élection présidentielle, des élections législatives anticipées devraient avoir lieu le 24 juin.

«’Nous ne voulons pas d’un imam pour Président !’. Voici l’un des slogans scandés par des manifestants turcs lors d’une marche de protestation sans précédent qui se déroulait le 14 avril dernier à travers les rues d’Ankara. Le message ? Défendre la laïcité et dénoncer le gouvernement islamo-conservateur du Premier ministre Recept Tayyip Erdogan.

Quatre jours plus tôt, le Premier ministre de 53 ans annonçait officiellement la « candidature surprise » de son 'frère', son fidèle partisan et actuel ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, 56 ans, membre du parti pour la Justice et le Développement (AKP), à tendance islamiste-moderée.

Le climat tendu et de plus en plus polarisé qui a accompagné la nomination officielle des candidats aux présidentielles fixées initialement du 16 au 25 avril n'est pas seulement lié à la posture très conservatrice d’Erdoan dans un Etat laïc mais aussi à une configuration institutionnelle spécifique.

Démystifier le système électoral

Le 16 mai, l’actuel président turc laïc Ahmet Necdet Sezer quittera ses fonctions, après un mandat de sept ans. L’Assemblée nationale était supposée élire l’un des candidats à bulletin secret après quatre tours maximum. Au premier et second tours, la règle de la majorité des deux tiers est requise pour remporter l’élection alors que la majorité absolue suffit pour le troisième tour.

Si ce dernier n’aboutit à aucun résultat, seuls les deux candidats ayant obtenu le plus large support se verront ouvrir les portes du quatrième tour.

En arrière-plan, se dessine la question de la transparence et la légitimité du système. Une liste de candidats peu fournie a ainsi contribué à créé une atmosphère propice à une partie classique de 'poker politique'. Les discussions ont davantage porté sur les nominations tactiques et sur le timing stratégique que sur les problèmes à résoudre.

Le système turc se rapproche du processus parlementaire italien, comme l’ont montré la nomination puis l’élection à la dernière minute en mai 2006 de l’ancien communiste Giorgio Napolitano, 83 ans. En France, le choix du chef de l’Etat se fait au suffrage universel direct. En Allemagne, l’Assemblée fédérale [Bundesversammlung], composée du Parlement et des représentants des Länder, se réunit pour l’occasion en un corps électoral spécifique.

Le premier tour de scrutin de vendredi 27 avril a été boycotté par l'opposition, qui refusait de voir élu le candidat du parti de la Justice et du développpement, Abdullah Gül. Le deuxième tour devait se tenir mercredi 2 mai. Mais le jour même, Erdogan appelait à un changement constitutionnel. Ce sont les Turcs et non plus les parlementaires qui devaient élire le nouveau chef de l’Etat, pour un mandat de 5 et non de 7 ans, a t-il suggeré.

Gül : des racines controversées

Il est vrai que son protegé n'a que de très faibles chances de l'emporter malgré la confortable majorité [les 2/3 des sièges] dont disposait à l'Assemblée le parti AKP. Abdullah Gül est consideré comme un islamiste modéré et les critiques lui ont toujours reproché son passé politique atypique. Etudiant au Royaume Uni, il a par la suite en tant que ministre turc des Affaires étrangères, joué un rôle non négligeable dans l’accélération des perspectives d’adhésion d’Ankara à l’Union européenne.

Avant d’être membre du parti AKP, Gül a été élu au Parlement en tant que membre du Parti du bien-être en 1991 et en 1995. Cette coalition, traditionnellement considérée comme islamiste, était dirigée par l’ancien Premier ministre turc, Necmettin Erbakan.

Gül a ensuite été élu en 1999 comme représentant du Parti de la vertu (FP). Ce n’est qu’après l’interdiction de ce dernier en 2001 pour cause d’anticonstitutionnalité, que Gül et Erdogan ont fondé l’AKP. Aux yeux des laïcs, le fait que les épouses des deux hommes portent le voile est un symbole qui en dit long sur le conservatisme des deux leaders.

Le chef du CHP, Deniz Baykal, 59 ans, n’a d’ailleurs pas manqué lui aussi de critiquer la candidature de Gül. C’est l’écrasante majorité du parti AKP à l’Assemblée nationale qui a empêché les sociaux-démocrates de présenter leur propre candidat. Avant même les nominations du 13 avril, Sezer avait personnellement fait part de ses inquiétudes dans un discours à l’Académie militaire turque, expliquant que les « fondements mêmes du régime politique turc n’avaient jamais connu de menaces aussi pressantes ».

L’armée, considérée comme l’autre garante institutionnelle de l’héritage kémaliste de la Turquie, partage le même sentiment.

Le 12 avril, lors d'une conférence de presse, Mehmet Yasar Büyükanit, chef d'état-major des forces armées, avait déclaré de manière plutôt obscure aux journalistes que le prochain Président devrait être « quelqu’un qui respecte sincèrement les principes de la république, et pas seulement quelqu’un qui feint de le faire ».

Si malgré l’absence d’une majorité claire Sezer est devenu président il y a sept ans, c’est principalement grâce à ses capacités de compromis. Gül ne peut se targuer du soutien d’une quelconque famille politique, ni du soutien des électeurs et en auucn cas n’est perçu comme le gardien plausible d’une Turquie sécularisée.

Translated from Political deadlock in Turkey