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Il est temps pour l'Europe de repenser sa guerre contre le terrorisme

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Elodie Red

Politique

[Opinion] Depuis plus de dix ans, les nations européennes font front commun aux côtés des USA dans la « Guerre contre le terrorisme ». Cette politique étrangère agressive contre les islamistes a bien souvent été menée au détriment des politiques domestiques. Au lieu d'isoler les minorités, les gouvernements devraient veiller à mieux les intégrer afin d'enrayer le terrorisme sur leur territoire.

L'Europe a manifesté sa solidarité dans la guerre contre le terrorisme de différentes façons, du soutien militaire apporté aux troupes américaines à la solidarité émotionnelle exprimée suite à la perte de membres du corps militaire.

Les mots de ces politiciens sonnaient pourtant un peu creux parfois, étant donné que les États-Unis, forts de leur néoconservatisme et de leur assurance effrontée typique de l'exceptionnalisme américain, étaient ceux à envoyer le plus grand nombre de troupes pour combattre l'ennemi.

Dans ce contexte, en dépit de leur engagement remarqué en Afghanistan et en Irak, les gouvernements européens n'avaient pas vraiment besoin de prendre les commandes et d'attirer soudainement l'attention (et le danger) sur leur propre pays.

Même si l'Europe a connu d'autres attaques terroristes au cours des dix dernières années - notamment à Madrid, Londres et Oslo - les attaques du 7 janvier dernier qui ont visé Charlie Hebdo et fait 12 victimes, ont enfin jeté un peu de lumière sur la montée du terrorisme domestique.

Hollande a dû faire face à la peine du pays entier mais aussi au choc de la révélation de la nationalité des auteurs de l'attaque qui étaient bel et bien Français. Qu'est ce qui a bien pu mener ces citoyens à se retirer de la société civile jusqu'à se radicaliser ?

Ils sont nés dans une ville où les croyances religieuses ne sont pas jetées sur les habitants à la manière d'un sortilège, où la cohabitation des différentes cultures et religions est vue comme une source de fierté, malgré l'émergence du Front National, parti d'extrême droite anti-immigration. Ils ont grandi à Paris, la capitale d'une nation fondée sur trois principes : liberté, égalité et fraternité.

À mesure que les jours passent, une chose devient claire : les décideurs occidentaux ne peuvent plus suivre aveuglément une politique étrangère de plus en plus confuse.

Une attaque contre nos libertés ?

Les voir se réunir ou passer à la télévision pour discuter de la ligne de conduite à adopter est presque devenu une habitude : certains penchent pour de nouvelles interventions militaires, alors que d'autres sont plus modérés, soucieux de précédentes interventions occidentales aux conséquences désastreuses, comme en Libye dernièrement.

En terme de mesures, la plupart des gouvernements tentent de limiter la liberté de mouvement de ceux qui ont décidé de rejoindre (ou qui ont des liens avec) des mouvements djihadistes comme ISIS. La Belgique a proposé de retirer leur nationalité aux citoyens de seconde et troisième génération reconnus coupables de terrorisme. De leur côté, les autorités italiennes et françaises pensent que saisir les passeports et empêcher aux citoyens de quitter le pays par voie administrative sont les meilleures façons de contrôler leurs citoyens.

Le Premier ministre britannique, David Cameron, veut accorder plus de pouvoir à la police et aux services de renseignement - même si cela restreindra davantage le droit à la vie privée. Il a même proposé d'interdire tout type de communications cryptées (ce qui inclut Whatsapp, Snapchat et iMessage), dans le cas où les Conservateurs remporteraient les élections au Royaume-Uni en mai.

Dans une stratégie nettement différente, le Danemark finance un projet de « dé-radicalisation », qui vise à réintégrer les combattants revenant du Moyen-Orient, afin de fragiliser leurs tiens avec le groupe intégriste et de réduire leur sentiment d'aliénation.

À l'exception de la méthode danoise, toutes ces solutions, de la perte de citoyenneté préventive à une surveillance de la population accrue, ressemblent à des attaques contre la liberté des citoyens.

Ces outils émoussés ne feront qu'agrandir le gouffre qui sépare les États européens de l'islam (et bien qu'on ne devrait pas avoir à le rappeler, la grande majorité des musulmans européens ne sont pas des extrémistes).

Même si retirer la nationalité et le passeport de certains citoyens pourrait empêcher des djihadistes de voyager jusqu'en Irak et en Syrie, cet acte arbitraire va à l'encontre des valeurs « Européennes ». Qui plus est, des restrictions sur les voyages ne résoudront pas le problème des jeunes musulmans qui se tournent vers l'extrémisme.

Le phénomène du combattant étranger, des combattants musulmans qui quittent leurs foyers européens pour rejoindre des conflits au Moyen-Orient et ailleurs, ne peut être ni expliqué ni résolu en se concentrant sur l'aspect purement théologique du problème. 

Une meilleure politique d'intégration est nécessaire

Les hommes politiques devraient accorder plus d'importance au malaise social que ces gens-là subissent. Bien qu'ils soient citoyens européens, ils ont des difficultés à s'intégrer à la culture dominante des pays dans lesquels ils vivent.

La racine de ce problème se trouve dans des politiques gouvernementales mal pensées mais aussi dans une tension culturelle au sein de laquelle des valeurs et des traditions différentes ne sont pas facilement acceptées. Ainsi, alors qu'elles sont déjà en marge de la société, ces personnes se retrouvent encore plus marginalisées, laissées de côté par le reste de la société et ignorées par les autorités.

Les partis politiques ont également échoué à la création de nouvelles lois concernant le délabrement des banlieues, et ce, parce que le problème ne concerne qu'une minorité. L'écho en terme de votes ne serait alors que trop peu significatif. Au contraire, de nombreux partis en Europe ont même largement exploité cette marginalisation des communautés ethniques pour faire avancer leurs idéologies anti-immigration d'extrême droite.

Par ailleurs, l'Union européenne se concentre trop sur les aspects économiques et monétaires de l'Union et perd de vue la coopération qui serait nécessaire pour développer un environnement sûr pour toutes les nations et leurs peuples. Il ne faudrait pas oublier que c'est pour cette raison précise que l'UE a remporté le Prix Nobel de la Paix en 2012.

Dans ce scénario, il est beaucoup plus facile, pour les minorités laissées sur le carreau, de trouver une place dans l'extrémisme que dans la société. Pour ces gens-là, le fondamentalisme apparaît comme une source de rédemption, une chance d'obtenir leur revanche sur la société qui les a ignorés.

Par conséquent, tant que les gouvernements ne reconsidéreront pas leurs politiques domestiques ou n'intensifieront pas leurs efforts pour promouvoir l'intégration sociale des communautés marginalisées, de plus en plus d'Européens se tourneront vers des actions extrémistes.

Translated from Europe needs to rethink its 'War on Terror'