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Histoire d’Elles : quand la danse donne matière à penser

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La Parisienne

La danse n’est pas qu’une question de chorégraphie. Comme tout art, elle peut devenir militante et inviter à la réflexion. C’est l’usage qu’en fait, sur scène et depuis 2007, l’association AscEnDanse Hip Hop. Chaque année, l’association organise un spectacle féminin, « Histoire d’Elles », alliant conférences et chorégraphies pluridisciplinaires autour d’un thème particulier.

A travers cet événement, l’association souhaite valoriser la place de la femme. Mais ne vous me méprenez pas sur son nom. Si l’association s’adresse d’abord aux amateurs de hip hop en leur proposant notamment des cours, elle soutient également d’autres styles de danse. Les deux fondatrices et présidentes de l’association créée en 2002, Caroline Landreau et Claire Moineau ont rythmé cette quatrième édition en choisissant pour thème « Combat de femme ». Le spectacle a eu lieu le 26 novembre au Centre d’animation Dunois de Paris. Un spectacle surprenant tant pour l’esprit que pour les yeux !

La chorégraphe, une lutteuse de tous temps

Elizabeth Schwartz, historienne de la danse, doctorante en arts et spectacles et formatrice en culture chorégraphique, apporte son soutien à l’association AscEnDanse Hip Hop : elle a animé toutes les conférences données depuis le lancement d’Histoire d’ Elles. Cette année, ces conférences réétudiaient la notion de corps. Ouvrant l’événement sur cette réflexion, Elizabeth Schwartz explique que « la danse n’a pas toujours été libre. Le corps doit être dé-étatique, c’est-à-dire qu’il ne doit plus être soumis à un code particulier émanant de l’Etat. Seule la mise en scène d’un corps démocratique, un corps libre et ordinaire partagé par tous, en rupture avec l’Etat, permet l’expression contestataire ». Vidéos à l’appui, les principales figures militantes de la danse contemporaine, au XXème siècle, ont été présentées au cours des conférences. Du soutien apporté à la révolution bolchevique par l’Américaine Isabelle Duncan, mère de la danse contemporaine, à l’intégration de minorités exclues comme les noirs et juifs américains à travers les écoles de danse libres du New Dance Group fondé en 1932 par des femmes : les conférences ont mis en lumière un certain nombre de mouvements ayant associé, avec succès, danse et militantisme. On ne peut que le constater : les femmes danseuses et chorégraphes ont mené de nombreux combats en transformant leur danse en véritables manifestes politiques.

Des chorégraphies pluridisciplinaires cassant les frontières entre les genres artistiques

AscEnDanse Hip Hop mène lui aussi son propre combat : viser à réunir des communautés, mouvements et genres artistiques divers. Caroline Landreau le confirme : « Depuis sa création, notre association poursuit l’objectif du décloisonnement du Hip Hop afin de renverser les clichés « yo » auxquels cette discipline reste assimilée. Nous souhaitons élargir le public en mélangeant les styles. » Pari réussi : « Combat de Femme » a réuni cette année, sur scène, des compagnies de danse afro-antillaise, orientale, jazz, hip hop, et moderne, qui empruntent chacune aux différents genres artistiques, tels le théâtre, le chant et l’écriture. Rita Xavier et Emilie Caillon de la compagnie Difé Kako ont ouvert le bal en présentant « Mot en maux » : une chorégraphie dynamique et humoristique autour du texte de Victor Hugo « Le Mot ». L’interprétation des deux danseuses s’apparentait tout à la fois à du théâtre, du chant et à un atelier d’écriture. Bintou Dembele de la compagnie La Rualité, hip hop, a poursuivi avec « Mon appart’ en dit long ». La chorégraphie invitait le spectateur à entrer dans l’appartement intime de la danseuse pour y reconsidérer son statut de femme. En exprimant et associant, dans ses mouvements, des sentiments joyeux et douloureux, cette danse nous renvoie à notre propre histoire. Cathy Grouet présentait, pour sa part, un tout autre style avec Synopsie, en utilisant le jazz dans sa représentation intitulée « Le Crépuscule du Nénuphar ». La chorégraphie évolue en douceur comme l’éclosion d’un nénuphar. Ici, il n’y a aucune parole, seulement des pas, des musiques calmes et rythmées, laissant travailler l’imagination du spectateur. Pour clore le spectacle, Linda Faoro issue de l’Espèce Urbaine, nous a offert un échantillon d’interdisciplinarité. En associant le moderne jazz, le hip hop et la danse orientale, elle a présenté une pièce intimiste intitulée « Ma maison ne ressemble pas à celle de ma mère… ». Là encore, la frontière entre les genres semblait se rompre, entre ce qui tient du théâtre d’une part et de la danse d’autre part. Alors que le 25 novembre célébrait la journée internationale de la violence faite aux femmes, Histoire d’Elles leur assigne ainsi une place autre que celle de victimes. Leur corps, à travers la danse, leur permet de s’affranchir, de s’exprimer et de militer. Bien sûr, pour défendre le féminisme, il existe d’autres formes de combats, comme est venue nous le rappeler l’existence du MLF qui a célébré cette année ces 40 ans.

Écrit par Audrey Vucher.