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Guardiola au Bayern : l’Allemagne gagne en peps

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Style de vie

Pep Guardiola est l’entraineur le plus titré de ces dernières années. Trois championnats d’Espagne, deux coupes d’Espagne, deux Ligues des Champions. Des résultats affolants accomplis en seulement quatre saisons. Actuellement en année sabbatique à New York, le technicien catalan a choisi de s’engager, à compter de la saison prochaine, avec le Bayern Munich.

Un choix à première vue surprenant, mais peut-être le plus sage et réfléchi.

Guardiola, une certaine idée du football

Après quatre ans de succès presque ininterrompus, Pep Guardiola a cédé sa place à son adjoint, Tito Vilanova, autre pur produit catalan. Lassé et éreinté par la pression permanente de son sport, l’exigence du succès, la rivalité exacerbée avec le Real Madrid de José Mourinho, ou encore les rumeurs de dopage de son équipe hors du commun, Guardiola avait besoin de souffler. Mes que un club, le Barça a contraint Guardiola a quitté sa maison et sa famille.

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On l’attendait alors à Manchester City ou à Chelsea, deux clubs nouveaux riches, en quête de succès rapides et durables (quitte à se séparer de leur entraineur à la moindre mauvaise passe). Les zéros étaient alignés sur le chèque, mais Guardiola leur a préféré une institution : le Bayern Munich. Le prestigieux club bavarois, le plus titré d’Allemagne, a certainement fait une offre financière moins faramineuse, mais son projet sportif est de loin le plus stable, et certainement le plus conforme à son idée du football.

Alors le président du Bayern, s’est-il trompé en recrutant Pep Guardiola ? Non, car le football allemand est en pleine mutation.

Car Guardiola, c’est surtout ça : une certaine idée de son sport. Cette idée, c’est son mentor Johan Cruijff, joueur hollandais inoubliable des années 1970 et entraineur du FC Barcelone de 1988 à 1996, qui lui a inculquée. Cruijff a révolutionné le football. Son idée : les 10 joueurs de champ ont vocation à tous attaquer et défendre ensemble. Les avants pressent pour récupérer le ballon et les arrières créent le surnombre lorsque l’équipe attaque. La transmission du ballon s’effectue au sol, en multipliant les passes courtes et précises jusqu’au déséquilibre de la défense adverse. En un mot : le toqué. Grâce à une génération en or, faite des Messi, Xavi et Iniesta (pour ne citer que les plus célèbres), Guardiola a atteint le paroxysme de cette philosophie de jeu catalano-néerlandaise : celle du football total. Et son Barça a tout gagné.

Concilier les cultures

Or le Bayern, s’il produit le plus souvent un football attractif, ne joue pas comme Barcelone. Le toqué ne fait pas partie de la culture allemande, qui s’appuie sur le mélange de la vitesse, de la puissance et du réalisme. A Munich, on joue un football direct, avec des passes en profondeurs pour les ailiers ultra-rapides, et avec un point de fixation dans la surface adverse. A Barcelone, les frappes de loin sont rarissimes et les attaques ressemblent à un match de handball. Tous les attaquants se concentrés uniquement sur la finition, Guardiola les a évincés : Samuel Eto’o, Zlatan Ibrahimovic, voire David Villa.

Guardiola, c’est surtout ça : une certaine idée de son sport. Cette idée, c’est son mentor Johan Cruijff qui lui a inculquée.

Alors Uli Hoeness, président du Bayern, s’est-il trompé en recrutant Pep Guardiola ? Non, le football allemand est en pleine mutation. Après les échecs cuisants de la sélection allemande (Mannschaft) au début des années 2000, la formation des jeunes joueurs a été révolutionnée. Aujourd’hui, remporter des titres avec des joueurs très physiques, mais à la technique incertaine, est devenu presque impossible. Sous la houlette de Matthias Sammer, Ballon d’Or en 1996, et aujourd’hui actuel directeur sportif du… Bayern Munich, la Fédération allemande de football a formé une génération fantastique qui pratique un jeu attrayant, pour ne pas dire flamboyant. Depuis 2006, la Mannschaft a réussi de magnifiques performances en compétition internationale.

En recrutant Guardiola, le Bayern pense avoir trouvé l’homme parfait pour concilier les qualités traditionnelles allemandes avec sa volonté de beau jeu, autour de la victoire. Car comme l’équipe nationale, toujours placée, jamais vainqueur, le Bayern est le Raymond Poulidor de ces dernières années. Le club bavarois vient de perdre deux finales de Ligue des Champions, en 2010, et en 2012 dans son propre stade, ainsi que deux titres de champion, au profit de l’ennemi de la Ruhr, le Borussia Dortmund.

C'est peu connu mais Pep Guardiola, après son club de coeur, a toujours supporté le Bayern de Munich. En ce moment, il est encore à New-York et a affirmé qu'il voulait rester là-bas pour améliorer son allemand.

Un choix sage et ambitieux

Pep a donc fait le choix de la stabilité – les structures et les finances du club sont saines et solides (une quasi exception dans le football actuel), et aussi du projet sportif. Rendre confiance et faire gagner une équipe, dotée naturellement de ses propres spécificités, mais qui partage la même ambition de beau jeu que le FC Barcelone. Ambitieux, Guardiola s’est lancé le défi de gagner ailleurs que chez lui, où il avait la meilleure équipe du monde.

Pour réussir, il devra se plier à ce qu’il ne pourra jamais changer au Bayern. En dernier recours, les joueurs, autant taillés pour le combat que pour le jeu, préféreront la victoire à la manière. La victoire passera par les besogneux, les porteurs d’eau, comme Philipp Lahm et Bastian Schweinsteiger, respectivement capitaine et vice-capitaine de l’équipe.Et le Bayern devra aussi se plier à ce qu’il ne pourra jamais changer chez Pep. Il placera toujours sa philosophie et son système de jeu avant les joueurs, aussi prestigieux qu’ils soient. Dans ces conditions, il n’est pas certain qu’un Arjen Robben (joueur hollandais, star de l'équipe, ndlr), aussi talentueux qu’égoïste sur un terrain, ait un avenir dans le Bayern de Guardiola.

Surnommé FC Hollywood pour sa pléiade de stars et ses fortes personnalités, le Bayern Munich, en choisissant Pep, a décidé de mettre un terme à cette période. Ce sera désormais le beau jeu et l’équipe avant les individualités.

Photos : Une et texte © courtoisie de la page Facebook officielle de Guardiola ; Vidéos : Guardiola quitte le FC Barcelone (cc) euronewsfr/YouTube, Guardiola system (cc) leboakatio/YouTube