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Grève générale en Grèce : « Nous n’en pouvons plus ! »

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Athènes

« Nous n’en pouvons plus », « Nous sommes en train de mourir », étaient quelques uns des slogans que l’on pouvait lire sur les banderoles que les Grecs portaient haut mercredi dernier 23 février lors de la grève générale organisée par les syndicats des secteurs public et privé. L’arrêt de travail, d’une durée de 24 h, a paralysé le pays.

De nombreux secteurs étaient touchés comme les transports publics, les services publics, les administrations, les hôpitaux, les établissements scolaires et de nombreuses entreprises. « Sous prétexte de crise économique, sous prétexte du problème de la dette publique, les droits des salariés et les conquêtes sociales disparaissent les uns après les autres sous les injonctions du Memorandum pour satisfaire les exigences des créanciers, des spéculateurs, des banquiers et des employeurs », ont déclaré d’une même voix les syndicats. Le Memorandum est la feuille de route fixée au pays en mai 2010 par la « Troïka » (UE, BCE et FMI) en échange d’un prêt de 110 milliards d’euros. Le président du syndical GSEE a ajouté : « Voilà dix mois maintenant que le gouvernement applique les recettes du Memorandum. Cela crève les yeux que le remède est pire que le mal. Il rend les riches encore plus riches et les pauvres plus pauvres encore. Cette situation ne peut plus durer. »

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Chômeurs, retraités, jeunes en galère, salariés en colère... les manifestants ont inondé mercredi le centre d’Athènes (Photo publiée dans le journal Eleftheroptypia).

Au cœur de la protestation : le chômage et la pauvreté. Le chômage est proche de 15 %, celui des jeunes approche les 35 %. La pauvreté touche de plus en plus de monde, à tel point que 20 à 25 % de la population vit aujourd’hui en-dessous du seuil de pauvreté. Les revenus dans l’ensemble de l’économie ont baissé d’environ 10 % en 2010, de 13,5 % dans la fonction publique. Avec des coupes budgétaires drastiques dans tous les domaines dont ceux de la protection sociale et de l’éducation, et une inflation de près de 5 % en 2010, le pouvoir d’achat des ménages s’est littéralement effondré. D’où la colère et l’exaspération qui s’expriment par des arrêts de travail et des manifestations : sept grèves générales ont eu lieu en 2010 et il ne se passe pas une semaine sans une grève sectorielle. La grève générale de mercredi dernier a amené l’une des plus fortes mobilisations de ces dernières années.

Interrogés dans le défilé athénien par le journal Eleftherotypia sur les raisons de leur mobilisation, une mère de 50 ans déclare gagner 350 euros par mois en travaillant comme baby-sitter. Son fils et sa fille ont fait des études mais sont au chômage, ils se partagent tous ensemble la retraite de ses parents. Une employée municipale rapporte que son fils aîné s’est expatrié après avoir subi le chômage pendant cinq ans malgré ses trois diplômes ; son second est au chômage, « celui qui trouve du travail maintenant est considéré comme un veinard, je travaille depuis 30 ans et après les coupes salariales, je ne touche plus que 1000 euros. Dans l’état où l’on est réduit, c’est un devoir de protester, on se bat pour l’avenir de nos jeunes. » Un enseignant du primaire : « On est dans l’un des secteurs qui ont été le plus durement touchés, alors on proteste contre les mesures. Et on n’a pas vu encore toutes les conséquences de la politique d’austérité, il va y avoir de nouvelles suppressions de poste à l’école, on se dirige tout droit vers des écoles qui fonctionneront sans enseignants ! »

Le Mémorandum a été récemment actualisé par la Troïka en accord avec le gouvernement, avant le versement de la quatrième tranche du prêt de 110 milliards d’euros. Des privatisations à outrance vont avoir lieu dans le secteur public pour un montant de 50 milliards d’euros (voir ici). En outre, de nouvelles suppressions de postes, de nouvelles réductions de salaires s’abattront sur les salariés du public comme du privé en même temps que des hausses seront appliquées aux tarifs publics. La presse a annoncé aujourd’hui des baisses de salaires de 20 % dans la fonction publique. Un recul de la protection sociale est sur les rails avec des baisses importantes de remboursements de médicaments, et des aides sociales seront bientôt supprimées.

Si la Grèce est confrontée à des difficultés avérées de gestion des affaires publiques, l’Union européenne, la zone la plus riche du monde (voir ici), n’est clairement pas du côté des peuples et des citoyens : avec l’aide du FMI, elle organise un creusement flagrant des inégalités et le développement éhonté de la pauvreté.

Jean-Marc Laborie, 28/02/2011