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" Fragments Américains " de Philippe Cornet : Les États-Unis côté coeur 

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Bruxelles

Les États-Unis vus autrement que par la politique ? C'est l'exposition juste, sensible, et nécessaire de Philippe Cornet jusqu'au 30 octobre à Botanique.

Depuis maintenant un an, pour les citoyens lambdas du monde entier, les Etats-Unis se résument aux futures élections présidentielles, sempiternel cirque médiatique pour obtenir « The Office » (mais courage, la foire aux bestiaux prendra fin le 8 novembre...). Pour patienter, Botanique nous propose l'exposition « Fragments Américains » de Philippe Cornet. Sans prétention, mais où l'humain est replacé au centre du semi-continent, sorry Hillary. 

Les États-Unis, 320 millions d'amis

Ce qui anime le travail du journaliste depuis tant d'années, c'est la passion des rencontres; aussi bien en documentaires qu'en photographies, il aime saisir des portraits de personnes riches et denses, souvent portées vers l'optimisme. Philippe Cornet se définit lui-même comme un « récepteur à émotions, qui prend ce que les gens lui donnent », heureusement, les gens lui en donnent beaucoup.

En parcourant les clichés, un sentiment nous traverse; « suis-je le frère de ce marin ou de cette femme au tchador ? »; le don du photographe se situe ici, celui de faire éclater une fraternité instantanée entre le sujet exposé et les spectateurs. Quand d'autres cherchent à diviser, le photographe rapproche sans le vouloir, au pays du « melting-pot » la diversité est encore un moyen de s'unir.

Love it, or hate it

Cette exposition est faite de paradoxes; Cornet montre de l'humanité dans la solitude, et un patriotisme sous-jacent dans une société fragmentée. Un encart est consacré à des personnalités posant avec le « Star-Spangled Banner »; et, même si le drapeau n'est pas toujours le bienvenu, il conserve sa place de symbole numéro 1 du « monstre » étasunien.

Pour mieux comprendre sa démarche sur l'exposition et son travail, Cafébabel Bruxelles a été l'interroger. Rencontre avec le portraitiste à l'oeil libre, l'esprit rock, et l'âme profondément humaniste.

Cafébabel : Pourquoi avoir appelé votre exposition « Fragments américains », les fragments renvoient à une idée de séparation; alors que se dégagent de vos clichés une impression de fraternité et d'unité ?

Philippe Cornet : Effectivement, il y a une certaine humanité derrière les personnages. L'utilisation du mot « fragment » vient plutôt du fait que je ne peux donner une vision globale ou d'ensemble des États-Unis, ce qui serait prétentieux, alors je livre une vue partielle et subjective des Etats-Unis. C'est une approche microscopique d'un énorme animal.

Cafébabel : Vous qui privilégiez avant tout l'humain dans votre travail, que pensez-vous de la folie médiatique autour des élections américaines ?

PC : Ayant voyagé une trentaine de fois aux États-Unis, je me sens, avant tout, proche des gens, à vrai dire, je me suis pas lancé dans une analyse des enjeux liés aux candidats de cette présidentielle. J'essaie surtout de montrer une réalité, une mélancolie, voir même une solitude dans ce vaste et difficile pays. Je pense qu'il y a une attente importante pour les citoyens de réduire les inégalités.

Cafébabel : Sur votre site internet on peut lire la phrase suivante : « Il y a une fissure, une fissure dans tout, comme ça, la lumière peut entrer » de Leonard Cohen. Comment faites vous pour percevoir une fissure, et comment faire surgir la lumière ?

PC : Je sens une fissure chez les gens, parce que je pense en avoir une ou plusieurs moi-même. Ça me paraît être le lot de l'humanité d'avoir une fissure. Cette fissure n'est pas forcément une faille béante, mais plutôt qu'on accepte de laisser rentrer les émotions contradictoires qui gèrent nos vies. Après, mon travail n'est pas du tout calculé à l'avance, je le fais de manière instinctive. Je fais de la photographie comme je fais des documentaires ou des articles, en essayant de trouver ce point commun que nous avons tous ensembles, mais que nous exprimons de manière différentes.

Cafébabel : Il faut donc pouvoir installer une relation de confiance...

PC : Oui, disons que si j'ai une qualité, c'est celle de pouvoir installer rapidement une connivence avec mes sujets, j'essaie simplement d'être le plus réaliste possible.

Cafébabel : Cette exposition renvoie à un appel à la fraternité, comme pour « re-connecter » les hommes entre eux, toujours avec une teinte d'espoir. Peut-on dire que vous êtes un humaniste ?

PC : Il y a le désir d'avoir des relations humaines avant tout. Je différencie très peu le travail de ma vie, les deux sont très liés, j'ai des relations fortes et denses pour le travail mais qui enrichissent ma vie, et inversement. Mais, comme je l'ai dit précédemment, je travaille avant tout de manière instinctive, au fil des rencontres. Je suis comme un papier buvard, ce sont avant tout mes sujets qui emmènent l'énergie et la vibration que l'on peut ressentir dans mes travaux. C'est très agréable d'être le récepteur pour des sujets qui ont envie de partager.