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Football participatif

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Société

Face au rachat de leur club de toujours par des oligarques russes ou des grands magnats du sport américains, certains supporters désespérés tentent de le racheter, pour le gérer à leur manière.

La bannière du futur club de supporters. (Photo : site Internet Cmonclubdefoot.fr )

C’est devenu le combat à la mode ces derniers mois : lutter contre l’expansion du footbusiness et tout faire pour préserver la « spécificité du modèle sportif européen ». Michel Platini, ancienne gloire du football français et depuis peu président de l'Union des associations européennes de football, l’a répété le 24 janvier dernier, devant le Conseil de l’Europe : il faut « lutter contre la mercantilisation à outrance du football ».

Les initiatives des supporters se multiplient. Le plus souvent, ils souhaitent être partie prenante dans le processus décisionnel du club. Andy Smith, sociologue, s’est intéressé à la relation entre sport et identité. Il explique le phénomène : « Les supporters se sentent dépossédés et ils ont l’impression que le club n’a plus besoin d’eux ». Et pour cause : alors qu’en 1970, les recettes au guichet représentaient 81 % des budgets des clubs, un quart de siècle plus tard, avec la manne des droits TV, le ratio est tombé à 15 %. Aujourd’hui, les supporters ont décidé de reprendre la main !

Supporters européens, unissez-vous !

Pour répondre à ces dérives du footbusiness, trois trentenaires français se sont lancés un drôle de défi : réunir 60 000 personnes pour reprendre un club professionnel en perdition et y appliquer une politique de management où le supporter est au coeur des réflexions. Pour Clément Meunier, un des trois instigateurs du projet Cmonclubdefoot, faire de l'argent n'est pas le but de la manoeuvre : « On a toujours admiré l’esprit des 'socios' en Espagne, qui sont partie prenante dans la vie des clubs de foot. Nous voulons faire accéder les supporters à l’arrière-boutique et leur permettre de voir ce qui se passe dans les coulisses. L'objectif pour nous, des fans de foot, c'est de partager cette passion. »

Pour enfin ne plus se contenter du virtuel, et disposant d’un contrôle accru sur la vie du club, les membres de l'association pourraient élire le président, participer au choix de l’entraîneur et suivre la politique sportive du club de façon privilégiée. Telles sont les promesses faites aux futurs actionnaires du premier club professionnel. Après le retour en grâce de la démocratie participative, bienvenue au football participatif !

« On a pris l’engagement auprès de nos membres d’acheter un club d’ici un an », ont annoncé les instigateurs dans un interview à L’Equipe. Et si ce n'est pas le cas ... « les donateurs seront remboursés, poursuit Clément Meunier. La somme est versée à une association que nous avons spécialement créée et qui deviendra actionnaire majoritaire dans le capital de notre club pro. »

Des initiatives nombreuses en Europe

Encore insolite en France, cette initiative a néanmoins connu des précédents. En 2005, suite au rachat du Manchester United FC par Malcolm Glazer, 3000 supporters étaient entrés en rébellion et avaient fondé leur propre club : le Fc United of Manchester. Après avoir vu à l’œuvre 900 joueurs, 17 ont été sélectionnés pour porter les couleurs du club lors de la première saison. Deux montées successives plus tard, le club joue désormais dans ce qui serait l’équivalent de notre 8ème division.

Parmi les principes les plus marquants qui fondent le projet du club : les dirigeants sont élus démocratiquement par les supporters, le club veillera à pratiquer des prix d’entrée accessibles et les dirigeants devront ne pas verser dans la commercialisation à outrance. Pour l’avenir, le club cherche à se doter d’un nouveau stade et à mettre en place une équipe féminine. Autre particularité à l’heure où les marques envahissent les tricots de nos athlètes, le club refuse d’apposer un logo sur son maillot. Un geste qui en dit long sur l’esprit du projet.

Plus proche du projet Cmonclubdefoot, le site Internet myfootballclub.co.uk avait été le premier à se lancer dans l’aventure… et à franchir le premier grand obstacle : racheter un club. En effet, les 27 000 membres viennent d'acquérir le club de 5ème division anglaise, Ebbsfleet United, après avoir réuni 850 000 euros. Et cette initiative a fait des émules, en France, mais aussi en Allemagne, avec le site www.klub-der-fans.de.

Lors de la présélection, certains clubs de Bundesliga (1ère division allemande) ont été soumis au vote des Internautes. On retrouve notamment un club historique comme l’Eintracht Francfort parmi les clubs présélectionnés. A quand un club allemand historique, fortement doté sur le plan financier, au main d’un consortium de 50 000 co-actionnaires prêts à en découdre sur toutes les grandes décisions concernant la gestion du club ? Encore plus fort : les supporters de Liverpool viennent de lancer l’association Share Liverpool FC, avec pour objectif de bouter hors du club les deux propriétaires américains, Tom Hicks et George Gillett. Ils viennent de lancer une souscription auprès de 100 000 supporters afin de réunir la modique somme de 650 millions d’euros.

Contrairement au club israélien l’Hapoel Kiryat Shalom, le 'fan coaching' n'existe pas encore en Europe : les supporters ne sont pas prêts à mettre leur nez dans les choix sportifs, comme la composition des équipes, les tactiques et les changements en cours de match !

Photo de Une : ballon de foot (Ravages/Flickr)