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Festival international du documentaire : quand Amsterdam le pion au ciné

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Culture

A Amsterdam, il y a les coffee, les vélos, Rembrandt et un port. Mais entre peintures et pédales, il y aussi l’IDFA, le plus grand festival de documentaire du monde. Retour sur un des plus grands festivals du monde méconnus.

Carillon du nord qui martèlent les quarts d’heure, entrelacs de canaux et de péniches, jeunes touristes venus goûter aux délices des coffeeshops (en péril !) et bandes de retraités en route pour Rembrandt : bons baisers d’Amsterdam, où fin novembre, la cité vibre au rythme de 24 images documentaires par seconde. Le centre de la capitale des Pays-Bas accueille depuis 1988 l’IDFA (International Documentary Film Festival Amsterdam), le plus grand festival documentaire au monde. Un événement tentaculaire qui s’étend sur une dizaine de jours dans cette ville - maison de poupée - où les devantures des boutiques de design sont masquées par des ribambelles de vélos. Au programme cette année : 340 films et projets transmédias répartis en près de vingt catégories dont neuf en compétition. De la boîte de production new-yorkaise à la télévision australienne en passant par les distributeurs, consultants et réalisateurs : tout le monde est là !

Entre fonds de tiroir et coupes budgétaires

Je viens de récupérer mon badge, précieux sésame ouvre-toi des salles obscures et autres lieux clés du festival. Catalogue et programme en main, je me pose quelques instants, le temps de composer la trame de ma nouvelle existence cinématographique. Une journée dédiée aux présélections n’aura donc pas suffit... Mon voisin est visiblement dans la même situation. Ce photographe-réalisateur italien, un fidèle de l’IDFA, soutient que « le programme doit aussi beaucoup au hasard. » Il n’a pas tort, le festival jouit d’un tel succès (record de 200 000 tickets vendus pour l’édition 2011) que certains films ne sont accessibles qu’à ceux qui se lèvent tôt ou… achètent leur ticket en ligne !

A contempler les files qui s’accumulent devant les salles consacrées au cinéma du réel version Pays-Bas, on aurait du mal à croire que le secteur subisse la crise économique. Le gouvernement néerlandais a pourtant opéré de sérieuses coupes budgétaires dans le domaine culturel. Si l’IDFA - moins dépendant des subventions publiques - tient bon, son fond Jan Vrijman (à destination des réalisateurs de pays émergents) pourrait bien disparaître… Une décision d’autant plus étonnante quand on se dit que quelque part, les Néerlandais ont la culture du documentaire dans le sang. Inger, mon hôte, semble confirmer mon hypothèse. Elle est allée voir plusieurs films au cours du festival par intérêt pour un sujet particulier ou par simple curiosité. Mais elle reconnaît qu’en dehors du festival elle ne va guère voir des documentaires au cinéma. C’est sûr, « Chéri(e), et si on allait voir un documentaire ce soir ? » : ce n’est pas encore pour demain. A moins que…

Docu-fiction…

Ceux qui croient encore que le documentaire est le joujou des intellos gâcheurs de soirées n’ont qu’à faire un tour par l’IDFA ! Ils y verront que le documentaire se rapproche de plus en plus des schémas de narration « propres » à la fiction (choix des personnages, techniques cinématographiques…), c’est en tout cas ce que note Ally Derks, chef d’orchestre du festival, un avis que partage Steve James, documentariste américain. Sans parler de l’émergence des webdocumentaires, bien présents à Amsterdam.

Bref, on n’est pas là à Amsterdam comme ailleurs pour donner des leçons bêtes et méchantes mais pour faire pénétrer le public au cœur d’une réalité rendue intime. Les grands écrans se font reflets du monde au delà de l’immédiateté du JT. A l’IDFA, on parle peine de mort (Into the Abyss, le dernier Werner Herzog), « campesinos » paraguayens luttant contre les OGM (Raising Awareness), ado russes qui se font top-modèles au Japon (Girl model), on discute des « excès » du progrès (Surviving progress), de boxe féminine en Afghanistan (The boxing girls of Kabul), de colonies israéliennes en Palestine (5 broken cameras) et bien plus encore. L’IDFA ce sont aussi des portraits touchants comme celui du Young-Chan, sourd et muet coréen (Planet of Snail) et quelques bons brûlots. Dans The Ambassador, Mads Brügger, caméra caché et passeport diplomatique au poing nous emmène dans un road trip effarant au cœur des magouilles de haut niveau en Centre-Afrique. Enfin, pour rendre le cocktail encore plus cathartique encore, des séances de questions-réponses suivent (quasi) systématiquement.

Le lieu de tous les networkings…

Quelques rues plus loin, on négocie dur. L’IDFA, c’est aussi un grand marché du documentaire (à Docs for sales) ! C’est aussi une pépinière de talents (IDFA academy), un champ d’expérimentation transmedia (Docs lab) et une arène de pitching (Forum), où les réalisateurs se confrontent au monde intransigeant des diffuseurs. C’est enfin, et surtout, un vaste lieu de rencontres…

Direction la Brasserie Schiller, véritable appendice du festival. Ce soir, c’est Arte qui régale : le lieux est plein à craquer. Je ne connais personne. J’avise une table et j’entame la discussion avec mon voisin flamand, jeune assistant producteur sur une des films présenté au festival : Little Heaven. On parle de la vitalité documentaire du côté de la Flandre, de mon projet de webdoc sur Détroit, du « central pitch » dont nous revenons tous les deux... Peu importe la tempête, la tribu des documentaristes semble devant elle !

Photos :  Une et texte ©courtoisie de IFDA; IFDA toutes voiles dehors ©Hélène Bienvenu ; Vidéos : Into the Abyss (cc) MakingOf/youtube Girl Model (cc)abudhabifilmfestival/youtube