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Federico Badia : la meilleure façon de marcher

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BrunchSociété

À vingt ans, Federico a décidé de devenir cordonnier. 6 années se sont désormais écoulées et tandis que ses amis fraîchement diplômés ne parviennent pas à trouver du travail, Federico a ouvert un atelier au cœur de l’Ombrie. 

Federico Badia est assis sur son tabouret, sa brosse à la main, en train de cirer un paire de chaussures en cuir. Elles sont presque prêtes, aprèssemaines de travail. Entre deux coups de brosse, il remet ses cheveux en place.  Il a 26 ans et depuis 3 ans il a ouvert son atelier à Orvieto, en  Ombrie. « J’ai fait les pieds à la crise », dit-il en riant. « C’est eux qui ont fait le reste. » poursuit-il en me montrant d’un clin d’œil fugace un groupe de touristes hollandais qui vient d’entrer dans son magasin. D’une certaine façon, il n’a pas tort, Federico a littéralement réinventé un métier : celui de cordonnier.

100% made in Italie

L’histoire du succès de ce jeune auto-entrepreneur a commencé en 2006 : lorsqu’il a terminé l’école de géomètre, plutôt que de s’inscrire à l’université, Federico décide de devenir cordonnier. Afin d’apprendre le métier il prend « tous les jours le même train régional Orvieto-Rome à six heures du matin, puis la ligne 64 jusqu’au centre. » il m’explique cela pendant qu’il frappe à coups de marteau sur la semelle d’une nouvelle paire de chaussures. Après1 an et demi de formation, Federico est revenu à Orvieto et a travaillé dans un magasin qui importait des produits en cuir de Chine. « Tout était revendu comme étant du Made in Italy. » il me confie qu’il éprouvait un grand sentiment d’amertume de faire croire cela aux clients. Chaque année, l’Europe importe de la Chine des marchandises contrefaites d’une valeur d’environ 567 millions d’euros. L’Italie est le pays européen qui se fait livrer le plus de produits, environ 6 millions. Après son expérience de vendeur, Federico fait le grand saut et lance son atelier en 2010. Il me raconte : « au début, j’effectuais surtout des réparations, mais je me suis rendu compte que je perdais trop de temps et ne créais rien qui m’était propre. Je me consacre désormais exclusivement à mes produits. » 

Le jeune cordonnier a une façon vraiment singulière de gérer sa clientèle : hormis pour les touristes, c’est lui qui va « à la rencontre » des personnes intéressées par son travail. L’hiver dernier, Federico s’est même rendu à Milan pour prendre les mesures d’un client.

l'artisanat, oui, le business aussi!

D’après une étude de Confartigianato, la production d’articles en cuir s’est révélé être un secteur anti-crise. En Italie, entre 2011 et 2012, pas moins de 1390 nouvelles entreprises sont nées. C’est une augmentation annuelle de 0,5%. À cette même période, de nombreux amis de Federico ayant terminé leur études universitaires peinent à trouver du travail. Le chômage des 20-25 ans est désormais de 40%. À Orvieto, ces 2 dernières années,  beaucoup de jeunes ont été licenciés ou ne perçoivent pas leurs salaires depuis des mois. Les entreprises de la ville ferment les unes après les autres. Dans ces conditions, trouver du travail relève du parcours du combattant. Federico a eu le mérite de réussir seul, sans devoir émigrer vers les pays d’Europe du nord. L’étranger fait toutefois partie de ses projets futurs : « je n’ai pas commencé ce métier pour rester ici. Dans les années à venir, je voudrais ouvrir un magasin à Francfort, ou a Bruxelles. » Federico a l’air plus que convaincu par ce projet . Pourquoi a-t-il jeté son dévolu sur ces villes ? Pour la présence des « institutions. »

des chaussures pour technocrates

Francfort est le centre de la finance continentale, tandis que Bruxelles est le siège des institutions européennes. « Imagine tous ces gens ayant un bon salaires en poche, qui arpentent les rues de ces villes. Qui ne voudrait pas d’une paire de chaussures élégantes tout en ayant la certitude qu’elle sont fabriquées à la main, en Italie ? » affirme-il en ayant l’air d’être bien informé sur le sujet. Je lui fais remarquer que pour réaliser son rêve, Federico devra embaucher d’autres personnes, comprendre quelles sont les règles pour ouvrir un atelier dans un pays étranger, bref, qu’il devra faire appel aux conseils d’un expert pour s’occuper de toutes ces questions épineuses. Mais le défi le fascine : « ça voudra dire qu’il y aura du travail pour d’autres personnes, peut-être des jeunes qui comme moi souhaitent devenir cordonnier et veulent se lancer. » À entendre Federico, on dirait presque que la réponse à la crise économique réside dans la capacité à se mettre individuellement en jeu. Ce n’est en réalité qu’une face de la médaille. En fait, la sortie de la crise dépend également des décisions prises par les personnes à la tête des institutions européennes : peut-être les mêmes personnes à qui Federico  pourrait un jour ou l’autre faire des chaussures.

Translated from Federico Badia: Il calzolaio che ha fatto le scarpe alla crisi