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Face à l’Etat hébreu, l’UE marche sur des oeufs

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Relents d’antisémitisme ou aide financière aux Palestiniens : les sujets de friction entre Israël et l’Union européenne sont nombreux. Mais leurs liens politiques, commerciaux et affectifs restent puissants

C’est la goutte d’eau qui menace de faire déborder le vase. En février 2006, l’Union européenne (UE), principal bailleur de fond des territoires palestiniens, décide d’accorder une enveloppe de 120 millions d’euros aux Palestiniens. Et ce alors que le Hamas, mouvement qualifié d’« organisation terroriste » par Bruxelles vient tout juste de remporter les législatives en Palestine. Une semaine plus tard, Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, choisit de geler le versement des taxes douanières au gouvernement de l’Autorité palestinienne. Bel exemple de dissonance qui témoigne de l’ambiguïté des relations entre Bruxelles et l’Etat hébreu.

Des liens solides ?

Pourtant de nombreux accords lient Israël et l’UE. Parmi eux, un Plan d’action adopté en décembre 2004 dans le cadre de la nouvelle politique européenne de voisinage (PEV). L’Europe est en outre le premier partenaire commercial d’Israël : en 2004, le volume total de leurs échanges dépassait les 15 milliards d’euros. Des programmes de subventions pour les réalisateurs israéliens ou des accords de coopération scientifique sont régulièrement mis en place.

Dès juin 1980, l’Europe déclare vouloir soutenir le processus de paix au Proche-Orient à travers sa Déclaration de Venise qui affirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et l’illégalité de l’occupation israélienne des territoires. Depuis, l’UE tente d’aider à la résolution du conflit à travers sa participation au Quartet (Etats-Unis, UE, Russie et Nations unies). Bruxelles cherche ainsi à faire appliquer la Feuille de Route pour la paix, grâce à son envoyé spécial dans la région, Marc Otte.

La tension monte

Mais le gouvernement israélien n’apprécie pas toujours que les Européens s’immiscent dans sa politique interne. Les reproches ? La « clôture de sécurité » érigée par le gouvernement israélien en Cisjordanie en protection contre les attentats-suicides palestiniens, est régulièrement qualifiée de « mur de la honte » par les Européens qui ont approuvé en 2004 une résolution de l’ONU visant à sa destruction. En outre, selon l’Etat hébreu, Bruxelles se montrerait généralement plus attentive aux souffrances des Palestiniens qu’à la cause juive. Une posture qui suscite un sentiment d’injustice et de ressentiment, envers les institutions mais aussi les citoyens des 25. Un sondage publié en 2003 par la Commission avait ainsi provoqué un tollé à Tel-Aviv en révélant que 59 % des Européens interrogés considéraient Israël comme la plus grande menace à la paix dans le monde. Juste devant la Corée du Nord et l’Iran.

Je t’aime moi non plus

L’évacuation de 7500 colons de la bande de Gaza et de Cisjordanie à l’été 2005 provoque les applaudissements de la communauté internationale, Union européenne en tête. Dans un discours officiel d’août 2005, l’UE tient à « rendre hommage au courage du Premier ministre israélien, M. Sharon, et à son gouvernement pour avoir mis en œuvre le plan de désengagement […], une étape importante de la Feuille de Route ». Autre signe notable d’amélioration, après l’accident cardio-vasculaire de Sharon, Ehoud Olmert, Premier ministre israélien par intérim affirme son désir de négocier avec Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité Palestinienne. Mais devant la victoire du Hamas aux législatives, il fait volte-face : aucune négociation n’est possible avec des « terroristes » si le Hamas ne désarme pas et ne reconnait pas l'Etat hébreu.

Un moment que choisit Benita Ferrero-Waldner, Commissaire européenne aux relations extérieures pour annoncer l’attribution « d’un ensemble d'aides très substantielles pour couvrir les besoins fondamentaux de la population », dont une partie -près de 17,5 millions d'euros- servira à payer les salaires du gouvernement de transition. Sagi Karni, membre de la mission israélienne auprès de l’UE préfère relativiser : « il s’agit principalement d’un soutien humanitaire. Et l’Etat hébreu fait une nette distinction entre le peuple palestinien et le futur gouvernement du Hamas ».

Pourtant, comme pour signaler son mécontentement, Ehoud Olmert a déclaré en mars dernier vouloir fixer rapidement « les frontières définitives de l’Etat d’Israël ». Une manière polie de signifier à la communauté internationale que si les négociations avec les Palestiniens n’aboutissent pas rapidement, le gouvernement israélien pourrait imposer de façon unilatérale la découpe des territoires. La condamnation unanime des eurodéputés du raid de Tshahal sur une prison palestinienne à Jéricho risque encore de mettre de l’huile sur le feu.