Participate Translate Blank profile picture

Exposition « Bonaparte et l’Egypte » à l’institut du Monde arabe

Published on

La Parisienne

En ce mois de novembre humide et des plus gris, se balader le long des quais de Seine parisiens n’est pas nécessairement la sortie à laquelle on pense spontanément. Et pourtant, si l’on s’en donne la peine, on pourra tomber sur cet étonnant mélange d’architectures occidentale et orientale, mêlant prouesses techniques et modèles traditionnels musulmans, qu’est l’institut du Monde arabe. Fidèle à son habitude de réaliser des expositions originales, plus grandioses et passionnantes les unes que les autres, le musée, situé au cœur du cinquième arrondissement de Paris, propose depuis le 14 octobre une grande exposition consacrée à la campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte en 1798. Tour d’horizon en quelques mots…

Première approche d’un musée singulier

Pour avoir bien souvent été frappé par l’aspect tout particulier de ce lieu, traiter d’une exposition qui s’y déroule sans parler du cadre lui-même me semble relever de l’hérésie. Toutefois, par souci de brièveté, attachons nous simplement à ce qui fait de l’institut un bâtiment à part : sa façade sud. Inspirée de la géométrie arabe des moucharabiehs, dispositifs permettant de voir de l’intérieur sans être vu de l’extérieur et de fournir de l’ombre, elle se compose de deux cent quarante de ces formes, faites de verre et de diaphragmes métalliques s’ouvrant et se refermant en fonction de la lumière extérieure, afin de fournir une luminosité régulière et constante quelque soit l’heure du jour ou la météo. Bien pensé n’est-ce pas ? Mais venons-en au cœur du sujet…

Une plongée dans une Egypte entre mythe et réalité, entre tradition et modernité

L’organisation de la visite guide les curieux le long d’un chemin sinueux mais cohérent, fondé sur un système de salles artificielles réservées à des thèmes s’enchaînant de manière à la fois logique et pédagogique. Le visiteur commence ainsi par une pièce réservée aux représentations de l’Egypte dans l’imaginaire européen à la veille de l’expédition française. Teintée de mythes antiques et de clichés orientaux, l’image dorée que se font les occidentaux de la terre des pharaons s’effondre bien vite dans les esprits des soldats français, qui, comme on le voit dans la seconde salle du musée, consacrée à l’arrivée des troupes napoléoniennes en Egypte, sont violemment confrontés à la réalité de la civilisation du Nil. En effet, envoyés loin de chez eux pour barrer la route des Indes aux Anglais et « porter les idées des Lumières en Orient », l’accueil qui va leur être réservé sera pour le moins hostile, dans une province ottomane en déclin, aux mains des Mamelouks depuis près de six siècles.

Au sortir de cette seconde salle portant sur l’aspect militaire de la campagne, se profile une ambiance toute autre, traitant des techniques et découvertes des nombreux scientifiques venus avec l’armée française afin d’étudier la nature et la culture égyptiennes. De la description des mœurs locales aux travaux archéologiques, en passant par la découverte de la pierre de Rosette ayant permis quelques années plus tard de déchiffrer l’écriture hiéroglyphique, une grande variété de pièces sont présentées à l’œil attentif du visiteur.

Enfin, après un court passage dans une galerie vouée à montrer l’émergence d’une mode égyptienne en Europe, se traduisant par une influence sur les styles vestimentaires, les décorations d’intérieur,  les meubles ou encore la vaisselle, ainsi que sur les arts,  il nous est proposé d’avancer vers la dernière salle de l’exposition, consacrée au devenir de l’Egypte au XIXe siècle après le départ des Français en 1801. Ainsi, des relations naissantes entre la province turque et la France à l’inauguration du canal de Suez en 1869, symbole de l’intérêt européen pour l’Egypte sur le plan politique et commercial, c’est un siècle de rapports entre deux civilisations qui est dépeint dans cette ultime pièce, l’une des plus intéressantes du musée.

Un encouragement à la réflexion

Au sortir de cette exposition, on ne peut s’empêcher d’avoir un sentiment de satisfaction face à la découverte de l’inconnu que l’on croyait connu, qui nous est peint à travers l’heure-et-demie que nécessite cette visite. De plus, celle-ci montre qu’en tant que volonté d’affirmer la supériorité présumée et l’influence française, et plus largement, européenne, en Egypte, la campagne orientale de Napoléon se pose comme un modèle pour la politique colonisatrice qui va marquer le XIXe siècle. De fait, comment ne pas voir dans ce projet de développement technique et économique, mais aussi d’inféodation égyptienne à la jeune république française, le modèle des « missions civilisatrices » dont l’Europe se targuera dans la seconde moitié du siècle ? C’est ainsi toute la question du rapport de l’Occident au reste du monde qui est ici posée via une exposition qui se veut pédagogique et  enrichissante tant sur le plan visuel que sur celui de la réflexion. Dotée de nombreux objets et œuvres de toutes sortes, tous plus beaux et intéressants les uns que les autres, l’exposition « Bonaparte et l’Egypte » se révèle être une entreprise digne d’éloges et du plus grand intérêt. A voir sans la moindre hésitation.

Matthieu Mollicone

Exposition « Bonaparte et l’Egypte » Institut du Monde arabe

1, rue des Fossées Saint-Bernard

Place Mohammed V

75005 Paris Du 14 octobre 2008 au 29 mars 2009