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Évolutionnisme et créationnisme, l’impossible entente

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Le Puy de Babel

L’année 2009 est l’année Darwin, puisqu’on célèbre à la fois le bicentenaire de sa naissance et le 150e anniversaire de la publication de son plus célèbre livre L’origine des espèces. Pourtant, il n’a jamais été autant question de créationnisme.

Plus d’un demi-siècle après la reconnaissance de ces théories par le monde scientifique, les détracteurs de l’évolutionnisme ont repris du poil de la bête.

Un article d'Aude Delignères

C’est, dans une certaine mesure, le juste retour de l’effet « boomerang ». Ce sont les théories transformistes du Français Lamarck et évolutionnistes de l’Anglais Darwin qui, par réaction, ont donné le jour au créationnisme. Comment accepter qu’au début les animaux, et donc aussi l’Homme, n’étaient pas tels qu’on les connaît aujourd’hui et surtout que le phénomène complexe de l’évolution n’a pas été orchestré  par un Être supérieur ?

Le créationnisme prône une lecture littérale de la Bible : la Terre et toutes les créatures y vivant ont été créées par Dieu en semaine, elles sont parfaites au premier essai. Selon les calculs, on ne peut plus sérieux, des défenseurs de cette doctrine, notre planète a tout juste 12 000 ans. Et Adam et Ève jouaient donc dans le même jardin que les dinosaures (charmants animaux de compagnie comme chacun le sait).

Dans cette problématique de l’origine de l’Homme, trois grandes voies s’ouvrent pour les relations entre scientifiques et religieux. Il y a, dans les trois grandes  religions monothéistes des tenants de chacune de ces possibilités avec une infinité de nuances. Premièrement, on peut considérer que les deux parties ont partiellement raison. L’homme de science est conforté par les découvertes archéologiques et l’avancé des recherches en génétique. L’homme de foi voit dans les étapes de la Création telles que racontées dans la Genèse des phases d’une évolution du néant à la création des êtres et des choses.

La deuxième solution consiste à  dire que religion et science appartiennent à des champs de la pensée trop différents pour être comparés. La science a besoin de preuves concrètes pour étayer ses théories. La religion se base sur la foi dont les  fondements ne sont pas remis en cause par l’absence de traces tangibles. La croyance est en soi irréfutable, elle ne peut ni être prouvée ni être infirmée. Ce qui revient ici à dire que la science ne s’occupe pas de religion et que la religion n’essaie pas de se faire science : chacun chez soi et l’homme de Cro-Magnon sera bien gardé.

Hors la troisième voie vise à tenter de revêtir la religion d’un semblant de science, et on obtient le créationnisme. Loin d’être cantonné à quelques groupuscules littéralistes, le créationnisme est fortement implanté aux États-Unis et investit l’Europe depuis une dizaine d’années. Cette doctrine, enseignée dans de nombreux états vient tout récemment de s’offrir un immense musée dans le Kentucky, dont le but est d’expliquer « la vérité sur l’histoire du monde ».  Les vitrines du musée, les explications et le site Internet du musée sont assez édifiants.

Mais l’Europe n’est  pas en reste, depuis une dizaine d’années, le créationnisme progresse jusqu’à toucher l’enseignement en d'Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, en Suède et même en Russie. En 2004, le ministre italien de l’éducation a fait adopter un texte interdisant l’enseignement de l’évolutionnisme aux classes de collège. Le décret a du être retiré suite aux pressions exercées par le milieu scientifique.

Début 2007, de nombreux collèges et lycée d’Europe reçoivent un ouvrage L’Atlas de la création. Action coup de poing d’Harun Yahya (de son vrai nom Adnan Oktar) l’une des figures centrales du créationnisme musulman en Turquie. Son texte, offert à des dizaines de milliers d’exemplaires et disponible sur Internet entend « démonter que la théorie de l'évolution est un des grands canulars et une des grandes supercheries de l'histoire de la science ». L’auteur y présente les thèses de Darwin comme un amas de conjectures fantasques et ridicules puisque ne laissant pas place à un Être supérieur organisant tout. Et il accuse l’évolutionnisme de ne pas être une théorie scientifique, mais purement de la propagande anti-religieuse.

« Si vous utilisez votre intelligence c’est parce que votre ancêtre n’est pas un singe » précise la page d’accueil du site du musée du créationnisme. Que vous choisiez de descendre d’un organisme unicellulaire ou d’un couple ayant des animaux de compagnie de 12 tonnes ;  nous avons tous un tiers de gènes en moins que le moindre plant de riz. Ça fait réfléchir, non ?

A.D.

Photographies :

http://www.flickr.com/photos/alvy/69385239/

http://www.flickr.com/photos/mharrsch/411559023/

http://www.flickr.com/photos/soylentg/3532191525/