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Europe de gauche, Europe de droite

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Le zinc de l'Europe

Le week-end dernier j’ai été à une réunion publique sur l’Europe, avec le ministre français délégué aux affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet.

Pour ceux qui, comme moi avant de le voir, ne savent pas qui c’est, il s’agit, entre autres, de l’ancien directeur de cabinet de Delors au début des années 1990, époque dont la seule évocation tire encore des larmes aux pro-européens français de plus de 50 ans, par ailleurs en forte majorité dans la salle.

Il était venu nous dire en gros que tout va bien, que le traité simplifié est en bonne voie et que la France se prépare sérieusement à sa présidence à partir du 1er juillet 2008. Bon, évidemment, dès les premières questions un peu pointues, la crédibilité du truc s’est un peu faite la malle. C’est sûr que c’est dur de parler d’environnement quand on respecte pas la moitié des directives européennes en la matière, ou d’Europe sociale quand on veut à tout prix limiter le budget européen à des montants ridicules.

Mais finalement, c’était pas bien grave tout ça. Non, parce que le vrai but de la réunion, c’était que Jean-Pierre vienne rassurer ses potes syndicalistes et socialistes et leur prouver que non, il n’a pas perdu son âme en la vendant à Nicolas Sarkozy. On a tous bien compris le message implicite : je crois toujours aux mêmes idées,je fais ce que je peux, mais bon, avec Sarko, c’est pas gagné.

Et bizarrement, autant avec Kouchner, Jack Lang et les autres enthousiastes de la « politique d’ouverture », ce genre d’argumentaire a du mal à passer, autant avec Jean-Pierre Jouyet, ça ne choque pas vraiment au final. Comme si c’était pas pareil dès qu’il s’agit d’Europe. Comme si la droite, la gauche, ça ne comptait pas vraiment.

Le truc gonflant avec la politique européenne, c’est que c’est devenu une sorte de nouveau terrain de jeu pour les hommes politiques en mal de discours faciles et émouvants assénant des grands principes bien consensuels. Oui, on est tous d’accord avec une Europe plus compétitive, qui sauvegarde son modèle social, devient un acteur des relations internationales en n’oubliant pas au passage de sauver l’environnement. Mais quand il y a des choix à faire, on fait comment ? Parce que bon, il faut vraiment être un euro-béat (ou alors un rédacteur de la stratégie de Lisbonne, ce qui revient au même) pour penser que la compétitivité, le social et l’environnement c’est pas contradictoire de temps en temps. Et que devenir un grand acteur international, ça se fait pas avec le budget du Luxembourg !

En fait, dans cette réunion, j’ai bien senti que la vision de l’Europe qui faisait consensus c’était pas une vision de gauche mais bel et bien une vision française. On voulait avant tout exporter le modèle social français et, depuis qu’on se la joue avec notre « Grenelle de l’environnement », le modèle environnemental français aussi (je me marre !). Dans ces conditions, c’est sûr que c’est pas bien grave pour Jean-Pierre Jouyet d’être le ministre d’un gouvernement de droite. L’un dans l’autre, ça change pas grand-chose à la politique européenne de la France. C’est ce qui fait que la réunion publique s’est super bien passée…

Le hic dans tout ça, c’est qu’il y a une Europe de gauche et une Europe de droite. Malgré les compétences limitées de l’Union européenne, on a vu qu’on pouvait accompagner la création du Marché intérieur avec des textes sur les régimes de sécurité sociale, sur la protection du consommateur et aussi sur l’environnement. C’est l’Europe que l’on connaît aujourd’hui. Et quand j’entends Monsieur Sarkozy parler de « champions nationaux », de « préférence communautaire » et refuser d’augmenter le budget, j’ai pas l’impression qu’on parle de la même Europe. Et bientôt viendra le temps où on ne pourra plus faire de compromis entre les deux. Il va falloir choisir, Jean-Pierre !