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Être cool en 2012 : ce que l'homme torturé peut apprendre du Duc

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Default profile picture Fanny Schutzlé

SociétéStyle de vie

Être cool - au sens de froid, dénué d’émotions - n’est plus tendance dans nos sociétés modernes. Du moins, en ce qui concerne les hommes. Le mâle se doit désormais d’être de plus en plus compréhensif et sensible – et se trouve dépassé par ce nouveau rôle. La bonne nouvelle, c’est que Jeff Bridges alias « Le Duc » dispose de quelques bons tuyaux à destination de « l'homme-douleur ».

Lars Eidinger n’est pas cool. Il n’est même vraiment pas cool du tout. Grand et gauche, les tempes bien dégarnies, l’acteur allemand sélectionne des rôles difficiles – et apparaît encore et toujours comme le représentant typique de sa génération (Eidinger est né en 1976) : une sorte de paresseux, indécis, un peu dépassé par les événements. Un trentenaire qui ne parvient pas vraiment encore à se sentir bien dans sa peau d’adulte.

A ce propos, dans une interview accordée à la présentatrice Sarah Kuttner, Eidinger affirmait: « J’ai le sentiment que nous sommes une génération pleine de complexes. Et pour moi cela vient principalement des années 80. » A l’époque, les hommes, tout comme Eidinger d’ailleurs, ont commencé à se donner une contenance, à se composer une attitude : la notion de « Pokerface » (visage impassible des joueurs de poker) ou encore le mot « cool » ont émergé dans les années 80 - ce sont bien des notions qui au fond renvoient à la froideur et à l’impassibilité. « J’ai déjà remarqué que j’avais des difficultés à assumer mes émotions. »

Réelle sensibilité vs attitude de façade

Étrange, d’entendre cela de la part d’un acteur, qui est justement célébré - dans les chroniques culturelles - comme l’incarnation de « l’homme-douleur » (traduction littérale du « Schmerzensmann ») – une notion que la journaliste Nina Paur proposait en début d’année et qui déclencha un gros débat sur l’homme d’aujourd’hui dans les journaux allemands. Eidinger est introspectif et sensible, donc effectivement tout sauf « cool » dans le sens de « froid, qui n’éprouve aucune émotion ». Un homme sensible par excellence, donc.

L’homme-douleur est le successeur de l’homme-prototype, décrit si justement par Eidinger. Désormais, plutôt que de jouer un rôle, ce sont les sentiments qui gouvernent, plutôt qu’une attitude de macho. C’est uniquement la compréhension de l’autre qui est cultivée. Le problème c’est qu’avec toute cette introspection et cette empathie pour la gent féminine, cet homme torturé en oublie bel et bien d’agir. Alors que la bien-aimée attend désespérément son premier baiser, l’homme sensible préférera rester son meilleur ami. Et jouer les mélodies de Bright Eyes.

Les hommes d’environ 20-35 ans, n’y parviennent pas déplore Nina Pauer. Ni avec les femmes, ni dans leur vie en général. L’homme sensible souffre de son époque. Pendant des décennies on a attendu des hommes qu’ils soient durs et froids (« cool »), qu’ils portent la culotte et séduisent les femmes. Et maintenant, tout à coup, ils doivent écouter, être plus sensibles, ressembler plus à une femme finalement. Avant tout, ils doivent rester honnêtes, assumer leurs sentiments. La « coolitude » - en guise de détachement - n’est plus à la mode dans nos sociétés modernes.

Just take it easy man

Sorti en aout 2007 aux States.A moins que ? Je suis un Lebowski, tu es un Lebowski tel est le titre de l’œuvre de quatre auteurs américains parue récemment. Souvenons-nous rapidement de Lebowski : il s’agit d’un bon vivant incarné par Jeff Bridges dans le film culte The Big Lebowski et surnommé « le Duc ». Le Duc passe volontiers son temps en peignoir de bain avec un verre d’alcool à la main. Faire du bowling et sillonner le pays en voiture comptent parmi ses passe-temps préférés. Auparavant le Duc était roadie, il n’a d’une certaine manière pas évolué dans le temps. Le leitmotiv du Duc se résumerait donc ainsi : la vie est courte et compliquée et on ne peut rien y faire. Donc on ne fait rien contre ça. Just take it easy man, arrête de te prendre la tête avec ça.

Contrairement à Lars Eidinger l’homme-douleur, le Duc est cool. Et il est même ultra cool. Il vit sa vie en mode décontracté, sans s’interroger, s’il doit embrasser tout de suite ou non une femme ou d’abord jouer un rôle. Le Duc apparaît ainsi comme l’anti-homme sensible et pourrait donner de précieux conseils à beaucoup de jeunes hommes dans leur vingtaine, désorientés par la complexité de leur temps.

Les jeunes hommes cultivent l’art d’attendre. Ils attendent que la femme prenne l’initiative. Ils attendent qu’elle retrouve le rôle qu’elle a perdu et dont elle ne sait plus vraiment à quoi il ressemble. A tous ces jeunes hommes, le Duc dirait : « ça va, ce n’est pas grave d’être paumé. Take it easy. Sois cool mec. »  Cool mais pas dans le sens de froid, sans émotion, comme c’était le cas dans les années 80. Plutôt dans le sens de détendu. Être cool sans pour autant être froid dans son comportement. Allez c’est reparti pour Bright Eyes.

Vidéos :  ©CinemaGuild/YouTube ; (cc)weisslerb/YouTube

Translated from Coolsein: Was der Schmerzensmann vom Dude lernen kann