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Estelle Swaray:«Si vous n’aimez pas, tant pis»

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BrunchSociété

La rappeuse de 28 ans a échangé Londres, ses anciens mecs et son industrie du disque pour un nouveau départ aux Etats-Unis et un duo improbable avec Kanye West. Elle produit ses albums, poursuit sa carrière en solo et compte bien n’en faire qu’à sa tête.

Estelle peut-elle surpasser le challenge relevé par Leona Lewis qui s'est placée le 28 mars dernier dans le Top 50 américain ? (Photo: © 2007 Andrew Zaeh)

« Paris me fait penser au personnage de Carrie dans Sex and the City », nous explique Estelle Swaray en tripotant son micro dans un hôtel cossu des Champs Elysées. « Je me prends pour elle quand je me ballade dans les rues, du style ‘j’adore mon look et je suis borderline’. Terrible! , lance-t-elle avant de se perdre dans un monologue décousu, sans trop de queue, ni de tête. « J’étais aux Galeries Lafayette pour m’acheter de nouveaux vêtements parce que j’ai perdu mes bagages dans l’avion. Je m’étais mis un foulard sur la tête et je ne ressemblais à rien. Empêchez-moi d’aller rue du Faubourg St-Honoré (une rue très connue de Paris avec des magasins chics) ! Oh, j’hyperventile, là. Vous comprenez quelque chose à toute cette chaleur qui s’échappe de mon corps ?! »

Un label pour elle seule

« Quelqu’un peut-il donner des cours de communication à Estelle ? », se demande The Times après l’avoir interviewée. Après plus de dix années passées au cœur de l’industrie du disque, la personnalité d’Estelle est plutôt rafraîchissante. Une lecture rapide des paroles de son premier single 1980, extrait de son premier album The 18th Day (2004) qui l’a fait connaître au Royaume-Uni, suffit pour savoir comment elle a grandi dans les quartiers Ouest de Londres : « Des oncles et des frères qui sortent de prisons quotidiennement, trois lits et six enfants, l’Eglise, c’était toute la journée, tous les jours… », décrit Estelle. Ces jours-ci, la chanteuse est plutôt occupée à se battre avec les taxis de Brooklyn où elle a emménagé au début de l’année 2007. « Putain, je déteste les taxis, ils craignent », chante-t-elle. Malgré tout, elle a décidé de tourner le dos au Royaume-Uni.

« J’étais fatiguée de toute cette merde, de la musique, pendant un moment ça m’a ennuyé, s’explique-t-elle. J’étais arrivée à un point où c’était trop, trop faux, trop plastique, des gens fous. Je voulais qu’on me laisse tranquille trouver qui je suis ». Estelle décide alors de monter son propre label de musique, Stellarents, « pour me faire ma propre carrière. Personne ne savait quoi faire de moi ! ». On ne se demande pas longtemps pourquoi : Estelle était rappeuse et productrice, alors quand elle a commencé à chanter, ça en a surpris plus d’un. « Je ne suis pas ici pour me plier aux exigences de quiconque, dit-elle. Si vous n’aimez pas, tant pis ».

Une petite américaine et Kanye West

Les Etats-Unis eux l’adorent. Estelle est parmi les artistes britanniques qui ont réussi de l’autre côté de l’Atlantique, comme Dizzee Rascal et De la Soul. « Le problème quand on va là-bas, c’est qu’on se conforme aux attentes et après, on n’est plus nous même, dit-elle, agitée. Moi, quand je chante, les gens comprennent et savent de quoi je parle comme dans American Boy, le premier single extrait de mon nouvel album Shine (sorti le 31 mars). Je ne prétends pas être autre chose que ce que je suis. C’est trop d’efforts de faire semblant, c’est ça, c’est trop demander. »

Et elle s’en sort bien aujourd’hui. « simple » et « facile », voilà les mots qu'elle ne cesse d'utiliser pour décrire son déménagement aux Etats-Unis. Elle a quitté sa maison de disque anglaise pour devenir la première artiste à se produire sous la bannière de la John Legend's Homeschool Records. Son album inclut un morceau produit par le DJ britannique Mark Ronson « avant qu’il devienne Le Mark Ronson ». Incroyablement terre-à-terre, Estelle nous révèle comment American Boy est né. « J’étais avec will.i.am (des Black Eyed Peas), en train d’essayer de faire de la house comme celle de John Legend. On faisait les cons et il est arrivé et a commencé à faire de la breakdance. On a rappé et la mélodie lui est venue. On n’a pas trouvé que c’était génial. Je me suis dit que c’était genre Jamiroquai ! » Finalement, la manager d’Estelle Swaray, invite Kanye West à travailler avec eux. « Il a juste commencé à rapper, se souvient-elle. Puis il a improvisé en ajoutant des paroles sur au moins une centaine de lignes ! J’me disais que personne ne l’avait prévenu qu’il ne m’en fallait pas tant ! Peut-être pouvions-nous songer à écrire une autre chanson ! Au final, il m’a offert un vrai duo plutôt qu’une simple figuration dans une chanson. »

Estelle et Kanye West - 

Du wolof aux histoires de coeur

« Maa ngi fii rek ! ». Estelle s’exclame en Wolof, la langue officielle du Sénégal d’où est originaire sa mère. Une partie de sa famille y vit toujours : « Je ne dois pas parler cette langue, je la parle trop mal, c’est une honte. Les gens vont me jeter des sorts ». Estelle prévoie pourtant de revenir l’été prochain au Sénégal et de jouer lors des concerts de Wyclef Jean et Akon qui partagent les mêmes origines. « C’est de là que vient mon grand-père, ça serait un honneur de faire quelque chose en sa mémoire, il est mort l’année dernière. »

Et quand on lui parle de revenir en Europe, elle évoque carrément la vie de famille. D’autres préoccupations : « Je reviendrai un jour ou l’autre, ça dépend si j’ai envie de me caser et d’avoir un enfant. C’est mon horloge interne qui parle ! » C’est un sujet sur lequel on revient toujours dans notre conversation. « Je suis la fille la plus célibataire du monde », ajoute-t-elle. Elle soupire avec exagération. « Je suis très occupée, très indépendante. Beaucoup d’hommes trouvent cela menaçant. Ca m’épuise de ne rien y comprendre, sujet suivant ! »

Rien à faire. Nous restons là dessus, car c’est bien la vie amoureuse qui a inspiré son dernier album Shine. « Il m’a fallu quatre ans pour faire ce disque. J’ai grandi, changé de maison de disque et de pays. Chaque chanson est inspirée d’une situation réelle. J’ai peur qu’un gars dont je parle, débarque très bientôt et m’attaque en justice ! J’ai eu beaucoup de moments difficiles et je les ai intégrés à cet album. » Dance, motown, soul, le zouk et le reggae que sa mère sénégalaise et que son beau-père de Grenade jouaient à la maison, sont les principales influences d’un album dont elle jure qu’ « il ne donne pas de leçons. J’ai eu différentes expériences avec des gars et maintenant que je suis célibataire, je me dis que je n’aurais probablement pas du faire ces trucs. Mais ça vient de moi, ce sont les choses les plus honnêtes que j’ai dites. C’est moi, je ne peux pas envisager autre chose que cette sincérité et je ne changerai pas ». Elle sourit avant de sortir en vitesse de la pièce pour attraper le train qui la ramènera à Londres.

Estelle, à propos d'elle :

Les trois mots qui la décrivent le mieux

(Estelle est) la fille de sa mère

La comparaison que font les médias entre elle et Lauryn Hill

J’en suis fière, c’est une légende. Si les gens m’écoutent dans dix ans comme ils l’écoutent elle, vous pouvez me comparer à elle toute la journée !

Etre insomniaque

Je ne suis pas très agréable dès le matin. Je suis un oiseau de nuit, je vais d’une boîte au studio. Me faire lever avant 7 et 9 heures, c’est mission impossible. Je serais très vache et c’est comme ça. Je suis moi.

Photos: Une et encadré(©Krause, Johansen), 'American Boy' pochette de l'album(©d.q./ Flickr)"

Translated from Estelle Swaray: 'the singlest woman alive'