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Ernest Urtasun, l'autre renouveau politique espagnol

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SevillaPolitique

À l'approche du grand rendez-vous sur le changement climatique de 2015 à Paris, le député européen égologiste, Ernest Urtasun vient nous alerter sur l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui la politique climatique en Europe et dresse le portrait des défis environnementaux à relever au sein l'Union européenne.

C'est l'une des nouvelles têtes du Parlement européen version 2014-1019. L'eurodéputé espagnol écologiste Ernest Urtasun ‒ certes moins médiatisé que Pablo Iglesias Turrión, leader de Podemos ‒ est lui aussi le symbole de la nouvelle vague politique espagnole. Agé de 31 ans seulement, il a déjà une expérience politique considérable acquise aux sein des jeunes d'ICV (Initiative pour la Catalogne Verts) et en tant qu'assistant parlementaire du député européen Raul Romeva i Rueda. Il a également officié comme diplomate espagnol au sein de l'Union pour la méditerranée. Élu aux dernières élections européennes de mai 2014, il siège aujourd'hui au groupe des verts européens aux cotés de son compatriote Jordi Sebastia, mais aussi de José Bové, Ska Keller ou encore Philippe Lamberts.

« Europtimiste » mais différent

Peu médiatisé et issu d'un parti politique méconnu, il a brillé à l'occasion d'une conférence organisée par l'ENA à Strasbourg. Invité à s'exprimer sur les enjeux de la Conférence de Paris sur le climat de 2015 où les accords de Kyoto seront renégociés, l'eurodéputé s'indigne de la politique climatique inopérante de l'UE, lui « europtimiste » mains néanmoins très critique de l'Europe d'aujourd'hui. De son point de vue, à un an de cette conférence de Paris sur le climat, la sortie des écolos du gouvernement français en mars dernier est de mauvaise augure, à la fois une grave erreur stratégique et un nouveau signe de faiblesse de l'Élysée. Raison de plus, explique-t-il, pour « organiser un grand débat public autour de la Conférence de Paris » et éviter qu'elle ne soit oubliée dès le lendemain de sa conclusion, comme se fut le cas de la Conférence de Copenhague de 2009.

Son principal souci concerne les graves conséquences humaines du réchauffement climatique: 22 millions de déplacés dans le monde à cause du changement climatique d'après l'Internal Displacement Monitoring Center. Une opportunité unique selon Urtasun, de mobiliser la communauté internationale autour des questions du climat et de faire pression sur nos représentants politiques nationaux et européens afin d'obtenir des garanties concernant le changement climatique. Selon lui, c'est à l'UE de prendre la tête de la lutte contre le changement climatique, ce qui passe par une « Europe forte » lors de la Conférence de Paris. Un oxymore par les temps qui courent…

La question qu'il nous pose néanmoins est de savoir si la Commission Juncker sera suffisamment ambitieuse dans ce domaine alors qu'elle n'est composée d'aucun commissaire écologiste et que le commissaire Arias Cañete à l'énergie et à l'environnement est l'un des plus contestés au sein du collège ? De sévères accusations reposent en effet sur lui en raison d'un présumé conflit d'intérêts entre son poste de commissaire et son récent passé dans l'industrie pétrolière, business dans lequel son beau frère possède toujours d'importantes actions. Sans oublier ses déclarations machistes à l'égard d' Elena Valenciano sa concurrente lors de la campagne pour les européennes de mai 2014.

Manoeuvre à Tibor

Urtasun doute de la détermination de la nouvelle Commission à agir sur ce front et ne peut que constater l'abandon progressif de l'intérêt porté au climat, notamment à la grave crise qu'il provoque déjà dans le bassin méditerranéen. Pour lui il y a un véritable blocage dans les relations institutionnelles de la méditerranée, mails il souligne qu'avec « un système institutionnel renforcé », l'Union jouirait d'opportunités majeures pour contenir la crise du climat dans cette région et apporter des solutions durables.

Pourtant, dans un entretien accordé au quotidien espagnol El Diario, Urtasun témoigne de son scepticisme à l'égard de la Commission de Juncker. Et dénonce les accords de non-agression actés dans les couloirs du Parlement entre Socialiste (S&D), Libéraux (ALDE) et Parti Populaire (PPE) pour se répartir les sièges de commissaires. Il s'étonne de la schizophrénie de Juncker nommant à la citoyenneté et à l'éducation un néo-fasciste, le hongrois Tibor Navracsics, à la stabilité financière un lobbyiste de la City, le Britannique Jonathan Hill et à l'immigration l'ultra conservateur grec Dimitris Avramopoulos. Ce, alors que 3 000 personnes sont d'ores et déjà mortes en 2014 en essayant de traverser la méditerranée.

C'est précisément sur le sujet des politiques d'immigration en méditerranée qu'Ernesto Urtasun était invité à se prononcer sur la France Inter en septembre 2014. Il estimait alors que le problème réside dans le fait qu'en dépit du drame de Lampedusa, les ministres de l'intérieur des État membres de l'UE veulent que la politique d'immigration reste une compétence nationale. Ce qui aboutit à la policiarisation des politiques de l'immigration, au primat accordé à l'approche répressive au détriment d'une approche combinée bien plus efficace, humanitaire et sécuritaire.

L'Europe en eaux troubles

N'en déplaise au Front National et autres partis d'extrême droite européen, Urtasun estime qu'une politique d'immigration efficiente et maîtrisée ne peut en passer que par une plus grande intégration de l'UE, plus de compétences pour Bruxelles. En effet, qui d'autre que l'UE disposerait des moyens nécessaires pour harmoniser et coordonner les politiques de sauvetage maritime avec les politiques d'asile, les politiques de coopération au développement ainsi que la répression du marché illégal des passeurs ?

Cependant les États membres de l'UE font une fois de plus preuve de timidité. En effet, alors que le programme italien de sauvetage en mer « Mare Nostrum » a pris fin le 1er novembre 2014, le programme européen « Triton » doté d'un budget mensuel trois fois inférieur vient s'y substituer. Un programme jugé insuffisant, chaque État ayant décidé d'être responsable de sa politique d'immigration alors même que les frontières intérieures de l'Europe ont disparu avec Schengen. Comment peut-on maîtriser les politiques d'immigration si l'on ne se dote pas des moyens nécessaires pour y parvenir, demande Monsieur Urtasun ? C'est là le paradoxe de l'UE, une institution aux capacités infinies, dotée d'un grand potentiel pour affronter les crises majeures de notre continent mais aux compétences excessivement limitées par les réticences d'États membres de plus en plus souverainistes.