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Energie : le nouveau missile russe ?

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Politique

La question de l’approvisionnement énergétique joue un rôle croissant dans les rapports entre la Russie et son « étranger proche ». Une manière de montrer qui commande dans la région ?

Le Kremlin serait-il au bord de la crise de nerfs ? Alors qu’une crise diplomatique opposait récemment l’Estonie à la Russie à propos du démontage le 26 avril de la statue d'un soldat soviétique à Tallin, les transports de produits pétroliers en provenance de Moscou vers la petite république balte par voie ferrée ont été suspendus. Officiellement en raison de travaux.

Si l’on ajoute à ces turbulences, les menaces de Poutine de couper les robinets énergétiques de ses turbulents voisins ukrainiens et géorgiens durant les hivers 2005 et 2006, la stratégie de la puissante Russie à l’égard des anciens pays membres de l’URSS s'avère très claire : Franck Têtard, chercheur en géopolitique, affirme qu'elle traverse actuellement une « crise post-coloniale ».

Depuis 2004, l’élargissement de l’Union européenne aux États baltes et la ‘Révolution orange‘ en Ukraine, la Russie ne supporterait pas de voir son accès à la mer Baltique et à la mer Noire remis en cause. Résultat : l’ancienne puissance soviétique vit un « repli sur elle-même », l’obligeant à « repenser » son territoire et son identité, rapport à des voisins devenus soudainement indépendants.

Si les crises énergétiques ukrainiennes et biélorusses ont principalement été motivées par des motifs financiers, le conflit diplomatique avec l’Estonie relevait plus de la tempête dans un verre d’eau que de l’affrontement géopolitique majeur. Ognian Hishow, politologue pour le think tank berlinois ‘Stiftung Wissenschaft und Politik’ (SWP), affirme notamment que la Russie a cherché avant tout en Estonie à rassurer ses propres communautés nationalistes, par un « geste de pouvoir ». « Pour la forme ».

Une dépendance asymétrique 

Car cela fait des années que la Russie est considérée comme le « réservoir de matières premières de l’Ouest ». Les exportations sont à près de 80% constituées par des matières premières, comme le gaz, le pétrole ou le bois. Les revenus tirés de ce commerce constituent 32% du budget fédéral. Quant au commerce du gaz, il n’est possible qu’avec l’Europe, les relations Russie-Etats-Unis étant tendues et la Chine refusant les prix actuels.

Selon les experts, l’ancien géant soviétique serait aujourd’hui victime du ‘syndrome hollandais’, c’est à dire qu’à l’image des pays bénéficiant de larges ressources naturelles, la Russie a tendance à négliger les autres secteurs de son économie. L’actuel cours élevé du pétrole russe masque la faiblesse à long terme de la croissance, due à un taux d’investissement insuffisant.

Selon la Commission européenne, alors que l’Union compte pour plus de la moitié des exportations russes, la Russie ne représente qu’environ 7% du total du commerce européen.

Dans cette configuration, la quête d’une suprématie sur la scène régionale devient un refuge. Et une véritable menace pour les ex-États satellites, à la différence de Bruxelles, simples victimes de « dommages collatéraux », en cas de coupure du robinet russe.

Une gestion commune de l’énergie ?

« Quand les Polonais arrivent avec leurs névroses, les autres diplomates pensent qu’ils débloquent » commente avec ironie Ognian Hishow, soulignant des différences « dans la perception comme dans la réalité », entre nouveaux et anciens Etats membres.

Pour Christian Cleutinx, directeur général à l’Energie et aux Transports de la Commission, « les nouveaux pays membres doivent comprendre qu'ils sont à présent intégrés dans une entité plus grande, l'Union européenne ». « L'achèvement du marché intérieur de l'énergie a pour objectif d'améliorer la sécurité d'approvisionnement de l'ensemble de ses membres», poursuit-il.

Après le lancement du processsus de coopération énergétique entre l’Union européenne et la Russie lors du sommet de Paris en 2000, cette dernière devait maintenant investir massivement dans les infrastructures pour garantir une production sur le long terme. Mais le gaz étant plus difficile à transporter et à conserver que le pétrole, les fournisseurs ne peuvent approvisionner tous les Etats membres à la fois, limitant l’adoption de politiques communes.

Sans compter l’épuisement des réserves d’Europe du Nord. Les projecteurs de investisseurs sont depuis tournés vers l’Asie centrale, une zone où la Russie apparaît comme un acteur incontournable. La coopération énergétique qui semble inévitable, permettra-t-elle d’envisager des relations plus stables entre l’Union européenne et la Russie à terme ? Dans l’enchevêtrement de liens économiques et géopolitiques entre Russie et Union européenne, Ognian Hishow souligne d’ores et déjà des « contradictions », avec lesquelles il faudra « vivre un moment encore ».

Homepage photo: gas tank line (pbo31/ Flickr)

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