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Ecolo-tragédie à l'italienne : du pétrole dans la vallée du Pô

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Cléo Schweyer

Société

Le 24 février, des inconscients ont répandu des tonnes de mazout dans les eaux du Lambro, rivière des environs de Milan. Résultat ? Une marée noire a envahi le petit affluent du Pô, le principal fleuve italien. Quelles en seront les conséquences ? Une sale histoire, en direct de l'une des régions les plus riches et les plus polluées de la belle botte italienne.

 Dans la nuit du lundi 23 au mardi 24 février, à Villasanta - dans les environs de Milan - quelques imbéciles se sont introduits dans l'ex raffinerie de Lombardia Petroli, aujourd'hui utilisée comme dépôt. Ils ont ouvert les vannes des silos, et laissé se déverser les hydrocarbures dans la cour de l'entreprise. Aussi incroyable que cela paraisse, les grilles d'égout de la cour donnent directement sur le réseau public d'évacuation, et donc sur les eaux du Lambro tout proche. Qui s'est retrouvé envahi par une sombre tache d'huile.

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Heureusement, ce désastre écologique n'est pas comparable au naufrage du pétrolier Prestige au large de la Galicie, qui déversa environ 63.000 tonnes de pétrole dans l'océan; ici, il s'agit plutôt, selon les estimations, de 2 à 3.000 tonnes de carburant et huiles diverses. Une quantité qui reste considérable, l'équivalent de 170 camions-citernes.

Agriculture menacée

Milan (BrancaleoneDaLecce/flickr)Les raisons de craindre pour l'environnement ne manquent pas : le cours d'eau dont il est question baigne environ 80 kilomètres de plaine et se jette dans le Pô, le plus long fleuve italien. Les eaux du Pô et du Lambro sont employées à l'agriculture de cette zone agraire, la plus vaste d'Europe méditerranéenne, et irriguent les champs de mais, blé d'inde, riz et betterave. Dans le Sud de la plaine, dite « la basse », se sont développés à la fois la culture et l'élevage, d'une importance fondamentale. C'est dans la "basse" que sont nés les colosses de l'agroalimentaire italien : Barilla, Parmalat et le groupe Cremonini -qui fournit en viande Mac Donald's Italie. Quelques-unes des spécialités italiennes appréciées dans le monde entier sont produites ici : charcuteries - salami, pancetta, prosciutto - et fromages - parmesan Reggiano, Grana Padano. L'inquiétude est donc vive quant aux conséquences que pourrait avoir la contamination des eaux, dans une région qui pèse lourd dans l'économie nationale.

L'intervention de la Protection Civile, des pompiers et des militaires a permis de parer à la première urgence : « Le plus gros devrait être filtré », estime un responsable des travaux d'assainissement du Pô à la Protection Civile: « pour l'instant, aucune grosse nappe n'est encore arrivée. » Reste l'incertitude sur les effets des hydrocarbures sur l'écosystème des cours d'eau, et sur leur possible dépôt dans les lits des fleuves. Par ailleurs, la pollution ne se limite malheureusement pas aux effets directs de la fuite de gasoil. En arrivant, via le Lambro, à la station d'épuration de Monza, elle a tué tous les micro-organismes utilisés pour le traitement de l'eau. Résultat : la station sera fermée pendant près d'un mois, et pendant ce laps de temps les eaux usées de 700.000 habitants seront rejetées directement dans la rivière.

Des détritus en plastique polluent le Lambro (Latente/flickr)Le Lambro est depuis longtemps un des cours d'eau les plus pollués d'Italie. D'après Barbara Meggetto, responsable de la section lombarde de l'association écologiste Legambiante, « il souffre de 30 ans de pollution industrielle. Ces dernières années, avec la création du Parc de la vallée du Lambro, la situation s'était un peu améliorée. Maintenant, on risque de faire un bond de 30 ans en arrière. » Si le fleuve irrigue en aval un paysage de champs et de fermes, en amont, là où s'est produit le dégazage criminel, il traverse un enchevêtrement d'usines, de baraques, de maisons et d'autoroutes. La banlieue de Milan compte parmi les zones les plus densément construites d'Europe, et constitue un centre de production de première importance pour le pays.

Coup dur pour l'image de l'Italie du nord

La plaine du Pô est la locomotive économique du pays, tout comme d'autres zones industrielles majeures du Nord. Les retombées sur la santé des habitants sont évidentes. Elles concernaient jusqu'à présent surtout la qualité de l'air : aussi mauvaise qu'en Belgique ou en Hollande.

Dessin de Jacopo MaraziaIl va sans dire que la situation actuelle n'est pas le fruit du hasard. De la même manière que l'affaire du pétrole répandu sur la Galicie avait mis en lumière les défaillances de la sécurité des côtes atlantiques, on se trouve ici face à une indigence criante des dispositifs de protection de l'environnement. En théorie, les lois existent : l'ex raffinerie aurait due être soumise à des normes européennes très rigoureuses, conformément à la directive dite « Seveso » - du nom d'un village proche de Milan où une tragédie similaire s'était produite, avec la fuite d'une nappe de dioxine. Mais personne ne s'est soucié d'effectuer les contrôles prévus.

On entend souvent dire que les problèmes environnementaux seraient le fait d'un Sud arriéré : Naples et Palerme avec leurs déchets, ou les Pouilles et leur bétonnage abusif. Arriération culturelle, c'est ce qu'on dit. Avec ce récent événement, la Lombardie s'est pris la dure réalité en pleine figure : même le Nord « moderne », celui qui regarde vers l'Europe et organise l'Expo Universelle de 2015, est encore affligé de maux typiquement « italiens ».

Photos: JFabra/flickr, BrancaleoneDaLecce/flickr, Latente/flickr. Video : jacopomarazia/Youtube.

Translated from Petrolio in Val Padana: un disastro ecologico italiano