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Du sexe, du speed et la haine de la Russie

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Default profile picture nora schreiber

Dorota Maslowska, enfant prodige de la littérature polonaise, décrit la tristesse d'une génération bercée par le communisme et nourrie à l'adhésion à l'UE.

« La littérature est une fenêtre à travers laquelle un peuple peut regarder dans les yeux d’un autre », dit Karl Dedecius, traducteur allemand de littérature polonaise et directeur de l’Institut Polonais d’Allemagne. Dorota Maslowska ouvre une telle fenêtre : dans son premier roman « Polococktail Party », la shootingstar polonaise décrit la vie d’Andrzej qui, largué par sa petite-amie, rôde à travers la grisaille des HLM d’une ville polonaise, cherche du speed et du sexe rapide et vit, en pestant grossièrement, son désespoir.

Andrzej représente une grande partie des adolescents en Pologne. Il incarne une génération qui se trouve à un nouveau départ, entre deux mondes - après la fin du communisme et avant l’adhésion à l’UE - , à la recherche d’une identité polonaise propre. On se réjouit de « l’Occident », de ses possibilités, tout en ayant peur d’être écrasé économiquement par celui-ci. On peste contre les Russes, on veut se libérer de la mauvaise odeur du communisme, tout en souhaitant le retour de la vie pas chère. Traduit, le titre original du livre signifie « La guerre polono-russe sous l'étendard blanc et rouge [le drapeau polonais] ». Même si Dorota Maslowska souligne que son livre n’est pas politique et ne fait que décrire la réalité, la vie telle quelle est, le titre renvoie pourtant à une réalité politique polonaise : le mépris, la haine des Russes, dûe à la tutelle de Moscou exercée pendant de longues années, et la recherche maladive d’une identité polonaise propre à explorer et à vivre.

Paumés, mais sensibles

Avec son histoire d’Andrzej « le Fort », Dorota Maslowska dresse un portrait accablant de sa génération. Toutes les valeurs semblent se dissoudre dans le post-communisme. L’esquisse confuse et grotesque d’une culture de rue dans une ville polonaise quelconque, sans identité et au climat rude, dénonce la perte d’un système de valeurs qui donnait de l’importance à la famille.

Le livre est devenu un bestseller en Pologne, aussi à cause de la vulgarité de son langage. Dorota Maslowska qui n’avait que 18 ans lors de la parution du livre, écrit dans son propre argot : c’est vulgaire, grave et ça déchire. Une langue qui, justement, plaît aux adolescents. Le livre se lit tout seul - que l’on veuille ou non - tout en révélant avec dureté et sans ménagements la grisaille du quotidien. Le réalisateur Wiktor Grodecki qui travaille sur un projet de scénario, dit de ce roman qu’il reflète l’état d’âme des jeunes dans la Pologne d’aujourd’hui : paumés, mais sensibles. Ce livre s’adresse surtout aux jeunes : lycéens et étudiants, une culture de rue qui a grandi dans les HLM et qui doit découvrir à présent, dans une période de bouleversements, sa propre identité. Et même si les critiques portent aux nues les finesses de l’oeuvre, beaucoup d'adolescents polonais n’abordent le livre que sous l’aspect de sa popularité. Cela leur plaît que l’on y jure si souvent. Des tirades entières d’injures que dans la vraie vie, on n’oserait jamais prononcer à haute voix.

Europe, l’espoir

Le livre démontre le quotidien d’adolescents polonais. Pourtant, chaque médaille a toujours deux faces : pour les plus âgés, « Polococktail Party » n’est pas de l’art. Ils sont déconcertés par la pauvreté du langage. Parmi les jeunes, les intellectuels préfèrent se tourner vers l’Europe et ses possibilités. Ils se sont débarrassés de la mauvaise odeur des relents russes, une nouvelle conscience de leur propre origine polonaise est en train de se développer. Le portrait, pertinent, de la tristesse d’adolescents polonais dans une cité HLM d’une petite ville, ne doit pas faire oublier qu’il existe aussi un autre côté de la Pologne, celle qui se met en route pour l’avenir. Avec ses rêves et ses espoirs, et bien plus d'opportunités que la génération de ses parents. Dans la triste description du quotidien d’un pays qui, après la fin du communisme, ouvre ses portes vers l’Europe, il y a aussi l’espoir de beaucoup - et surtout parmi les jeunes - d’une Pologne européenne.

Translated from Hass auf Russland, Sex und Speed