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Droits de la femme : l’Azerbaïdjan ouvre l'oeil

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Société

La Ligue du droit international des femmes vient de rendre un rapport sur la condition féminine en Azerbaïdjan. Longtemps accusé de bafouer les grands principes relatifs aux droits humains, le pays a manifestement connu quelques avancées notoires en matière de droits de la femme. Si l'ombre de la tradition pèse encore sur la conscience des Azerbaïdjanais, des progrès se font sentir. Explications.

Ancien satellite de Moscou durant la Guerre Froide, l'Azerbaïdjan décide de se tourner vers l'Europe après le démantèlement de l'URSS. En tant que membre du Conseil des droits de l'homme des Nations unies et du Conseil de l'Europe – dont il a pris la présidence en mai 2014 pour 6 mois –, l'État azerbaïdjanais est tenu d'observer la Déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi que son pendant européen, la Convention européenne des droits de l'homme. De quoi influencer positivement un pays en quête d’inspiration. 

Un pays pionner, bien avant la France

Bien avant la France, l'État azerbaïdjanais a, au lendemain de la Première Guerre mondiale, instauré le droit de vote pour les femmes, après la proclamation de la première République démocratique azerbaïdjanaise le 28 mai 1918. Et près d'un siècle plus tard, comme un hommage rendu avant l'heure, le gouvernement azerbaïdjanais a mandaté la Ligue du droit international des femmes afin d'enquêter sur les avancées de leurs droits de ces dernières.

Depuis une vingtaine d'année, la République caucasienne a entamé un véritable processus de modernisation et s'est fixé comme objectif le respect des valeurs du Conseil de l'Europe, qu'elle a intégrées en 2001.

Tout d'abord, les autorités azérbaïdjanaises ont permis à la cause féminine une avancée notoire en matière politique, en permettant au Parlement de nommer une femme à la tête de la Médiation nationale (« Ombudsman ») en 2002. L'Assemblée nationale d'Azerbaïdjan comporte d'ailleurs aujourd'hui 16 % de femmes, contre 11 % il y a une dizaine d'années. Si le pourcentage actuel est encore faible, le pays est indéniablement sur la bonne voie. À l'échelle des municipalités, la marge de progression est encore plus significative : d'après une étude rendue par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le taux de femmes élues au sein des conseils municipaux est passé de 4 % à 26,5 % entre 2004 et 2009.

Ensuite, d'un point de vue professionnel, et malgré l'inexorable hausse du chômage qui a suivi l'éclatement de l'URSS, les femmes en Azerbaïdjan sont de plus en plus nombreuses à avoir un emploi. Notamment dans le secteur privé, où elles sont mieux représentées, dans des secteurs comme les RH, la communication ou encore les services. Le code du travail azerbaïdjanais s'est doté d'une série d'articles renforçant la protection des mères qui travaillent, en rendant plus flexibles les horaires et en prévoyant des congés spécifiques. Le Parlement a également adopté en 2006 une loi sur l'égalité des genres, en insistant sur l'aspect égalité des chances lors des recrutements, des promotions et des salaires. 

Encore des écarts à combler

Impossible de nier, donc, les nettes avancées pléthoriques en matière de droits des femmes depuis plus de 20 ans. Cependant, aussi sûrement que la condition féminine s'est améliorée en Azerbaïdjan, la route menant à l'égalité des genres est encore longue.

Nonobstant la loi de 2006 précitée, des différences de salaires entre hommes et femmes persistent, et celles-ci sont encore trop sous-représentées dans les emplois à forte responsabilité ou les postes décisionnels. Et même si certains secteurs d'activités leur sont traditionnellement réservés – les postes médicaux et sociaux, l'enseignement ou encore le service public –, les rémunérations pratiquées sont trop basses. Une tendance qui se retrouve ceci-dit dans la plupart des pays du monde, à commencer par la France.  

Pourtant, l'établissement d'une égalité plus marquée entre les hommes et les femmes apparaît indispensable pour que ces dernières s'affranchissent petit à petit des entraves de la tradition et acceptent d'user de leurs droits. Car l'élément psychologique est peut-être la corde la plus sensible à l'heure actuelle : de nombreuses femmes mariées en Azerbaïdjan s'obligent encore à cantonner leur rôle aux tâches ménagères et à l'éducation des enfants, et se soumettent à l'autorité de leur mari, pour les questions financières notamment. 

Ainsi, selon une étude menée conjointement par la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) et l'International finance corporation (IFC), seules 12 % des étudiantes parviennent à l'obtention d'un diplôme d'études supérieures, contre 33 % chez les étudiants. Le facteur « éducation » est pourtant primordial dans la résorption des écarts entre les droits de l'homme et ceux de la femme. Il pourrait permettre, entre autres, de combler la différence du taux d'employabilité entre les deux sexes – 67 % chez les femmes contre 77 % chez les hommes, selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement de 2009

Le propos n'est évidemment pas teinté d'anti-religion primaire à l'encontre du monde musulman et de ses préceptes. Mais l'Azerbaïdjan, qui est, faut-il le rappeler, un État laïc, a choisi de s'engager sur la voie des réformes menant à un plus grand respect du droit de la femme. Et les avancées sont irréfutables. La question qu'il convient alors de se poser, est celle de savoir si la poursuite – nécessaire – desdites réformes sera ou non acceptée par l'ensemble des musulmans chiites du pays, majoritaires et encore très attachés à la tradition patriarcale. 

S'agissant maintenant des Droits de l'homme lato sensu, le gouvernement azerbaïdjanais a opté, après l'éclatement de l'URSS, pour un rapprochement avec l'Europe, communauté d'États qui ont tous choisi de défendre et de promouvoir ces droits universels. Sa mission principale doit être d'accompagner les gouvernements désireux d'améliorer l'état du respect de leurs droits de l'homme, comme le gouvernement azerbaïdjanais depuis quelques années. Sa requête auprès de la Ligue du droit international des femmes est de ce point de vue l'irréfutable preuve de sa bonne foi et de son engagement sérieux.