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Des ronds dans l'Ovale

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Mêlée ouverte

La Coupe du Monde de rugby, c'est comme le 29 février ou la vidange des fosses septiques : ça n'arrive qu'une fois tous les quatre ans. Un événement sportif de cette ampleur attire l'oeil d'analystes de tout poil : sportifs évidemment, mais également économistes et écologistes. Parce que n'en déplaise aux coubertinophiles, participer c'est bien beau, mais qu'est-ce qu'on gagne ?

8 milliards d'euros ?

L'analyse des retombées économiques de la Coupe du Monde a été lancée par le rapport demandé par le Comité d'Organisation France 2007 et réalisé par la Chaire Européenne de marketing Sportif de l'ESSEC. RUGBY-WORLD/Cette étude fait état d' 1,2 million de spectateurs attendus, dont 350 000 visiteurs étrangers , qui généreront 1,5 milliard d'euros, auxquels il faut ajouter 2 milliards d'euros liés aux 260 millions de téléspectateurs français (en cumulé) qui pour certains suivent les matchs depuis des bars ou des lieux publics. De surcroît, l'organisation à proprement parler de cet événement générera via la billetterie et les partenariats environ 250 millions d'euros. Cette étude chiffre donc les recettes directes de la Coupe du Monde en France à 4 milliards d'euros. Et 4 milliards supplémentaires sur les 4 ans à suivre... si le mondial a les mêmes effets que le Mondial de football en 1998 : augmentation du nombre de touristes lié à la fidélisation de nouveaux visiteurs, explosion du nombre de pratiquants, forte hausse du nombre de spectateurs et téléspectateurs.

Un effet minime sur la croissance

Une hypothèse qui semble fragile pour deux raisons : d'abord l'équipe de France ne fera peut-être pas le même parcours que les Bleus de Zidane en1998, d'où moins d'engouement populaire et de recettes ; ensuite parce que l'attraction du football est vraiment planétaire, alors que l'Ovalie n'est ancrée que dans le Royaume-Uni et l'Irlande, certaines anciennes colonies anglaises (Nouvelle-Zélande, Australie, Afrique du Sud), et quelques pays "latins" (France, Argentine, dans une moindre mesure l'Italie). Le rugby est extrèmement minoritaire partout ailleurs. Malgré un interêt croissant pour ce sport, le rugby est encore loin d'être le sport-roi. Selon Julien Bernard, qui a dirigé l'étude réalisée par l'ESSEC : "Le rugby séduit encore trois fois moins de personnes que le foot en France. Mais c'est le seul sport en progression." Une victoire ou une défaite en Coupe du Monde ne modifie pas encore la géopolitique en Asie Centrale, pas plus qu'elle ne guérit le cancer ou qu'elle ne fait baisser le chômage. Et Julien Bernard lui-même d'admettre que "Si la France ne gagne pas, l'effet sera minime sur la croissance". Une opinion partagée par Nicolas Bouzou, économiste chez Asterès, qui explique que "les dépenses des supporteurs seront seulement déplacées dans le temps" : après avoir dépensé plus pendant la Coupe du Monde, ils se serreront la ceinture, leurs revenus n'ayant pas augmenté. Un jeu à somme presque nulle : on parle d'un effet de+0,1% sur le PIB du trimestre.

Des retombées pour qui ?

rugby money argentUn jeu à somme presque nulle, donc, mais pas pour tout le monde. Tous les économistes s'exprimant sur le sujet soulignent que le grand gagnant de l'organisation de la Coupe du Monde de rugby en France est... le monde du rugby français. La spectacularisation du ballon ovale devrait entraîner une hausse sensible des pratiquants, une augmentation des téléspectateurs, ainsi qu'une révision à la hausse des droits télévisuels. Julien Bernard table sur un doublement des droits TV dans les trois ans, ainsi qu'une progression des audiences du rugby de 50% sur les deux prochaines années. Les clubs de rugby professionels et amateurs devraient donc profiter durablement de l'événement. On est jamais si bien servi...

Des retombées... sur l'environnement

L'organisation d'une manifestation de l'ampleur de la Coupe du monde de rugby nécessite une logistique pharaonique, ce qui n'est pas sans conséquence sur l'environnement (non seulement faut-il faire venir en avion des joueurs des quatre coins de la planète, mais encore faut-il abattre des vaches par troupeaux entiers pour leur petit-déjeuner). Le Comité d'Organisation et l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) ont présenté en amont de l'ouverture de la Coupe du monde le Bilan Carbone de l'événement. L’objectif essentiel d’un Bilan Carbone est d’évaluer les émissions de gaz à effet de serre d’une activité (exprimées en « équivalent carbone »). La réalisation du Bilan Carbone implique de recenser les consommations pour chaque poste de l’activité : transport, électricité, gaz , matières premières, emballages, etc. Toutes ces données sont ensuite converties en leur équivalence en termes d’émission de CO2 (pour 1 km parcouru en voiture, pour 1 kWh d’électricité, etc.). On sait donc maintenant que la Coupe du Monde génère

46 000 tonnes équivalent CO2 de gaz à effet de serre pour l'organisation du tournoi seul, soit 8 % des 570 000 tonnes équivalent CO2 émises au total en comptabilisant le déplacement de spectateurs et la consommation des téléspectateurs. Ce total correspond aux émissions annuelles d’un pays participant à la Coupe du Monde, les îles Samoa . A lui seul, le déplacement des personnes est responsable de 84% des émissions.

L'écologie, nouvelle valeur rugbystique ?

Pour réduire autant que possible l'empreinte de la Coupe du monde sur la nature, les organisateurs ont pris des mesures concrètes, parmi lesquelles :rugby__cologie.gif - Certains stades se sont équipés en installations solaires, comme à Saint-Etienne où des plaques photovoltaïques (2600 m2 de panneaux) produiront près de 200 000 kWh, la plus grande installation publique en France métropolitaine. - Pour les transports, le Comité d’Organisation a privilégié le rail pour assurer les nombreuses liaisons sur le territoire français (transport des joueurs et des délégations notamment), soit une économie de 1.000 t de CO2 par rapport à la route. Le Diester 30 sera utilisé en région parisienne pour les véhicules qui transporteront les invités officiels, générant ainsi 70% d'émissions en moins par rapport au diesel. C'est la première fois qu'un tel événement sportif dresse son Bilan Carbone, communique dessus et prend des mesures pour minimiser son impact sur l'environnement. Espérons qu'il ne s'agisse pas d'un feu de paille (ça dégagerait du CO2), mais que le rugby montre la voie dans ce domaine.