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Démocratie au Liban : envers et contre tous

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On a comparé la situation du Liban à celle de la France sous Vichy. Mais, depuis l’assassinat de l’ex-premier ministre Rafic El Hariri, les voix de l’opposition exigent le retrait de la Syrie hors du territoire libanais.

href="http://www.rhariri.com/" class="external-link">Rafic Hariri, l’ex-premier ministre, l'opposition libanaise a très vite mentionné la résolution 1559 de l’ONU pour légitimer sa demande de retrait. Encouragée, entre autre, par les Etats-Unis et la France, l’opposition (essentiellement sunnite, chrétienne et druze) accuse ainsi les loyalistes du gouvernement libanais, de collaborer activement avec la Syrie et demande le démantèlement des services secrets syriens implantés au Liban. A coups de manifestations, l’opposition a ainsi réussi à ce que le calendrier international mette le cas libanais à l’ordre du jour et a ainsi été l'instigatrice de plusieurs changements : d’abord, la démission du premier ministre Omar Karamé ; ensuite, le discours du président syrien Bachar El Assad, promettant le retrait syrien du Liban ; et enfin, la signature par les présidents syrien et libanais d’une promesse de retrait partiel de l’armée syrienne et de ses services secrets vers la plaine de la Bekaa. Ils sont cependant restés vagues quant aux dates de leur retrait total du pays. La réponse des loyalistes, soutenus par le mouvement chiite du Hezbollah n’a pas tardé à se faire entendre ni, surtout, de se faire voir. Ces derniers ont appelé à une manifestation massive visant à « remercier la présence syrienne au Liban ». Cette manifestation, qui se voulait intimidante, a provoqué, au contraire, chez les opposants, le besoin de persister dans leur revendication d’indépendance. Ils ont, de ce fait, répliqué « par le nombre » : plus d’un million de personnes, venues de toutes les régions libanaises, a prouvé que le peuple, en entier, était loin de souhaiter ou de remercier une présence étrangère dans le pays. Mais, la nouvelle nomination d’Omar Karamé au rang de premier ministre par le gouvernement pro-syrien a prouvé qu’il n'avait pas tiré la leçon de la volonté populaire. Une fois de plus, il s’est entêté à n’écouter que la voix de Damas.

La voix du peuple

Il semble qu’on ne peut transposer la « démocratie » américaine dans un pays comme le Liban, même s’il a toujours été reconnu pour son ouverture vers l’Occident et sa modernité. « Les Américains et les Israéliens veulent se mêler de tout. Ils nous empêchent d’exister suivant nos propres principes et nos convictions ! », s’exclame Ali, chiite de vingt-huit ans. Pour Valérie, jeune chrétienne de trente ans, fervente partisane de l’opposition, la particularité du Liban, c’est « justement, le pluralisme confessionnel, la démocratie ne passe que par les voix de la diversité confessionnelle ». Karim, sunnite d’une cinquantaine d’années qui s’est toujours considéré comme apolitique, va plus loin encore : « La pluralité des confessions n’est pas le problème du Liban ; c’est, au contraire, sa force ; le peuple est prêt à s’unir. Le problème réel est que les gouvernements libanais et syrien actuels veulent faire de cette pluralité une source de discordes. Ils créent un fossé entre les diverses religions pour pouvoir légitimer l’incapacité du pays d’entrer dans l’ère d’indépendance totale. ‘Diviser pour régner’ : tel est le maître mot du gouvernement syrien »,.

« La crise, la vraie, date d’il y a plus d’une quinzaine d’années, lorsque sous couvert de ‘fraternité’ le peuple s’est vu perfuser, par les services secrets libano-syriens, des doses répétitives d’anesthésiants qui, à terme, ont transformé son quotidien en une longue série de manœuvres d’intimidation, de corruption et de suspicions », ajoute-t-il. Et Valérie d’ajouter : « Les opposants ne manifestaient pas en masse parce que l’Etat faisait son possible pour les contrer ou les intimider. Ils ne descendaient dans la rue que timidement, par peur de se voir « convier » par les services secrets libano-syriens ».

Deux raisons principales empêchent les Libanais pro-syriens de céder à la « tentation démocratique » : d’une part, le Hezbollah craint d’être désarmé suite à l’application de la résolution 1559, et de perdre, de ce fait, sa légitimité face à la « menace israélienne » ; d’autre part, le président Emile Lahoud, ainsi que son gouvernement, subiraient, s’ils modifient leur politique pro-syrienne, la colère de Damas et perdraient, de ce fait, tout privilège financier.

Le Cardinal Sfeir, chef spirituel des chrétiens au Liban, parti à Washington pour une entrevue avec Bush, n’a pas hésité à réitérer le caractère impératif du retrait syrien. Il en a profité pour demander, non seulement une aide financière de la part des Etats-Unis, mais aussi l’instauration d’une véritable démocratie, au sens « libanais » du terme.

Fast food democracy ?

Peut-être que le problème de la politique américaine réside dans sa volonté de transposer, en bloc, son concept de démocratie partout dans le monde, sans souci d’adaptabilité. Le pays n’est pas divisé en « bons » et en « méchants ». On se rend compte que les citoyens libanais sont en mesure de légitimer leur appartenance politique et le choix de leurs idéaux. Bien sûr, l’indépendance libanaise par rapport à la Syrie reste un objectif incontournable. Mais, si une démocratie doit s’instaurer au Liban, elle doit l’être « sur mesure » , afin de répondre aux diverses données religieuses, culturelles, et sociales de chacun des Libanais.

Le Libanais vient de gagner sa bataille contre la peur. Espérons que son sentiment de liberté, la vraie, ne tarde plus longtemps.