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De Wever et Bossi : Même combat

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Bruxelles

Par Thibaut Rinchon Photos : AFP

ItalienGuy.jpgBart De Wever, (président de la N-VA) à gauche, et Umberto Bossi (fondateur et dirigeant de la Ligue du Nord) à droite, souhaitent tous les deux que leur région devienne un état indépendant.

À priori, peu d’aspects rapprochent la Belgique de l’Italie. Mais en y regardant de plus près, une partie du territoire italien nommée Padanie semble bien inspirée par les idées prônées par certains en Flandre. On retrouve en effet bon nombre de similitudes entre les aspirations padaniennes et flamandes.

Plus précisément encore entre celles de leur parti numéro un, la Ligue du Nord (parti xénophobe et régionaliste italien) et la N-VA. Dans un précédent discours Mario Borghezio membre de la ligue du nord déclarait d’ailleurs: « Aujourd’hui en Belgique il y a une nation comme la nôtre, la Flandre, qui existe depuis toujours et qui est en train d’obtenir la liberté ». Dans les deux cas, ces projets séparatistes illustrent la tension entre intégration supranationale et désintégration nationale au nord comme au sud de l’UE.

Le terme Padanie provient de la géographie, et non de l’histoire, ce nom a été dérivé pour désigner la nation politiquement inventée par la Ligue du Nord. Un concept qui ne correspond à aucune entité administrative alors qu’à l’inverse la Flandre est, elle, bel et bien reconnue. Il s’agit ici d’une différence non négligeable puisque les bases d’un côté et de l’autre n’ont pas la même solidité.

Le point de vue historique constitue le plus gros problème

...auquel est confrontée la Padanie. En effet les aspects historiques, souvent utilisés pour légitimer les faits, sont inexistants. On a donc plutôt affaire à des « faiseurs d’histoire » qui doivent inventer un passé à cette « nation » créée de toute pièce. Ils déconstruisent même parfois l’histoire italienne pour prouver l’existence de la Padanie.

Il règne d’ailleurs une grande hostilité entre « faiseurs d’histoire padan » et historiens puisque ceux-ci nient catégoriquement l’existence de la Padanie. De l’autre côté, certains « Padans » considèrent « les universitaires, historiens inclus, comme des privilégiés méconnaissant le peuple». Pour eux, la Padanie, contrairement à l’Italie, constitue une vraie nation.

Objectif sécession

La comparaison semble cependant tout à fait possible en ce qui concerne les partis

politiques de ces deux « régions ». En se limitant à la N-VA pour la Belgique, puisque, même si la Flandre ne se résume pas à la N-VA, celle-ci est première au Nord du pays. Qu’il s’agisse du parti de Bart De Wever en Flandre ou de la Ligue du Nord d’Umberto Bossi, tous deux estiment que leur État respectif n’a plus de raison d’être. L’un comme l’autre plaide donc pour l’indépendance.

Pour ce faire, les deux partis agissent plus ou moins de même manière puisqu’ils ont dû mettre quelque peu entre parenthèses ce projet comme a dû le faire à un moment la Ligue du Nord. En effet, leur radicalité ne leur permettait aucune alliance avec d’autres partis. Au niveau belge, beaucoup semblent avoir oublié que cet objectif de séparation du pays figurait en tête du programme de la N-VA de Bart De Wever.

Il a cependant par moment habillement réussi à le faire oublier. Umberto Bossi a quant à lui déclaré : « De toute façon, l'Italie se rompra. C'est inévitable. Comme ce qui s'est passé en Tchécoslovaquie. Et comme ce qui se passera en Belgique. Pour nous, il s'agit simplement de rendre la séparation plus progressive et mieux organisée ».

Le nord retardé économiquement par le sud

Certains autres aspects rapprochent également les deux « régions ». Toutes deux bénéficient en effet d’une grande prospérité. Mais l’un des éléments les plus marquants réside dans les raisons pour lesquelles elles souhaitent l’indépendance et plus particulièrement la manière dont les deux voient le reste du pays.

En effet Martina Avanza (écrivant sous le pseudonyme de Marta Machiavelli), anthropologue, sociologue et maître-assistante à l'Institut d'études politiques et internationales (IEPI) de l’Université de Lausanne déclare que : « Selon un discours largement partagé par l’opinion publique padane, l’Italie du Nord, riche et industrialisée, serait retardée dans son développement économique par le Sud, plus pauvre».

Il s’agit là en grande partie de ce qui est reproché par la Flandre à la Wallonie. Mais la ressemblance ne s’arrête pas là puisque Martina Avanza dit également qu’en Padanie, les clichés concernant le reste du pays sont nombreux. En effet les gens du nord considèrent ceux du sud comme fainéants mais également comme « des fonctionnaires inefficaces ou corrompus, ne payant pas leurs impôts et profitant abusivement des aides sociales ».

Martina Avanza estime que dans le cas de la Padanie il semble difficilement envisageable de revendiquer l’indépendance parce que l’on ne veut plus s’encombrer « des pauvres ». Tandis que « l’autonomie d’un peuple « colonisé » dont la culture a été « niée » peut être présentée comme une noble cause ». Les Padans se font donc en quelque sorte passer pour un « peuple » brimé et opprimé.

Ils affirment d’ailleurs qu’ils ont été contraints de subir «une occupation depuis l’antiquité ». La difficulté pour la Ligue du Nord : Ils ne peuvent pas s’appuyer sur un discours préexistant pour leur projet indépendantiste étant donné qu’ils doivent créer leur histoire et leur identité de toute pièce.

Une Padanie vraiment crédible?

Vu de l’extérieur cette nation politiquement inventée peut paraître folklorique sous certains aspects. Outre une équipe de foot et un concours de miss, et même en étant un « État

inexistant », la Padanie possède un parlement où siègent les militants une fois par mois. On y trouve également un gouvernement dans lequel les ministres sont choisis par Umberto Bossi. Les padans peuvent par ailleurs aussi compter sur une armée (sans armes), la « garde nationale ».

Cette nation imaginaire informe également (ou désinforme?) via ses propres médias avec un quotidien « Nous les Padans », une radio « Radio Padana Libera » et une télévision « Tele Padania ».

En bref, La Padanie de Bossi semble parfois vivre en autarcie dans sa bulle. Même s’il convient de rester prudent et d’éviter que cette bulle n’éclate et ne répande son séparatisme en Italie, il semble que les bases de cet État imaginaire soient moins solides que celles de la Flandre.

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