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Crise politique belge : Bientôt la fumée blanche ?

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Bruxelles

Par Abider Bouzid

Le compromis à la belge a pris un sérieux coup ces toutes dernières semaines. Sa survie ne tient désormais qu’à un fil ; et il ne restera aux belges que leur humour légendaire pour savoir le pleurer avec philosophie et fatalisme. L’accueil froid qui a été réservé par les deux partis flamands, la N-VA et le CD&V, à la dernière note Di Rupo a sonné la fin de toute une époque.

Epoque où il était encore possible de former un gouvernement fédéral aux moindres frais. Aujourd’hui, chaque parti essaie de tirer la couverture à lui et de se tenir au chaud. Chaque communauté veut faire payer la note à l’autre, et beaucoup s’étonnent par quel miracle le pays n’a pas fait l’objet d’attaques spéculatives sur sa dette.

La fédération Wallonie-Bruxelles ou le mariage forcé

Après une année d’âpres négociations conduites par les deux partis vainqueurs aux dernières élections législatives, la NVA et le PS, la lassitude a gagné l’ensemble des rouages du pouvoir. Dans la rue, l’ambiance est au mode mineur. Le cœur n’y est plus. Les négociations sur la réforme de l’Etat trainent depuis maintenant quatre ans sans la moindre avancée. Si en 2007 lorsque le CD&V et le MR étaient à la manœuvre, BHV était la principale pierre d’achoppement, la situation est encore plus compliquée quatre ans plus tard.

drapeau belge flotte Sans toujours le dire clairement, flamands et francophones se livrent une bataille rangée autour de Bruxelles. Les francophones soupçonnent les flamands de vouloir habiller la capitale dans un model institutionnel qui la viderait de son identité et la conditionnerait à une future indépendance de la Flandre. La loi de financement ne serait à ce titre, qu’un cheval de Troie pour y arriver. C’est ce qui explique en grande partie l’empressement des francophones à sceller le sort de Bruxelles à celui de la Wallonie dans le cadre d’un mariage conclu à la hâte sous le nom de la fédération Wallonie-Bruxelles.

Le pays s’achemine tout doucement vers un blocage total et malin sera l’homme politique qui saura concilier les positions des uns et des autres, et arriver à formuler un accord qui satisferait nord et sud. L’heure est grave même s’il est encore permis d’espérer. L’une des rares notes d’espoir auxquelles il convient de s’accrocher nous vient cette semaine de l’Open VLD ; ce parti même qui il y a un an et demi environ, avait retiré le tapis sous les pieds des partis de la coalition et précipité la chute du gouvernement d’Yves Leterme, faute d’un accord sur BHV. La dernière sortie de Karel De Gucht, ancien ministre belge des affaires étrangères et actuel commissaire européen au commerce, tranche clairement avec le politiquement correct en vigueur au Nord du pays. De Gucht s’est félicité dans un entretien à la VRT, de la position prise par son parti vis-à-vis de l’attitude de la N-VA qui ne veut ni avancer ni reculer. Selon lui, la N-VA n’a pas l’intention d’embarquer dans un gouvernement fédéral, et les négociations auxquelles elle participe depuis plus d’un an ne lui servent que de terrain de chasse pour pomper les voix au Vlaams Belang, l’Open VLD et surtout le CD&V. L’ancien président du VLD qui a, lors d’une précédente sortie, qualifié la classe politique flamande de « pom-pom girls de la politique » pense que les partis flamands doivent prendre leurs responsabilités face à l’intransigeance des nationalistes flamands. Il cite particulièrement le CD&V qui craint de passer pour un traitre aux yeux de l’opinion publique flamande au cas où il déciderait de participer à un gouvernement sans ses anciens alliés.

Le coup de pied dans la fourmilière donné par l’Open VLD pourrait libérer en partie le CD&V et le rendre plus entreprenant. Après tout, le statut quo profite à la N-VA que les sondages donnent déjà gagnant en cas de nouvelles élections législatives. La N-VA continue à se servir du blocage pour phagocyter les autres partis flamands. La corde est grosse et le VLD n’est pas le seul à s’en apercevoir. Le président des socio-chrétiens flamands a dû mettre de l’eau dans son vin entre sa réaction à chaud à la dernière note de Di Rupo et ses déclarations conciliantes quelques heures plus tard. Il n’est désormais plus aussi catégorique qu’il y a quelques semaines au sujet de l’association de la N-VA dans le futur gouvernement. Ce qui représente la seconde lueur d’espoir que les partis francophones tâcheront certainement d’entretenir avec beaucoup de tact.

Les partis du Sud du pays font depuis quelques mois un appel du pied aux ténors du CD&V visant à le convaincre de sortir des ornières de la N-VA. Au début des négociations l’année passée, personne ne pensait, francophones compris, qu’il était de bon ton de monter un gouvernement sans la N-VA. Ce serait confisquer la volonté populaire d’un tiers de la Flandre que d’ignorer une victoire aussi éclatante que celle de De Wever. Mais aujourd’hui, les données ont changé. Avec une dette dépassant son PIB, le pays vit en permanence sous le viseur des fonds de spéculation et tout relâchement risque de lui être fatal. Les partis flamands risquent à très court terme de subir les foudres de l’électorat flamand, mais rien n’indique qu’à long terme le temps ne leur donnerait pas raison.

L’option d’un gouvernement sans les nationalistes flamands ramènera d’après ses défenseurs, plus de clame autour de la table des négociations. Les partis flamands pourront ainsi arracher une profonde réforme de l’Etat sans devoir mettre le couteau à la gorge aux partis francophones et sans leur faire perdre la face. Les trois partis du sud du pays membres du gouvernement en affaires courantes, PS et MR et CDH, savent qu’ils sont eux aussi pour quelque chose dans la crise institutionnelle et ne vont pas rater une nouvelle occasion de conclure un accord avec les partis flamands lorsque l’ombre de la N-VA sera loin.

C’est seulement au prix de ces sacrifices partisans que le compromis à la belge gagnerait son nouveau sursis. Cette belle bête à trois pattes qui a fait des petits dans le monde entier, réapprendra vite à marcher pour peu qu’elle trouve l’appui qui lui fait défaut depuis 2007. Le roi pourra ainsi siffler la fin de la récréation, sabrer la Leffe et souffler enfin. De Gucht qui aime assurer à ses heures perdues la promotion du chocolat belge dans les couloirs du Berlaymont, sera moins amené à ouvrir à chaque fois, des guillemets pour expliquer les chauds débats de la rue de loi.