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« Coût » de théâtre à Prague

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Les scènes alternatives se rebellent contre le Maire de la capitale tchèque. Culture de qualité contre projets purement commerciaux, les intellectuels sont sur le pont à Prague.

Un couple porte un toast à la beauté de la ville « aux cent clochers » avec la Petite musique de nuit de Mozart en guise de fond sonore : difficile de faire plus cliché ! Ce spot publicitaire que traverse une Vlatva de carte postale est destiné à séduire des visiteurs fortunés et bien nippés. « Vraiment dépourvu d’imagination, s’indigne Jaroslav Rudi, jeune auteur dramatique, une étoile montante de la scène pragoise. On n’a vraiment rien de mieux à proposer ? »

Ce spot publicitaire, commandité par Milan Richter, le jeune et très dynamique conseiller à la culture de la Mairie de Prague, vante les beautés de la « capitale magique de l’Europe » et s’obstine à présenter Prague comme « une belle ville tournée vers les riches et les beaux de ce monde » afin de dissuader les touristes « discount » d’y venir.

Spectacles pour touristes

Il faut reconnaître que cela cadre assez bien avec la conception que Monsieur le conseiller se fait de l’art et de la culture. N’encourageons que ce qui rapporte de l’argent ! Les grands spectacles musicaux de masse, les marionnettes, la Laterna Magika (hybride de théâtre afro-américain, de danse et de musique) ou encore, les pantomimes : en somme toute production où la langue n’est pas une barrière qui pourrait décourager les touristes, mais dont la qualité artistique est pour le moins douteuse.

Nous avons donc voulu voir ce qui se passait ailleurs. Sur la scène non commerciale par exemple. Du côté des projets alternatifs, apatrides et en version originale. Mes pas m’ont conduit tout droit à l’Archa où est montée la dernière pièce de Vaclav Havel, Odchazeni (Sur le départ, en français) dont la création après bien des péripéties a été rendue possible par des sponsors privés. Et l’argent public dans tout ça ? Néant ! Pas une couronne !

Durant ces dernières semaines, on en a fait des gorges chaudes. Cet « oubli » n’a pas manqué de causer une grande indignation dans le monde artistique praguois. Près de 30 000 personnes ont signé une pétition. Des groupes de gens du théâtre sont venus manifester bruyamment devant l’hôtel de ville. Dans la foulée, d’autres scènes extérieures à la capitale ont adressé des messages de solidarité aux protestataires. On parle même d’un véritable enterrement de la culture à Prague. Actuellement, le débat très ennuyeux est principalement centré sur l’ouverture prochaine d’un musée en plein air.

L'argent des JO

Le point culminant de ces journées de contestation restera l’entrée en force tumultueuse de groupes de manifestants dans la salle du Conseil municipal. Les artistes se sont conduits « comme des dingues dans un bistro » a lâché scandalisé Pavel Bem, le Maire de la ville, en quittant la salle du Conseil avant de revenir quelques instants après, un verre de bière à la main. Dans leur grande majorité, les contestataires présents n’ont pas été très sensibles à l’humour du Maire.

« De l'argent pour une bibliothèque de mauvais goût »

Porte parole des artistes en colère et directeur du célèbre théâtre Cinoherni Klub, Vladimir Prochazka nous donne ainsi sa position : « Nous sommes dans l’attente d’un dispositif qui permette de dissocier deux types de productions, les commerciales et les non-commerciales. Et nous pensons que les aides publiques, comme c’est le cas dans le reste de l’Europe, doivent aller seulement aux productions non commerciales. Si la Ville a de l’argent pour financer des spectacles commerciaux, elle peut donc aussi en filer à ceux qui ne le sont pas. »

Cette semaine de protestation aura été un succès. Pavel Bem a assuré que les subventions seraient maintenues. En clair : le fric ira en priorité aux productions alternatives ainsi qu’aux petites scènes qui ne peuvent pas compter uniquement sur la vente des billets pour garder la tête hors de l’eau. Il est envisagé ensuite de définir une nouvelle réglementation du système des subventions.

Projet de bibliothèque futuriste

Mais combien de temps ces bonnes intentions vont-elle encore durer ? La réponse est loin d’être évidente. Le Maire n’est pas un partenaire très fiable pour la culture. Il s’intéresse surtout au nouveau bâtiment futuriste pour la Bibliothèque nationale dont la construction a été interrompue après que le Président Vaclav Klaus ait jugé le projet de « mauvais goût ». Et, il faut bien l’avouer : le projet chéri de Monsieur le Maire n’a pas grand-chose à voir avec la culture.

Il veut surtout organiser les Jeux Olympiques à Prague. Mais, les millions qui ont déjà été investis pour soutenir la candidature de Prague et séduire les responsables du Comité olympique n’ont pas donné de fruits. Pourtant, cet argent serait le bienvenue ailleurs. Ils permettraient aisément à une bonne douzaine de scènes praguoises de… voir venir l’avenir. 

L'auteur de cet article, Hans-Jörg Schmidt, est membre du réseau de correspondants n-ost.

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Translated from Theater ums Theater in Prag