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Contre la Fashion Week de Londres, la mode pour tous 

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Anouk PARDO

SociétéMind The Gap

Fidèle à elle-même, la Fashion Week de Londres a apporté cette année son lot de polémiques par rapport à ses critères de beauté déraisonnables et inaccessibles. Loin des podiums, nous nous sommes intéressés à de petites start-up qui en prennent le contre-pied en représentant les femmes avec des mannequins qui leur ressemblent. Et qui revendiquent la possibilité d'associer la mode au féminisme.

Nous sommes peut-être mi-septembre, mais l'industrie de la mode, qui a toujours une longueur d'avance de six mois, se prépare déjà pour les défilés du printemps prochain. La Fashion Week de Londres, elle, a carrément mis les deux pieds dans le futur. De plus en plus centrée sur le consommateur, l'évènement diffuse désormais ses défilés en direct sur Internet et conçoit des pastilles spécifiquement adréssées au public. Aussi, le modèle commercial « du podium à la boutique » est pressenti comme étant l'avenir de la mode, et Topshop est apparu comme le chef de file de la prétendue « démocratisation » de la Fashion Week de Londres cette année en lançant une collection baptisée « Septembre 2016 ». Cette collection propose des vêtements que l'on peut acheter au pied du podium au lieu d'attendre 6 mois pour pouvoir se les offrir.

Mais alors que la tendance veut donner davantage d'attention au consommateur, la problématique de l'image du corps et le désir d'être beau pèsent sur l'industrie de la mode. Selon une étude commandée par l'association caritative Beat en 2015, près de 725 000 personnes au Royaume-Uni  - dont 89% de femmes - souffrent d'un trouble de l'alimentation. Début 2016, une enquête réalisée auprès de 3 200 Australiennes a révélé que 23% des femmes considèrent la prise de poids comme le problème de santé numéro un, avant même le cancer ou les maladies psychiques telles que la dépression.

À chaque corps son maillot

Début septembre, le Women’s Equality Party (WEP) a lancé une campagne en prévision de la Fashion Week de Londres 2017, appelant le British Fashion Council (équivalent de la Fédération française de la Couture, ndt) à garantir que les stylistes fassent défiler deux tailles différentes de chaque modèle sur le podium. La campagne #NoSizeFitsAll (Non à la Taille Unique, ndt) vise à sensibiliser le public quant à la problématique de la perception du corps chez les femmes et les jeunes filles au Royaume-Uni. Tout en militant pour que l'une des tailles présentées lors des défilés soit une taille 40 ou plus, elle réclame aussi que la loi soit modifiée de telle sorte que les mannequins ayant un indice de masse corporelle inférieur (IMC) à 18,5 soient obligées de consulter un professionnel de santé et jugées dans un état de santé satisfaisant pour pouvoir travailler.

Le WEP n'est pas le premier acteur politique à s'engager dans le débat sur la perception du corps. Le Green Party (Parti vert) avait annoncé l'année dernière qu'il ferait tout pour bloquer les subventions municipales octroyées aux Fashion Weeks dans les années à venir, à moins qu'un accord prévoyant que tous les mannequins affichent un IMC d'au moins 18 soit trouvé. Sophie Walker, leader du parti WEP, affirme que les questions liées au débat autour de la perception du corps ne sont pas prises au sérieux par les autres partis politiques en raison de leur attitude envers les femmes en général. Elle estime que l'industrie de la mode doit reconnaître à la fois qu'elle peut et qu'elle a la responsabilité de changer le regard porté sur les problèmes relatifs à l'image corporelle. 

Certaines marques ont déjà pris les devants, et brandissent la diversité de leurs mannequins et leur rare recours à Photoshop comme un outil marketing. Neon Moon, une marque de lingerie féministe installée à Londres, accepte les vergetures, la pilosité corporelle et les taches pigmentaires plutôt que de retoucher les photos de ses mannequins. Sa lingerie est classée selon des tailles dites « charmante » ou «magnifique » plutôt qu'avec les chiffres classiques. Parmi les entreprises qui brisent les carcans de leurs mannequins, ModCloth, un détaillant implanté aux États-Unis, a pour la deuxième année consécutive pris pour modèles ses propres salariés afin de concevoir ses maillots de bain. S'en prenant à des campagnes telles que celle de Protein World, « Beach Body Ready », ModCloth défend l'idée suivante : « À chaque corps son maillot ».

« Nous voulons que chaque femme prenne conscience qu'elle est bien comme elle est »

Birdsong, une toute jeune marque basée à Londres et fondée sur des principes éthiques et féministes, prouve que de telles stratégies commerciales ne nuisent pas à la popularité ou à la flexibilité de l'entreprise. Sarah Beckett et Sophie Slater, co-fondatrices de Birdsong, pensent que la mode est un sujet fondamentalement féministe. Leur marque responsabilise les femmes avec des produits inspirés par de nombreuses organisations de défense des femmes. Elle jurent ne jamais utiliser Photoshop, et recrutent exclusivement dans la rue les mannequins qui promeuvent leurs produits. Elles augmentent actuellement leurs investissements pour pouvoir développer la marque et élargir leur gamme de produits.

Sophie s'est intéressée dès son adolescence à la possibilité d'associer la mode et le féminisme. « La coïncidence a fait que mon intérêt pour la mode et le féminisme s'est manifesté simultanément », dit-elle. « J'ai toujours été intéressée par les vêtements, mais ma mère ne s'est jamais cachée d'être féministe, alors ça a déteint sur moi. J'ai lu par hasard mon premier texte féministe (Wetlands) et me suis plongée dans les magazines de mode en même temps, à environ 14 ans. Je pense que cette immersion dans le féminisme a influé sur mes goûts en matière de mode, et j'ai cessé de lire Vogue pour piocher dans des magazines unisexes et plus diversifiés tels que iD et POP. On y voyait des mannequins plus androgynes, avec des corps différents, dans le but de lier la mode et la culture. »

Sophie a rencontré Sarah lors d'un cours en troisième cycle d'université baptisé « Year Here », portant sur les transformations sociales. Ni l'une ni l'autre n'imaginait alors qu'elles deviendraient entrepreneurs. Sarah aimait plutôt se démener pour les autres et ne  sentait pas en elle la fibre entrepreneuriale que d'autres possèdent : « Ce n'est que lorsque nous avons suivi le programme Year Here et que nous avons trouvé une solution susceptible selon nous de fonctionner vraiment, que j'ai pris conscience de ce que nous pouvions mettre en place. »

Parmi les mannequins présentés sur le site, on trouve l'activiste féministe Hanna Yusuf, qui porte le hijab sur toutes ses photos, l'activiste transgenre Charlie Craggs et Edna, une tricoteuse de 86 ans qui confectionne des pulls vendus sur le site. Adolescente, Sophie avait fait un peu de mannequinat pour une agence à Londres et s'était entendu dire de faire en sorte de conserver son tour de taille, alors que d'un point de vue médical son poids n'était pas suffisant. Elle considère que l'industrie de la mode a un rôle majeur à jouer pour veiller à ce que les femmes soient représentées par des femmes qui leur ressemblent. « Nous voulons entamer un dialogue, et que chaque femme qui regarde nos pubs réalise qu'elle est très bien comme elle est », conclut Sophie.

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cafébabel présente Mind The Gap, le féminisme sans distinction.

Translated from #NoSizeFitsAll: The rise of body-positive fashion