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Concorde : du rock à réaction

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BrunchCultureStyle de vie

Sortir un disque juste avant l’été pendant le mois de juin le plus pourri de la dernière décennie. Le paradoxe désigne bien ce groupe parisien qui joue avec les contraires jusque dans le titre de son premier album, Summer House, tant il faut imaginer cette maison d’été sous un ciel de novembre. Alors, Concorde précurseurs des giboulées sonores ?

Éclat de réponses avec Max, Clément et Roger où il est question de boite lesbienne, d’amitiés et de dent cassée.

Un escalier de bois, une allée étroite et fleurie. Au fond de cette allée, une porte entrouverte d’où nous parviennent les accords d’une musique qui en ce lieu paraît irréelle. Lovés dans un atelier du 20ème arrondissement de Paris, Concorde répète ses gammes devant deux jeunes caméramans qui ne savent plus très bien comment filmer au sein du bordel organisé de l’appartement. Il fait froid, le ciel est bas. Seul les notes qui émanent des instruments du trio présent nous rappellent que, malgré un ensemble lamentablement gris, nous sommes quand même en plein mois de juin.

Les boites lesbiennes et la dent cassée

Concorde se veut lumineux et s’apprécie comme tel. Du moins, c’est ce que laisse entendre son joyeux premier single « Candy Boy » et c’est ce que laisse lire le nom de son premier album Summer House. Pourtant, le quatuor parisien n’est pas le symbole de l’érotique solaire. Si quelques morceaux rendent le ciel un peu moins gris, la bonne moitié de l’album se consume comme un hommage à la no-wave de la toute fin des 70's. Qui, comme chacun sait, évoque quand même plus la dalle grisée de Manchester que la plage ensablée de Santander. Mais quelque part tout est là, dans l’ambivalence. Car même le titre de l’opus doit se comprendre comme un paradoxe : « L’idée de Summer House, c’est que pendant les prises on s’imaginait dans une maison d’été mais avec un ciel gris, genre novembre », dévoile Max, le claviériste. « Un peu comme ce temps là », rajoute Clément, le chanteur-guitariste qui peut se targuer d’une légère ressemblance avec Cristiano Ronaldo. Il poursuit : « C’est vrai que l’on a cette ambivalence, ce paradoxe. On n’essaye pas d’être juste heureux ou juste tristes. Dans nos chansons, même s’il y a de la tristesse, il y a toujours une note d’espoir. »

A l’origine, Concorde s’appelait Candy Clash, à savoir trois presque-trentenaires, fans du quatuor mancunien sous Prozac : Joy Division. Le groupe commence à composer des morceaux au petit matin en sortant du Pulp, une boite de nuit lesbienne parisienne. Max et Clément se rencontre à la fac et squattent l’appartement du frère de Max, Roger – l’actuel bassiste. « Roger, c’était le geek de la bande. En fait, il avait un studio en plein Paris, rue de Rivoli avec un sacré matos. Du coup, quand on rentrait de boite. On faisait une chanson », raconte le frangin. Mais c’est bien de Max que l’aventure musicale débute ou plutôt, pour être précis, d’une de ses dents supérieures. Roger régale : « La toute première fois que l’on a joué ensemble, c’était pour un pote qui faisait des études d’ingénieur du son. Et on a pondu un titre qui s’appelait "Chico" parce que Max s’était pété la dent ce jour-là, sur une baguette trop cuite. Je pense que ce moment a été décisif. »

Le trio a donc la dent longue, compose au gré des saisons et propose des titres qui peuvent tout aussi bien accompagner un barbecue comme faire chialer le plus calleux des mécanos allemands. Bref, Candy Clash la joue ascenseur émotionnel. Pas si loin de Concorde en fin de compte ? « Ah mais clairement pas, affirme Roger, entre les deux projets, il y a une continuité. La différence, c’est surtout l’apport de Louis, le batteur. Car une batterie va donner vachement plus de chaleur. »

L'avion et le « lien de cœur »

« Par pur mimétisme, si on fait du yaourt, ce sera du yaourt anglais. »

Concorde est avant tout une affaire de potes. La femme de Clément, graphiste, s’occupe des dossiers de presse. Black Joy, Akroe et Krsn respectivement l’arrangeur et les créateurs de la pochette du disque sont des amis du groupe. L’interview se passe chez un pote. Bref, Concorde est auto-produit, comme beaucoup de groupes français. Sauf qu’ils ont décidé, eux, de le revendiquer jusque dans leur nom de scène. « Tout se fait par des liens. On fonctionne vachement à l’amitié, aux rencontres », expose Clément. Max traduit : « Concorde veut dire "le lien de cœur" en latin. Et moi, ça me va complètement. Puis après, il y avait l’avion ». Ouais, l’avion. « Le Concorde », cet engin supersonique français qui a volé 27 ans. Suffisamment longtemps pour faire décoller Roger : « Il a eu une super belle histoire. Dans toutes nos chansons on parle de l’innocence d’être un gamin. Tout le principe c’est de vivre intensément et je pense que pour le coup, l’avion exprime ça. Et puis le Concorde, c’est la France. »

La France…Un mot qui sonne presque faux quand on pourrait être le pur produit d’un cellier de Manchester. Au moment de la sortie de 79 - époque Candy Clash - Les Inrocks s’était fendu d’une coupure presse intitulée « (…) du rock français qui ignore tout de la France » : « Ce n’est pas un rejet mais naturellement ce que l’on écoute est très anglophone. Du coup, on n’est pas du tout en dialogue avec nos confrères musiciens français, explique Max. C'est une question de modèles aussi. Nos modèles inconscients chantent en anglais, donc par pur mimétisme, si on fait du yaourt, ce sera du yaourt anglais. » Clément avouera franchement qu’il « pense en anglais. » De toute façon, comme dirait Sarkozy : « la France tu l’aimes ou tu la quittes ». Et c’est vrai que c’est quand même plus simple de se barrer en Concorde.

Photos : Toutes © courtoisie de la page Facebook officielle de Concorde ; Vidéos : "Candy Boy" (cc)Housecorporation/YouTube , "Summer House" (cc) 3emegauche/YouTube

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.