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Climat: Déception à Bonn, action de masse à Paris

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Sarah Dali

Bruxelles

Face à la nécessité de rapides engagements pour atténuer le réchauffement climatique et aux résultats décevants de l'action gouvernementale, la société civile prend les choses en main avec des actions de masse autour de la COP21, conférence sur le climat prévue à Paris en novembre et décembre.

À l'approche de la COP21, conférence des Nations Unies sur le climat qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, des négociations préliminaires ont été menées la semaine dernière à Bonn, débouchant sur une première version de l'accord à adopter en décembre. L'exclusion de la société civile et la suppression de toute référence aux droits de l'homme et de la femme, et à l'immigration, n'augurent rien de bon pour une issue positive à la réunion de Paris, où les dirigeants et représentants de 196 États se réuniront pour débattre des changements climatiques.

Alors qu'il devient urgent de prendre des engagements plus forts, le faible texte préliminaire de Bonn constitue une amère déception. Quelques jours seulement après le passage du plus puissant ouragan jamais enregistré sur la côte pacifique du Mexique, et l'annonce selon laquelle 2015 est l'année de loin la plus chaude avant même sa fin, les réductions et omissions visibles dans ce texte sont particulièrement inquiétantes.

Les INDC

Il semblerait que les négociations de Bonn se soient enlisées autour des questions de transparence – les ONG n'ont même pas eu droit au statut d'observateurs -- et des INDC – Contributions prévues déterminées au niveau national. Il s'agit des sommes que les pays développés, manifestement les plus gros émetteurs de gaz carbonique et de gaz à effet de serre censés être responsables du réchauffement climatique, devraient verser aux pays en développement et/ou les plus vulnérables aux bouleversements du climat. Par le passé, les INDC ont été critiquées notamment pour leur rareté et leur caractère volontaire.

Les États-Unis ont rejeté avec véhémence toute condition obligatoire concernant le financement ou les plafonds d'émissions. D'autres pays, comme le Canada, ont déjà prouvé que d'anciens engagements sur le climat étaient reniables à volonté. Cruelle ironie, ce sont les pays en développement, en particulier ceux du Sud déjà touchés pour les changements climatiques, qui s'engageront à respecter des plafonds d'émissions susceptibles d'entraver leur développement industriel pour recevoir des fonds sans être certains qu'ils se matérialisent. Pendant ce temps, les plus grands pollueurs, qui perturbent davantage le climat, gardent toutes les cartes en main et peuvent ainsi continuer de tenir en otage le reste du monde.

Les propositions d'accord sur les températures fournissent une preuve de plus que les négociations restent axées sur les besoins du monde développé. Les débats se concentrent sur la possibilité d'un accord sur une hausse maximale de 2 degrés Celsius. Mais même une augmentation de 1 degré, assortie d'une neutralité carbone, aura des effets dévastateurs sur le Sud. À Bonn, certains ont débattu d'un plafond de 1.5 degré, comme si diviser la différence serait plus juste, alors que le respect d'une hausse de 2 degrés n'a même pas été confirmé.

Les PMA (pays les moins avancés) et les PEID (petits États insulaires en développement)

L'Alliance des petits États insulaires

"Cette mouture ne reflétait pas les vues des pays en développement et nous avons perdu un jour à les réintroduire" a déploré Amjad Abdulla, le ministre de l'Environnement des Maldives et représentant de l'Alliance des petits États insulaires (AOSIS).

Après avoir qualifié le texte affaibli de “pire qu'aucun accord du tout”, Abdulla a ajouté: “La science dit clairement que nous devons viser à long terme un objectif de 1.5 degré.” Au sujet des pays qu'ils représentent, qui subissent actuellement des pertes dévastatrices dues aux changements climatiques, il a conclu: “Où iront les îles? Nous faisons partie de la communauté internationale.”

Les marchés du carbone et les REDD+

De nombreux pays lient leurs promesses à des engagements financiers mondiaux. Ainsi, les Philippines promettraient une réduction de leurs émissions de 80% si elles disposaient d'un financement extérieur. Mais le mode de ce financement entraîne de nouvelles complications. Tandis que certains approuvent les marchés du carbone et la réintroduction par Bonn des projets REDD+ (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) dans le texte, d'autres n'en sont pas si satisfaits.

Selon La Via Campesina, mouvement paysan international, “…il y a des marchés du carbone et des projets REDD+, qui permettent essentiellement aux pires émetteurs de GES [gaz à effet de serre] d'éviter de réduire leurs émissions en transformant les forêts et les terres agricoles des paysans et des peuples indigènes en parcs de conservation et en plantations. Aucune de ces ‘solutions’ ne peut fonctionner parce que toutes vont à l'encontre de la seule solution efficace: le passage d'un système alimentaire industriel mondialisé soumis au pouvoir des grandes sociétés à des systèmes alimentaires locaux aux mains de petits agriculteurs.”

Dans une déclaration publiée cette semaine par Attac-Gabon, le bureau régional du réseau d'Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne) affirme que le mécanisme des REDD+ rejette la responsabilité de la déforestation sur l'agriculture sans préciser que le principal coupable est l'agriculture industrielle et intensive, qui utilise des engrais chimiques et des pesticides.

“L'agriculture qui pourtant avait bien été reléguée depuis plusieurs années à un rôle minimal dans ces négociations sur les changements climatiques est donc de retour mais visiblement contre les populations et pour le bonheur de la finance carbone et du système financier mondial. Un retour applaudi par certains mais qui pour nous pose problème.

La grande majorité des documents de proposition de préparation à la REDD (communément appelés R-PP) en élaboration en Afrique pointe l'agriculture comme le moteur principal de la déforestation, se gardant bien de préciser que c'est l'agriculture industrielle avec son modèle productiviste et son utilisation intensive de produits chimiques qui l'est, au détriment de l'agriculture paysanne qui a toujours su au fil des décennies prendre soin du climat et protéger l'environnement.”

C'est à nous de changer, pas au climat

La Via Campesina et Attac font partie des réseaux qui viendront à Paris en novembre et décembre sensibiliser le public aux changements climatiques et l'informer sur les négociations de l'ONU. Concluant par une grande manifestation le 12 décembre, une coalition de groupes et d'acteurs de la société civile prévoit de se réunir pendant la COP21, en grande partie sous l'égide de la Coalition Climat 21. De nombreux événements auront lieu: villages d'information, manifestations, débats, représentations, analyses des négociations et, surtout, des solutions concrètes facilement applicables pour aider à lutter contre le réchauffement climatique.

Les Climate Games, “le plus grand jeu d'action-aventure désobéissant du monde”, se déroulent déjà en ligne et représentent une façon originale de se tenir au courant des événements autour de la COP21. Selon le site, “Ton objectif est de rejoindre les mouvements mondiaux déferlant pour faire pencher le jeu en faveur de la vie.”

Les 28 et 29 novembre, une grande marche à Paris donnera le coup d'envoi de la réponse populaire à la COP21, avec des événements simultanés dans le monde entier. Cette Marche mondiale pour le climat “sera bien plus qu'une foule de personnes marchant d'un lieu à un autre. Ce rassemblement sera une expérience bouleversante pour beaucoup d'entre nous et nous rendra plus conscients de notre lien avec la lutte pour une action climatique, et de notre connexion les uns aux autres.”

Ensuite, un Sommet Citoyen pour le Climat et un Climat Forum se tiendront les 5 et 6 décembre à Montreuil, banlieue de l'est parisien. “Au coeur des temps de mobilisation citoyenne à l'ocassion de la COP21, le Climat Forum doit être l'occasion de tirer un premier bilan des négociations, d'envisager les suites, et surtout de montrer massivement que c'est nous, les peuples du monde entier, qui avons les solutions.”

La Zone d'action pour le climat (ZAC) aura lieu du 7 au 11 décembre au centre culturel du 104, dans le nord de Paris. Chaque après-midi s'y tiendront des réunions d'information sur les négociations pour fournir des analyses quotidiennes de la COP21.

Enfin, une immense manifestation est prévue le 12 décembre, au lendemain de la clôture des négocations. Selon ses organisateurs, la D12 sera “la plus grande action de masse pour la justice climatique!”

Sous la bannière “Si les gouvernements n'agissent pas, nous nous débrouillerons seul.e.s” 350.org appelle à la désobéissance civile et aux blocages.

“Notre objectif: Avoir le dernier mot à l'issue de la conférence pour le climat. Et nous l'aurons en parlant le langage des mouvements: en mettant des dizaines de milliers de gens dans les rues de Paris et en nous assurant que le maintien du statu quo ne perdure pas pendant que les gouvernements échouent à prendre les mesures nécessaires... L'événement à Paris ne sera pas défini par ce qui se passera dans les salles de négociations, mais par ce qui se passera dans les rues de Paris comme du monde entier. Le pouvoir n'appartient pas qu'aux politiciens. Si suffisamment de personnes pensent que le monde doit avancer dans une nouvelle direction, et que ces personnes agissent ensemble, le monde commencera à avancer.”

Translated from Climate: Disappointment in Bonn, Mass Action in Paris