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Clermont-Ferrand : où est passée la droite ?

Published on

Story by

Laura Eid

Translation by:

Cléo Schweyer

CulturePolitique

Bastion historique de la gauche en France, la capitale auvergnate vote socialiste depuis 60 ans. Les raisons d'une telle fidélité ? Une grande tradition ouvrière. Aujourd'hui, la droite attend la majorité au tournant de la modernité.

Les élus de gauche, et parmi eux trois maires, ont occupé le conseil municipal de Clermont-Ferrand depuis la Libération en 1944. Ancien ouvrier et grande figure de la Résistance, Gabriel Montpied a été réélu cinq fois (1944-1976). Le professeur d’université Roger Quillot a dirigé la ville en bon père de famille pendant une période socialement tendue (1973-1997) qui a vu Michelin enchaîner durant 15 ans les plans de dégraissage. L’actuel maire Serge Godard a été élu pour la troisième fois en mars 2008. Si les Clermontois font confiance aux socialistes et à leur conduite des affaires locales, l’abstention a significativement augmenté.

©Ezequiel Scagnetti/ http://www.ezequiel-scagnetti.com/

Ce que Clermont a de socialiste

Les choix en termes d’aménagement urbain effectués par ces maires de gauche sont une source de satisfaction pour la population. Des politiques de logement et de transport volontaristes ont favorisé une situation de mixité sociale où les communautés s’ouvrent sur l’extérieur et ne sont pas ghettoïsées. « Cela a profondément façonné Clermont-Ferrand », affirme Pascal Genet, adjoint au maire du canton de Montferrand. Pour Alain Martinet, premier adjoint, trois éléments font de la ville d’aujourd’hui une cité apaisée où règne une forte cohésion sociale : la part obligatoire de 20 % de logements sociaux, la réhabilitation des cités ouvrières Michelin et la création du tram.

(Ezequiel Scagnetti) « Ces axes politiques prioritaires ont été délibérément choisis par la gauche pour faire face à la crise de l’emploi et préserver l’harmonie de la cité », affirment de concert Martinet et Genet. Gérer la disparition de plus de 10 000 emplois Michelin sur deux décennies a été un tour de force. L’emploi a été relancé grâce à la réhabilitation des hôpitaux et de la chaussée de la Place de Jaude. Une stratégie des grands travaux qui a payé : en 2006, Clermont-Ferrand a été classée parmi les villes de France où la qualité de la vie est la meilleure.

La réussite de la gauche

Les habitudes de vote ont été déterminées par la topographie de la région du Puy-de-Dôme et les caractéristiques socio-économiques de la ville. Inséré dans d’anciennes zones industrielles et minérales au sein d’une région rurale, le tissu économique de Clermont se compose de petites industries sous-traitantes et du géant du pneu Michelin, le tout doté d’une forte classe ouvrière et d’un bassin d’électeurs traditionnellement à gauche. En parallèle, le conseil municipal a maintenu son soutien financier à la vie associative locale. On dénombre plus de 3 000 associations, un nombre impressionnant pour une ville de 140 000 habitants. Elles jouent également le rôle d’incubateurs de talents pour les listes électorales autant que pour les futurs électeurs.

(Copeau/flickr)Pour Alain Martinet, ce partenariat de longue date est la pierre angulaire de la popularité de la gauche locale. La division entre les deux universités de Clermont, l’Université d’Auvergne (économie, médecine) et l’Université Blaise Pascal (sciences sociales, un dynamique bastion de la gauche), a également offert un terrain fertile à l’activisme politique dans les rangs de l’importante population étudiante de Clermont.

Jeunes populaires sur le vert

La gauche peut-elle encore proposer des idées neuves pour le futur de la ville ? Selon Alain Martinet, il est évident que la gauche a su adapter et renouveler son équipe et ses programmes de la manière qui convenait tout en restant proche de la sensibilité des Auvergnats. L’opposition n’est pas de cet avis : la droite montre du doigt l’image vieillotte et enclavée de Clermont. Ses critiques portent invariablement sur la permanence du statut de petite ville de Clermont et de sa tendance à la dépopulation, dues au « manque d’ambition de la gauche en matière d’urbanisme » et à ses politiques pro-ouvrières. Franck Chignier-Riboulon, directeur du département de géographie à l’Université Blaise-Pascal, attribue la satisfaction des Clermontois vis-à-vis de leur ville à l’atavisme auvergnat.

Les jeunes militants socialistes Hervé Challeil et Simon Mandeville sont prompts à mettre en lumière les mesures adoptées par le conseil municipal pour rafraîchir l’image de la ville, en développant l’offre culturelle pour attirer et retenir les familles et les jeunes actifs, ou en promouvant l’équipe de rugby, l’ASM Clermont-Auvergne. « Insuffisant », enchaîne l’opposition. Selon Blandine Rocca, assistante parlementaire du député MEP affilié UMP Jean-Pierre Audy, et membre du bureau national des Jeunes populaires, l’alternative forte portée par la droite est une stratégie de développement urbain visant à transformer Clermont en une cité verte.

(destempsanciens/flickr)

Ils souhaitent investir dans les infrastructures de transport, pour faire de Clermont une source d’attraction accessible, qui prenne sa place parmi ses voisines plus dynamiques. Pour Rocca comme pour les jeunes activistes Boris Wrona et Charles Beudin, des Jeunes populaires, l’opposition échoue à faire passer son message faute d’un leadership constant et cohérent. L’UMP n’a pas su s’implanter au niveau de la base militante et motiver des citoyens à rejoindre les listes électorales. Ce constat fait, leur appétit pour une alternative demeure intact.

Les Européennes de juin

Les discussions à propos des élections parlementaires européennes sont elles aussi une ligne de démarcation droite-gauche dans la vie politique locale. Serge Godard a voté non à la Constitution européenne en 2005 tandis que Blandine Rocca affirme que l’Europe est trop coupée de l’électorat local. Les deux parties aiguisent leurs armes de campagne pour éviter un faible taux de participation en juin. Tandis que l’UMP présentera les aspects protecteurs d’une Europe « nourricière », les jeunes militants socialistes ont déjà démarré leur campagne pour une « Europe sociale » avec comme proposition, le salaire minimum européen.

Mais chacun reconnaît que Clermont doit se tourner vers l’Europe pour son développement futur. Son défi pour le 21e siècle est de s’inventer une nouvelle histoire, de bâtir sur l’image tranquille dessinée par sa gauche, tout en résolvant les questions à brève échéance. Dans une ville qui est demeurée obstinément socialiste, qui va assurer la transition, la gauche ou la droite ?

Merci à Nicolas Tufféry de Cafebabel à Clermont-Ferrand pour son aide et ses conseils.

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Translated from Clermont-Ferrand – where are the right-wing?