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Chairlift : d’Apple à la musique pour maisons hantées

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jenga

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Patrick Wimberly et Caroline Polacheck ne se seraient jamais doutés que leur musique soit un jour l’apparat d’une pub pour iPod. Retour vers le futur, ou vers le film muet, le duo nous offre un nouveau son électro-pop qui promet de titiller les basses fréquences de nos baladeurs. Rencontre avec Chairlift en direct de Paris.

Au détour du célèbre, trop célèbre, quartier de Montmartre, je finis par atterrir devant l’enseigne lumineuse de l’Hôtel Amour. Une fois à l’intérieur, je tente de discerner parmi les tables à demi-éclairées un accent américain qui puisse ressembler à celui du groupe Chairlift, venu tout droit de Brooklyn. Le barman m’indique finalement la bonne direction, et je me retrouve littéralement projeté contre le batteur Patrick Wimberly qui tente de terminer en vitesse une séance photo (le groupe américain se produit actuellement dans le club parisien de David Lynch, le Silencio). Un expresso plus tard, Patrick est de retour. Il vient s’asseoir en face de moi, puis feint de déplacer quelques bougies pour faire ressortir sa moustache. Malgré ses blagues, Patrick semble peu habitué à parler de lui, fait étrange compte tenu de la file de journalistes qui se créée derrière moi. La conversation ne s’amorce réellement qu’à l’arrivée de la claviériste, chanteuse et seconde moitié du groupe, Caroline Polachek.

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« Une musique de fond qui puisse accueillir des bruits de film d’horreur. Les morceaux pouvaient être commandés, par exemple par des entreprises spécialisées en maisons hantées. »

En 2005, alors qu’ils n’avaient pas encore quitté le Colorado, le groupe et leur ancien congénère Aaron Pfenning se destinaient à l’origine à l’enregistrement de bandes son pour maisons hantées. « Est-ce que vous comptiez réellement jouer en live dans les maisons abandonnées des environs ? » « L'enjeu était purement commercial » explique Caroline sur un ton sérieux. « On a d’abord commencé par des boucles, le but était de créer une musique de fond qui puisse accueillir des bruits de film d’horreur. Les morceaux pouvaient être commandés, par exemple par des entreprises spécialisées en maisons hantées. » Je l’interromps pour savoir si de telles entreprises existent. Elle hausse les épaules. « Probablement. »

Caroline finit par m’expliquer que malgré leur projet initial, le groupe Chairlift a continué à écrire des chansons par dessus leurs bandes-sons. C’est d’ailleurs cette « musique de film d'horreur ratée » qui fit l’objet de leur premier EP, Daylight Savings (sorti en 2007), suivi un an plus tard de leur premier album Does you inspire you ?. Caroline classe Chairlift dans la catégorie pop, et abhorre toute assimilation au style rock indépendant. Vu leur grande diversité de styles, il n’est pas étonnant que la critique s’emmêle les pinceaux : alors que leur morceau « Territory » aurait pu parfaitement intégrer un album de Bjork, leur tube « Bruises », aux allures plus pop, cartonne en 2008 grâce à la pub pour iPod nano, élu un an plus tard « meilleure découverte » dans la catégorie clip vidéo des MTV Music Awards. Il semble que le point commun entre tous leurs morceaux soit en réalité le synthétiseur et les boucles en toile de fond dont le groupe s’est toujours servi. « Nous avons utilisé une gamme très restreinte pour notre dernier album. » Selon Caroline, leur nouveau disque est « une sorte de passerelle, de lien, qui tente d’expliquer les disparités du précédent album. »

« Heureusement pour moi, je n'ai jamais étudié la musique »

En vérité, Chairlift est le deuxième groupe formé par le duo. Caroline et Patrick se sont effectivement rencontrés à l'université, « à l’occasion de leur premier jour de classe », Caroline se met à rire. « J'étais partie voir un concert de Cat Power et j'ai trouvé le groupe en première partie vraiment génial. Je suis donc passée les voir à la fin du concert en véritable groupie. » Elle écarquille alors les yeux et lance avec un accent hollywoodien : « Salut, je voulais simplement vous dire, votre musique est carrément géniale. Alors si jamais vous avez besoin d’une voix pour accompagner vos morceaux, je serai ravie de chanter pour vous. » Elle poursuit : « je me suis finalement retrouvée chez Patrick pour boire une ou deux bières et il m’a montré quelques sons sur lesquels il bossait. Je lui ai dit quelque chose du genre : ce serait pas mieux si tu ajoutais ça à ce morceau ? Je me suis alors ruée sur le piano et j'ai commencé à jouer. Patrick a passé un coup de fil, et une heure après, je faisais partie du groupe. » Patrick interrompt la conversation d'un air enthousiaste : « c'était comme dans la scène de Retour vers le futur où le personnage principal joue un solo de guitare pendant un concours de danse. Il se met d’abord à jouer sur une guitare imaginaire, puis le gars de l'autre groupe prend son téléphone et annonce à ses amis : ramenez-vous, je crois avoir trouvé le nouveau son que vous cherchiez. »

Est-ce que vous avez tous les deux suivi des cours de musique ? « Moi oui, Caroline non », Patrick ajoute sur un ton moqueur, « en fait elle n’y connaît rien en musique ». Caroline confirme. « C’est vrai, et c'est un moindre mal : si j’avais fait des études de musique, mon cas aurait sans doute empiré. »Bien qu’il soit difficile de garder son sérieux, c’est cette sincérité apparente qui rend le duo si appréciable. Caroline est en réalité diplômée d’art, spécialisée dans la création audiovisuelle, ce qui explique la beauté et bien souvent la complexité de leurs vidéos. C’est effectivement grâce à la singularité de ses clips que Chairlift a réussi à attirer l’attention, notamment par le biais de leur single « Amanaemonesia ». Au fil de la conversation, Caroline et Patrick me dressent une liste des « utilisations » potentielles de leur tout dernier album Something, dont la sortie est prévue pour janvier 2012. « Il est parfait pour faire du patin à glace entre amis. On peut aussi l’écouter en s’imaginant une autre vie, en jardinant, avec un casque ou en regardant son téléviseur en mode 'mute' ». Bref, un rapport décalé avec leur propre musique qui colle parfaitement avec l’enthousiasme et l’ironie du groupe.

Photos : Une © courtoisie de Chairlift/ Page Facebook. Vidéos: © courtoisie de  ChairliftVEVO/youtube

Translated from Brooklyn-based pop band Chairlift: once 'music for haunted houses'