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Camp de réfugiés : dépasser les a priori 

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BruxellesSociété#OPENEUROPE

À Bruxelles, la vie au camp des réfugiés du parc Maximilien continue à s’organiser. Situé juste en face de l’Office des étrangers, le camp accueille un flux massif de migrants mais aussi de dons et de bénévoles. Immersion.

C’est bien simple, on a l’impression que ce camp fonctionne uniquement grâce aux citoyens. À peu de choses près. Réseaux sociaux et bouche-à-oreille ont créé un élan de solidarité et de générosité qui permet aux bénévoles d’offrir aux réfugiés un confort relatif mais tout de même bienvenu après leur long et pénible voyage. Tentes, distribution de vêtements et de nourriture, aide médicale, école pour enfants et adultes… Le maximum est fait pour que l’accueil se fasse dans les conditions les plus décentes possible.

En arrivant là, je suis un peu désorientée. Moi, Bruxelloise, je me sens perdue dans ma propre ville. Il ne faut pas demander ce que ça doit être pour les migrants… C’est que le camp est tellement impressionnant ! Il y règne une activité intense et permanente. Cuisine, tri de vêtements, construction de meubles de fortune, nettoyage du camp…Il y a toujours à faire. Ne sachant pas très bien par où commencer je suis discrètement un couple de retraités qui se rendent à l’école. Heureusement, sinon je ne pense pas que j’aurais trouvé mon chemin. Le camp est bien plus vaste que je ne l’aurais cru !

Le coin « école » bourdonne de vie. Enfants et bénévoles s’affairent autour des différentes tentes. Une fillette colorie un dessin, sous l’œil attentif d’un volontaire. D’autres trient les jouets et peluches. Et réceptionnent les nouveaux dons. Un groupe de jeunes femmes vient de déposer plusieurs sacs. « On est mamans nous aussi, alors on se met à la place des femmes qui arrivent ici avec leurs enfants, m’expliquent-elles. Le sentiment est particulier. On ne peut rien faire pour les aider là-bas, donc on essaie de faire le maximum ici, avec les moyens du bord. » Et elles sortent des sachets de bonbons, sur lesquels les quelques enfants présents se jettent avec bonheur.

Initiative spontanée

Je repère un groupe de jeunes filles qui s’adonne à une curieuse activité. Elles sont en train de tendre des cordes entre plusieurs arbres et d’y accrocher des draps et des nappes. « On installe un espace pour femmes, m’explique l’une d’elles. On va leur proposer de venir pour un moment de détente et de discussions. » L’idée est sympa. Les draps permettent de créer un petit coin intime pour que les femmes puissent souffler un peu. Je demande si les filles font partie d’une association. « Pas du tout, me répond Noémie, ma première interlocutrice. On s’est rencontrées ici, hier. J’avais l’idée en tête, les autres ont accroché et on a décidé de lancer ça comme ça, pour voir si ça plaît. »  

Ça semble être le mode de fonctionnement ici. On vient déposer des provisions et on se retrouve à donner un coup de main. Ou alors on arrive pour aider à une tâche précise, et on finit par tourner entre différents « stands ». Plusieurs bénévoles disent qu’ils ont embarqué dans l’aventure comme cela. On va là où le besoin se fait sentir.

L’initiative de Noémie me séduit, mais je suis un peu dubitative. Une heure plus tôt j’ai discuté avec Isabelle, une bénévole qui s’occupe entre autres de la tente « femmes ». Un endroit qui leur est dédié, dans lequel elles peuvent prier, faire une sieste avec leur bébé ou le changer. Les volontaires mettent à leur disposition tout ce dont elles ont besoin. Mais il n’y a pas encore d’affluence. « Ça commence tout doucement, précise Isabelle. Les femmes commencent à nous faire confiance, enfin. Je pense que c’était surtout ça le problème au départ, d’autant qu’elles restaient cloîtrées dans leur tente. Ce qu’on peut comprendre évidemment, elles sont un peu en milieu hostile ici. Moins hostile que leur pays mais bon c’est un peu la jungle pour elles. Mais là tout doucement elles commencent à venir, à identifier les visages, à nous connaitre. Ça va mieux. »

Il y a donc de l’espoir pour l’espace femmes de Noémie et ses nouvelles collègues, si elles prennent le temps de gagner la confiance des migrantes. Mais le témoignage d’Isabelle me fait réfléchir. Il casse l’image des réfugiés qui se bousculent pour « profiter » du système. Je discute avec Amina, une autre bénévole. Très remontée contre certains commentaires lus sur le net, elle tient à mettre les choses au clair : « Il faut dire aux gens que les personnes qui sont ici ne sont pas des pauvres. Enfin oui en arrivant ils le sont, mais la plupart ont des diplômes supérieurs. Chez eux ils avaient un travail, une maison. Mais ils n’ont pas eu le choix, ils ont été obligés de partir. Alors qu’on arrête de dire qu’ils viennent profiter ! »

Ce son de cloche je l’ai eu de la part de Nabil aussi, venu aider au cours de français pour adultes. Il m’indique deux « élèves » en me précisant que l’un est avocat, l’autre architecte. Tout ce qui leur manque, au-delà d’un permis de séjour, c’est d’apprendre la langue pour pouvoir travailler.

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Notre équipe locale à Bruxelles planche actuellement sur un dossier consacré aux camps de réfugiés en Belgique. Solidarité, débrouille et gros morceaux d'humanité...retrouvez bientôt l'ensemble des articles à la une du magazine.