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Buraka Som Sistema: «Pas d’étiquette africaine»

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Culture

Lorsque quatre gars de Lisbonne et de Luanda mixent breakbeat et rythmes angolais, la presse européenne se dépêche de mettre leur son dans une case. Un savant mélange, loin des clichés, qui connait un succès grandissant sur le continent.

Une salariée file sur sa trottinette dans les couloirs sans fin de la Maison de la Radio. Se retournant sur son passage, Conductor, alias Andro Carvalho, coauteur des Buraka Som Sistema, est honnête avec moi : « On est vraiment tous fatigués, ne vous attendez pas à ce qu’on soit au taquet pour répondre à vos questions… », m’annonce-t-il. Sur le canapé, MC Kalaf Ângelo, son compère planqué sous un chapeau et des lunettes, se réserve un petit coin bien cosy tandis que João Barbosa (dit « Li'l John »), leur producteur, est vautré en face de lui. C’est un certain DJ Johnny, « qui a fait les présentations », avant de s’éclipser qui a fait se rencontrer João et Rui Pité (« DJ Riot »), deux potes du lycée d’Amadora à Lisbonne, et Kalaf. Conductor, lui, a pris sa place dans l’équation, comme un chiffre manquant pour résoudre le problème.

« Je compose l’album dans ma tête avant d’en parler au reste du groupe »

En tant que principal « loop-digger », c'est Conductor qui joue avec le rythme et inspire le « nouveau beat mélangé aux sons les plus étranges des années 60 et 70 » que DJ Riot, le vrai prodige de la technique, crée. « Il peut passer des heures à essayer de faire quelque chose avec un synthétiseur et un plug-in, on part tous après vingt minutes et il reste là tout seul, interrompt Kalaf, c’est le geek du groupe. » « C’est trop bête si personne ne peut mettre toutes ces superbes idées ensemble », enchaîne João. « Je suis toujours en train de réfléchir à quelle chanson pourrait aller le mieux avec tel ou tel élément », poursuit-il. « Je compose l’album dans ma tête avant d’en parler au reste du groupe. » Apparemment, João est celui qui sort des « phrases-étranges-que-l-on-dit-dans-une-interview ».

Mises à part les heures de création en studio, c’est Kalaf qui « a les concepts les plus originaux », il va de l’avant. Ces initiatives, comme leur premier album Black Diamond, mijotent habituellement au moment du dîner, quand les membres du groupe discutent aussi de ce qu'ils veulent éviter. « L'idée du cachet africain ou exotique, c'est bien quelque chose que nous n'avons jamais voulu voir transparaître dans notre musique », lance Kalaf. Il a grandi en Angola, tout comme Conductor, qui lui « consomme plus de musique africaine », tandis que Kalaf « a puisé dans différents registres » lorsqu’il s’est installé à Lisbonne en 2006 pour étudier. 

Ames sœurs musicales

« On a plus ou moins piqué des idées en Europe. En Scandinavie par exemple… » « Ils s’amusent, interrompt João, et font ce qu’ils sont supposés faire. Ils n’essayent pas de le mettre en rapport avec des tams-tams ancestraux africains. C’est lié à l’histoire d’un pays. La France a une plus grande relation avec l’Afrique : la musique du Cap-Vert est arrivée en Europe en passant d’abord par la France puis par le Portugal. » « Les gens aiment comprendre cette chose africaine », plaisante Kalaf. « Ils leur restent à se souler et à se lancer », dit João en rigolant. Certains polémiquent et disent que la musique de Buraka rappelle les tam-tams de la guerre civile de 2002 en Angola, mais le groupe ne répond pas à l’histoire par le genre musical qu’ils ont choisi.

« Le Kuduro est apparu après cette guerre, dans les années 70 et 80. L’Angola a renversé la dictature portugaise en 1974, donc ça y fait peut-être penser, mais ce n'est pas intentionnel. Lorsque l’on s’est rencontré, on avait l’idée de s’emparer de ce modèle rythmique de Kuduro et de créer notre propre night club avec ça. » Du club Lux à la gloire ; aujourd’hui, leur plus grande satisfaction est garantie grâce à leurs collaborations avec des noms tels que l’Américain DJ Diplo et l’artiste britannique M.I.A. Leur tube le plus connu est sans doute One Drop, dans lequel on peut voir M.I.A justement.

« On est devant 1000 personnes, ils sont 50, et ils veulent que l'on parle en portugais avec eux au lieu de parler aux 950 autres personnes »

Caché derrière le canapé, Conductor propose une analyse plus classique. « La musique, ça se travaille de manière cyclique. Lorsque vous rencontrez une personne dans son cycle, vous êtes tout à coup exactement en train de faire la bonne chose au bon moment. » « Des âmes sœurs », dit un autre membre du groupe. «Nous sommes connectés, comme les étoiles le sont dans leur position », plaisante Kalaf. « Myspace », ajoute João.

Des Portugais un poil chauvin

Qui télécharge et qui achète légalement ? C’est une question que le groupe pose régulièrement lors de ses concerts. « On n'y prête pas vraiment attention, dit João. On veut juste savoir ! »« Aujourd’hui, le téléchargement fait partie de notre culture », dit Kalaf et Rui d’ajouter : « C’est comme des élections.» « Ca dépend comment vous comprenez votre public », ajoute un Conductor doté du sens du business. Et leur public, c’est qui ? « Ceux qui téléchargent », répond Kalaf. Ils éclatent tous de rire. 

« La plupart sont des femmes », précise Conductor. « De très bonnes danseuses », murmure Kalaf. « Des femmes qui attirent des hommes, qui attirent des fêtards, et il y a toujours une vingtaine de Portugais avec un drapeau portugais qui reste à droite du public », précise João. « Oui, pourquoi, pourquoi ?!? », s’écrie Conductor. « Ils nous hurlent de parler en portugais, toutes les chansons sont déjà en portugais en fait », enchaîne Kalaf. « On est devant 1000 personnes, ils sont 50, et ils veulent que l'on parle en portugais avec eux au lieu de parler aux 950 autres personnes de la salle. » Malgré cela, on sait que les fans portugais ne se sentent pas vraiment représentés par BSS. « On représente quelque chose de trop récent », explique Kalaf. « Ils ne le comprennent pas parce que c’est trop nouveau. » Les Européens sont capables d’apprécier la touche exotique de BSS lors de concerts dans des festivals comme Glastonbury, Roskilde et Exit. « Génial », répète trois fois Conductor, avant que le reste du groupe ne se mette à rire de lui.

Trois tuyaux de Buraka:

Une sortie à Lisbonne : « On commence par le Bairro Alto. Après deux heures du mat’, certains de nous partent auCais do Sodré, au Music Box, jusqu’à environ 4 heures, et puis on va chez Lux » (Kalaf).

M.I.A : « Nous ne passons que 6 heures en studio avec elle avant de rentrer à la maison avec ce qu’on a réalisé et décider de ce que l’on en fait. »

Musique : « Galadrop, c’est un son portugais plus expérimental » (João).

Ne manquez pas le groupe pendant le reste de leur tournée au Portugal et en Italie, et au festival Heineken Open'er de cet été, du 2 au 5 juillet à Gdynia, en Pologne.

Translated from Buraka Som Sistema: 'We never wanted the African flag thing in our music'