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Budapest contre les mendiants trop encombrants

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Société

Depuis l’installation de la nouvelle majorité conservatrice à Budapest en 2010, la municipalité de la capitale hongroise a lancé un plan inédit de lutte contre la pauvreté visible dans les rues de la ville. Outre des mesures d’interdiction musclées de la mendicité dans les espaces publics, voici que la mairie s’attaque à la gestion « sociale » du ramassage des encombrants.

Vieille tradition budapestoise.

La Hongrie est sur la voie de l’urbanisme de régulation de la pauvreté. Même si Budapest ne s’est pas encore équipée des différents équipements anti-SDF tels qu’on peut en voir en France (remplacement des bancs par des sièges dans les parcs, arrosage des pelouses la nuit, sécurisation des renfoncements d’immeubles, etc.), le gouvernement hongrois a lancé à l’automne 2010une loi luttant contre les « usages inappropriés de l’espace public », visant à la fois la mendicité et le couchage à la belle étoile dans des cartons de fortune. Les nouvelles règles d’urbanisme prévoient ainsi une amende pour quiconque s’aventurerait à dormir dans la rue et dans les passages souterrains.

Ces passages, véritable ville sous la ville par lesquels on traverse les grandes artères de la capitale ou on accède au métro sont devenus au fil des années les refuges de nombreux sans domicile fixe trouvant là une solution relativement efficace pour échapper au grand froid caractéristique des hivers en Europe centrale. Après y avoir interdit de fumer, c’est désormais la consommation d’alcool qui y est prohibée depuis le 1er janvier 2011. Dans les faits, ce sont les SDF qui sont visés. Non seulement les prétextes légaux se multiplient pour expulser les sans abris du centre-ville, mais la stratégie adoptée semble viser à rendre leur situation encore plus inconfortable et précaire. D’ailleurs, c’est également depuis l’hiver dernier que fouiller les poubelles dans certains arrondissements de Budapest est passible d’une amende de 185 euros

Le « lomtalanitás » ou avoir le droit récupérer les encombrants dans la rue

Plus récemment, c’est le système de ramassage des encombrants qui a fait l’objet de mesures visant explicitement les sans abris. Dans la pure tradition budapestoise, le « lomtalanitás » (que l'on pourrait traduire par « l'enlèvement des encombrants », ndlr) désignaient un délai légal pendant lequel les SDF pouvaient récupérer tous les encombrants qui jonchaient les rues, constitués d’objets et de meubles dont les gens souhaitaient se débarrasser. Une fois que ceux-ci avaient trouvé leur bonheur, la municipalité se chargeait d’évacuer le reste, faisant perpétuer une forme de gestion sociale du système de déchet à Budapest. Désormais, il s’agira pour les habitants de prendre rendez-vous à l’avance avec le service d’enlèvement et d’éviter ainsi tout dérangement sur la voirie.

Ainsi, Budapest connait un véritable alignement de sa gestion de l’espace public à l’idéologie territoriale dominante qui prône à la fois son aseptisation et sa sécurisation. Elle balaie par l’injonction circulatoire le danger des rues, dessinant par là de vrais tunnels sociaux symboliques grâce auxquels l’altérité est soigneusement évitée. Mais la pauvreté ne disparaîtra pas parce qu’elle sera rendue invisible. Au contraire, ces mesures de marginalisation socio-spatiale ne feront que dégrader la situation des plus démunis. Et ce dans l’hypocrisie la plus générale.

Photos : Une (cc) habeebee/flickr; Texte : zsoolt/flickr ; Vidéo : ZemplenTelevizio/youtube