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Bras de fer avec les Etats-membres

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Le nouveau collège de commissaires entrera en fonction le 1er novembre. Sera-t-il assez solidaire pour faire face aux pressions de 25 Etats ?

L’après Prodi rend Chirac soucieuxHomme de compromis, José Manuel Durao Barroso n’a guère suscité l’enthousiasme parmi les chefs d’Etats qui l’ont nommé et parmi les eurodéputés qui n’ont été que 431 à l’approuver sur 732. Pourtant, le nouveau Président de la Commission a choisit d’imposer, dès le début, un style de gouvernance différent de celui de son prédécesseur Romano Prodi. Bien loin de vouloir ériger un « gouvernement européen », Barroso a choisi de donner l’image d’un « honest broker », un honnête médiateur, entre les intérêts nationaux. Cela va-t-il laisser le champ libre à l’affirmation d’un intergouvernementalisme en pleine mutation au sein d’une Europe à 25 ?

Nouvelle Commission : nouveau style de gouvernance ?

La mission première du nouveau président fut de mettre en place son équipe de commissaires. Un travail qui requiert beaucoup de tact face aux pressions exercées par des Etats membres peu scrupuleux, qui tentent de placer leurs pions sur l’échiquier européen. D’autant que l’UE est traversée par de nombreux clivages politiques : entre opposants et supporters de la guerre en Irak, pays de traditions social-démocrate ou de « laisser-faire » économique, pays du nord et du sud. Et auxquels s’ajoute désormais celui entre pionniers de l’UE et nouveaux venus.

A première vue, Barroso semble avoir voulu montrer aux Etats qu’ils n’avaient pas toujours le dernier mot. Ainsi, Paris et Berlin se sont vu refuser la création d’un poste de « super commissaire » pour les affaires économiques alors que les petits pays ont obtenus des postes-clés. . Le couple franco-allemand n’a donc guère été récompensé pour la concession que représente la nomination de Barroso, n’obtenant pas de contrepartie.

En voulant donner l’image d’un médiateur, Barroso ouvre la voie à un renforcement de l’intergouvernementalisme. L’ex premier ministre portugais a d’ailleurs compris que dans une Europe à 25, l’intergouvernementalisme est lui-même en pleine mutation, de nouveaux Etats pouvant s’ériger en moteur de l’intégration européenne.

« Do less better » : Faire moins, mieux

Le rôle de la Commission est désormais amené a évoluer dans une Europe à 25. Même si les nostalgiques continuent de rappeler le rôle joué par le très dynamique Jacques Delors dans les années 80-90, qui avait su mettre en œuvre le grand projet de marché unique en sachant convaincre les grands Etats de le suivre. Déjà, depuis le traité de Maastricht en 1992 et l’avènement d’une Europe à la carte, et après que la crise de 1999 qui avait vu la démission de la Commission Santer suite à des soupçons de népotisme, la Commission souffre d’un manque de crédibilité qui l’affaiblit devant les Etats. Ainsi, Romano Prodi a du plier devant la France et l’Allemagne qui ont refusé de réduire leurs déficits pour la troisième année consécutive en 2004 (avant de voir la justice européenne lui donner raison). Par ailleurs, lors des tractations entourant la nomination du président de la Commission, il apparaît évident que ce sont les Etats qui ont tenu les cartes en main. Chirac a lui-même mis son veto aux candidatures de Pascal Lamy, Chris Patten, ou encore Franz Fischler, des candidats qualifiés ayant pourtant une connaissance approfondie de la Commission européenne.

Selon William Wallace professeur de relations internationales à la London School of Economics, un bon président de la Commission européenne doit disposer de deux atouts : être à la fois un bon entrepreneur politique et un bon manager. Pour que la Commission puisse être efficace, il lui faut se concentrer sur un certain nombre de problèmes, plutôt que de vouloir être de tous les combats. William Wallace insiste sur la nécessité de continuer le processus de réforme engagé par la présidence Prodi.

Polyglotte séducteur

La tâche du nouveau président dans une Europe à 25 est de tenir davantage compte des intérêts de chacun lors de l’élaboration de politiques communes. Et ceci se reflète déjà dans la composition de la nouvelle équipe. L’intergouvernementalisme des années 90 alors dominé par la France l’Allemagne et la Grande-Bretagne est amené à évoluer ; ces trois pays devant davantage prendre en compte les nouveaux venus afin d’éviter blocages, et le développement d’une Europe à deux vitesses.

Barroso a bien compris cela. Bon communicant, polyglotte, il sait plaire à tout le monde. Mais le style d’un président est-il suffisant pour contrecarrer des Etats, qui finalement participent à une union supranationale de manière volontaire et demeurent maîtres de la décision lors du Conseil des ministres ? Si le Conseil apparaît de plus en plus comme une institution de consensus, les Etats pionniers comme les nouveaux venus sont loin de souhaiter voir s’ériger un gouvernement européen susceptible d’entraver leur pouvoir décisionnel.

La lutte est déjà engagée autour du futur budget européen, avec une Allemagne clairement opposée à contribuer davantage, la Grande-Bretagne prête à batailler dur pour conserver son « rabais » obtenu en 1984 et l’Espagne bien décidée à ce que ses régions continuent à percevoir des fonds structurels . Un domaine politiquement sensible où l’on pourra rapidement apprécier les qualités de diplomate de Barroso.

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