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Boris Johnson : le grand b(l)ond

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L’ancien maire de Londres est au centre de toutes les attentions en ce printemps 2016. La raison ? Il s’est prononcé pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, contrairement au premier ministre David Cameron. Mais par-delà son excentrisme et ses coups de comm’ incessants, qu’est-ce qui fait vraiment courir Boris Johnson ?

« Napoléon, Hitler, différentes personnes ont essayé et cela s'est terminé de façon tragique ». Voici une des dernières sorties de l’ex-maire de Londres sur l’Europe, énième provocation à quelques semaines d’un scrutin décisif au Royaume-Uni. Le 23 juin prochain, les citoyens devront répondre par référendum à la question de savoir si le pays doit rester ou pas dans l’Union. David Cameron, quant à lui, a choisi son camp depuis longtemps : celui du maintien. Mais dans la foulée, Boris Johnson, son ancien allié, également membre et député du parti conservateur, a marqué sa différence en soutenant le « Brexit ». Pourtant, les premiers pas de celui qu’on appelle « Boris » ne le prédisposaient pas à cette prise de position.

Bruxelles, Oxford et des saucisses roses

Petit-fils d’un homme d’origine turc et d’une femme franco-britannique, Boris Johnson a l’Europe dans le sang. Très vite, il l’aura aussi sous les yeux. Né en 1964 à New-York, il part pour Bruxelles quelques années plus tard, où son père travaille alors pour la Commission européenne. En Belgique, Boris est scolarisé deux ans à l’école européenne d’Uccle. Il y apprend, entre autres, le français : celui qui lui permettra de « lire des romans » dans la langue de Molière. Mais à mesure que la famille se rapproche de Londres, l’intérêt de l’adolescent pour le Vieux Continent s’estompe peu à peu. À Eton d’abord, collège aussi cher qu’élitiste de la banlieue londonienne, qui le forme aux codes de la haute société britannique. Au Balliol College d’Oxford ensuite, où il étudiera les lettres classiques et soignera ses fréquentations en adéquation avec son engagement politique actuel. C’est d’ailleurs là-bas qu’il côtoie un certain David Cameron, son futur-ex allié politique au sein du Tory. Sauf qu’au lieu de bâtir un nouveau projet pour le Royaume-Uni, les deux amis multiplient les frasques au sein de la célèbre et sulfureuse association d’étudiants friqués, le Bullingdon Club.

Après les bancs des meilleures écoles du Royaume, le fougueux Boris se fait une place dans les colonnes de The Times, dont il sera rapidement renvoyé pour avoir falsifié une citation de son parrain, l’historien Colin Lucas. Du coup, le jeune journaliste part se faire une réputation au Daily Telegraph - l’un des quotidiens les plus eurosceptiques du pays - au poste de correspondant... à Bruxelles. De 1989 à 1995, Johnson s’en donne à cœur joie : contre Jacques Delors, les institutions mais en faveur de certaines « saucisses roses anglaises ».

« Toute publicité est de la bonne publicité »

Mais cet euroscepticisme affiché est-il bien réel ? Contactée par téléphone, sa biographe, Sonia Purnell, auteure du livre Just Boris : a tale of blond ambition, nous affirme que « dans ses articles, il était très critique envers l’UE. Mais en privé, quand les gens formulaient des remarques négatives sur l’organisation, il la défendait. Il y avait une différence entre le Boris public et le Boris privé ». Il s’agit avant tout pour lui de se faire connaître du grand public. « Il écrivait des choses critiques sur l’UE pour se faire un nom, pour devenir célèbre », poursuit l’auteure. Sa défiance envers l’Union est donc loin d’être évidente.

C’est la même stratégie qu’il applique entre 2008 et 2014, lors de ses deux mandats de maire de Londres, la ville la plus europhile du pays. Que retient-on de l’ère Boris Johnson dans Big Smoke ? Ses incartades, plus que ses décisions politiques en tout cas. Comme ce match de rugby improvisé au Japon où il plaque un enfant. Ou cette descente improbable en tyrolienne lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012. Devant les railleries - internationales - le trublion renvoie face caméra : « Toute publicité est de la bonne publicité ». 

« Boris » en roue libre.

C’est certainement dans un énième coup de pub que le député conservateur a osé faire une comparaison entre l’Union européenne et le nazisme. Le pays est divisé sur la question de l’appartenance et les derniers sondages ne laissent présager aucun résultat évident, alors que la volonté du peuple britannique de rester dans l’Union européenne semblait davantage marquée il y a quelques mois. Et ce, même au sein du parti conservateur. Mais au-delà des stratégies de comm’, Johnson pourrait caresser d’autres desseins en faisant campagne pour le « Leave ». Et surtout, en allant défier frontalement son ancien allié. Car il est incontestable que si le vote pour la sortie de l’Union l’emportait, David Cameron se retrouverait dans une position très inconfortable au sein de son parti et du gouvernement. 

Le grand requin blanc

D’après l’actuel correspondant du Daily Telegraph à Bruxelles, Matthew Holehouse, « il y a un gros débat sur ce qu’il pense. Certains pensent que son positionnement est tactique, d’autres non ». Sonia Purnell, elle, est beaucoup moins hésitante quand on lui pose la question. « Jusqu’à récemment, il disait qu’il ne pourrait jamais être un partisan de la sortie de l’Union européenne. C’est uniquement parce qu’il veut devenir le nouveau premier ministre qu’il a changé d’avis sur le Brexit. Je pense que c’est quelqu’un de très opportuniste, parfois je le décris d’ailleurs comme un grand requin blanc. » La sortie de l’Union européenne lui offrirait ainsi une voie royale vers le 10 Downing Street. « C’est une bonne chance pour lui de devenir premier ministre, sans doute la dernière. Et il fait vraiment tout ce qu’il peut pour l’être », poursuit la biographe.

Entre l’excentricité, l’ambivalence et l’opportunisme, reste à imaginer ce à quoi le premier ministre Johnson pourrait ressembler. « Personne ne sait vraiment qui il est, plante Sonia Purnell. Donc, si vous demandez quel genre de premier ministre il serait, il est très difficile de répondre. Il veut simplement le pouvoir mais sans but particulier. » En fin de compte, Boris Johnson n’aurait « pas vraiment d’idéologie et change tout le temps d’avis sur tout ». Et si, après tout, tout cela se terminait de façon tragique ?

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Tous propos recueillis, sauf mentions, par Lucas Tripoteau.

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Il nous a été officiellement interdit de citer les Clash, mais la question rappelle bel et bien cette fameuse chanson. Le 23 juin prochain, les citoyens britanniques se rendront aux urnes pour décider, ou pas, du maintien du Royaume-Uni dans l'UE. Huge. Tant et si bien qu’on a 2 ou 3 choses à dire sur le sujet... Retrouvez notre dossier très costaud sur la question du Brexit.