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Benoît XVI vs prêtres pédophiles : l'Église reboutonne la soutane

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Société

Depuis un mois, les révélations de pédophilie au sein de l’Église catholique poussent Benoît XVI, lui-même concerné par une affaire « peu catholique », à se confondre en excuse.

Alors que les fidèles risquent de s'éloigner de l'institution et que d'aucuns réclament même le départ du pontife, le Vatican tente tout de même de moderniser son image auprès des jeunes, à grand coup de Twitter et de médias sociaux.

« Les voies du Seigneur sont impénétrables » lance un prélat dans une caricature du dessinateur français Plantu pour l'édition du 29 mars du quotidien Le Monde, ce à quoi l’enfant qu’il tient par la main répond : « Y a bien qu’elles… ». Après les affaires sur la canonisation de Pie XII (Pape de la seconde Guerre Mondiale) et la condamnation de l’avortement d'une fillette brésilienne violée, l’Église catholique doit maintenant affronter les dénonciations d’actes pédophiles perpétrés par les prêtres de son clergé aux États-Unis, Brésil, Canada, Australie... Et en Europe ! Ces exactions furent massives en Irlande où près de 15 000 enfants seraient concernés. Six prélats concernés ont présenté leur démission. Seules trois ont été acceptées, mais l’Église d’Irlande est souillée pour longtemps. En Allemagne, les accusations touchent directement le pontife, accusé d’avoir hébergé dans son diocèse bavarois un pédophile récidiviste, et son frère Georg Ratzinger qui a dirigé pendant trente ans la chorale de Ratisbonne où des cas sont rapportés. La France, du fait de sa forte sécularisation et de la perte d’autorité des clercs sur la société, semble épargnée de dénonciations massives. Trente ecclésiastiques y sont néanmoins sous les verrous et dix procédures sont en instruction.

Quinze ans de silence

« Les voies du Seigneur sont impénétrables »... « Y a bien qu’elles… »

Largement critiquée, la réponse de Benoît XVI face aux continuelles révélations relève du maintien nécessaire d’un certain équilibre. Aucun pape avant lui n’avait été aussi loin dans la dénonciation de ces « crimes ignobles », Joseph Ratzinger a reçu des victimes américaines, australiennes, et dans sa Lettre aux catholiques d’Irlande a reconnu la responsabilité de la hiérarchie ecclésiastique dans l’étouffement des affaires. 

Est-ce que le compte Twitter de l'Eglise suffira à changer son image ?

La dénonciation de ces « affaires » n’est pas un phénomène nouveau. Depuis une quinzaine d’année, l’opinion publique s’en émeut autour de cas singuliers sans que jusque là le scandale n’ait éclaté aussi durement qu’il ne le fait actuellement. Entre 2001 et 2010, 3 000 accusations concernant des prêtres pour des crimes sexuels commis ces cinquante dernières années auraient été instruits par la justice du Vatican. Les condamnations : des thérapies psychologiques « internes », des mutations professionnelles et des suspensions de charge. Mais aussi le silence, la dissimulation complice et l’inaction.

Les réponses spirituelles (la prière, le pardon et la réconciliation) ont atteint leur limite. Les victimes attendent aujourd’hui une réponse judiciaire forte et des excuses officielles de l’Institution. En 2001, Joseph Ratzinger, alors préfet pour la Congrégation de la Doctrine de la Foi, (C.D.F.) demandait aux évêques d’avertir Rome afin que tout cas de pédophilie soit traité par la justice canonique, sans nécessité pour les prélats de saisir la justice civil de leur pays. Sur ce point, les lignes de clivage sont en train de bouger et plusieurs évêques ont demandé aux victimes d’avoir conjointement recours au tribunal canonique et aux juridictions civiles, proposant même de les accompagner dans leur démarche. L’Église a par ailleurs promis une meilleure communication entre les diocèses afin d’éviter que les prêtres pédophiles puissent s’expatrier incognito. Mais aucune de ces mesures n’est encore formalisée à l’échelle de l’orbi (ndlr : en-dehors de la bulle du Vatican, à l'échelle du monde).

Dieu en 140 caractères

Selon Mgr Scicluna, ministre du tribunal de la C.D.F., il faut distinguer les actes d’éphébophilie (attirance homosexuelle pour un adolescent, 60 % des cas) de la véritable pédophilie (attirance pour un garçon impubère, 10%). Si l’argument semble un brin spécieux, il faut veiller à ne pas amalgamer religion et déviance. A ceux qui rapprochent le célibat sacerdotal et la pédophilie, le clergé répond que l’Église est moins en cause que les individus, sujets aux tendances pédophiles, dont l’institution n’a pas su se protéger. Cette crise internationale porte néanmoins un sérieux coup à l’autorité de l’Église : si le « Mur du silence » semble peu à peu tomber, le pouvoir pontifical doit s’attendre à perdre une partie de sa légitimité, en dépit des efforts parallèles pour se rapprocher des jeunes. 

Le Vatican a en effet profité de la lettre de Benoît XVI aux catholiques d’Irlande pour débarquer sur Twitter, le site branché de micro-blogs où l’on partage sa vie en messages de 140 caractères. Sept canaux publieront chaque jour en sept langues européennes des informations directes du Vatican, diffusant des « informations particulièrement importantes pour la vie de l’Église» (i.media). Malgré la future création de canaux en chinois, arabe et japonais, pas sûr qu’au cœur des 50 millions de messages qui s’échangent chaque jour sur Twitter, les voix du seigneur soient plus pénétrables.

 Photos : Une : ©/Flickr;  caricature : robertodevido/Flickr