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Belgica, Alea jacta est ?*

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Bruxelles

Par Gauthier Bas Tout à l’heure aux abords du Parlement européen à Bruxelles, un jeune m’aborde armé d’un stylo et d’une feuille
- Etes-vous Bruxellois, Wallon, Flamand ou autre ? Autre - Vous sentez vous Belge ? Oui, un peu, - Qu’est qui divise les Belges ? Ah, vaste question, - Qu’est ce qui les rassemble ?

Et bien…

Dimanche les Belges sont convoqués (le vote est obligatoire) pour des élections anticipées. Ces élections ont été provoquées par une discorde entre Flamand et Francophones qui n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la nouvelle réforme de l’Etat à venir ; le pays connait en effet une évolution de ses structures politiques depuis les années 1970. Celui-ci est passé d’un système centralisé à un système fédéral. Désormais le pays est constitué de trois régions : Flandre, Bruxelles, et Wallonie, de trois communautés linguistiques : néerlandophone, francophone et germanophone. Vous y ajoutez les différentes provinces et communes, et vous avez un aperçu des différents lieux de décisions politiques. Pour le détail je vous laisse consulter le blog de Jean Quatremer.

Le gouvernement est donc tombé sur une question « communautaire ». En clair, Flamands et Francophones ne sont pas d’accord. C’est sur une question très technique et qui ne parle pas beaucoup à la majorité des Belges que s’est déclenché le conflit « BHV », autrement dit la scission de l’arrondissement de Bruxelles Hal Vilvoorde. Mais la véritable question sous-jacente est celle de l’avenir commun des Flamands et des Francophones, qu’ils soient Wallons ou Bruxellois.

A la veille des élections, je ne m’aventurerai pas à me risquer aux pronostics possibles : confédéralisme, crise majeure et durable, guerre civile ou stagnation ! Toutefois j’aimerais attirer l’attention sur les problèmes de fonds dont cette énième crise est l’émanation.

Le pays est peuplé d’une dizaine de millions d’habitants, grosso modo 6 en Flandre, et 4 Francophones dont 3 en Wallonie et 1 million à Bruxelles. Au Nord, la langue officielle est le Néerlandais, au Sud, le Français et à Bruxelles, les deux langues sont officielles même si 80% de la population est francophone. D’une manière générale, ce n’est pas virer dans la caricature que de dire que les Flamands parlent mieux le français que l’inverse. Ceux-ci sont donc tout à fait à l’aise en français lorsqu’ils se rendent dans le Sud. De ce fait ils considèrent qu’en Flandre il est normal de parler le Flamand et que les Francophones n’ont qu’à s’y mettre. Sur ce constat linguistique et la partition territoriale du pays, le reste de la société a suivi.

Il n’existe plus de radio / télévision unitaire mais une VRT (Vlaams Radio TV) et une RTBF (radio TV belge francophone). Les partis politiques sont scindés, chacun d’entre eux ne parlant presque plus à son équivalent traditionnel (à l’exception notable d'écolo et Groen!). De plus, hormis dans le fameux arrondissement de BHV, on ne peut voter que pour des membres de sa communauté linguistique, les flamands votent pour des flamands, et donc n’écoute que les politiciens flamands, et vice et versa. Les universités, un temps bilingues, se sont elles aussi séparées, l'armée est formée de régiments francophones ou néerlandophones et j’en passe…

Résultats, les gens ne se parlent plus, ne se connaissent plus et sont d’autant plus aptes à croire tout et n’importe quoi sur l’autre (entendez ici l’autre communauté). De plus vu le nombre de niveaux de pouvoirs et la fréquence des élections, les partis sont en campagne permanente ; dès lors le meilleur moyen d’être élu est de critiquer l’autre communauté, vous imaginez donc l’état d’esprit général. D’autant plus, j’allais l’oublier mais c’est pourtant central, qu’une région (la Flandre) est plus riche que l’autre (la Wallonie) et que les transferts d’argents sont assez importants. Si les gens ne se connaissent plus pourquoi devraient-ils donc payer ? Le raisonnement est compréhensible et mène de nombreux flamands à considérer qu’une plus large autonomie des régions et une scission du régime de sécurité sociale serait normale.

Alors que faire pour sauver la Belgique ? Ce pays où la plupart des habitants ne se posent pas toutes ces questions et commencent à être sérieusement lassés par ces « problèmes communautaires ». La grande majorité est simplement belge, et considère que les problèmes viennent d’en haut (des politiciens). Mon opinion étant que l’incompréhension naît du manque de dialogue, il faudrait réinstaurer des canaux de discussions.

Ajouter des sous-titres aux JT principaux des deux grandes chaînes publiques contribuerait grandement à la compréhension mutuelle.

De même il faudrait que chaque Belge puisse voter pour n’importe quel belge, ceci forcerait les décideurs à avoir des débats de fond sur les politiques à entreprendre plutôt que se rejeter les fautes d’une mauvaise gouvernance en permanence.

Enfin, renforcer l’apprentissage de l’autre langue (notamment du côté francophone), et les initiatives plus humoristiques, voire carrément surréalistes à prendre au 3e degré, une caractéristique qui unit encore les belges.

Voir également la série de Jan et Jean, créée par le Soir et De Standaard en 2007 mais toujours d’actualité.

* « Alea jacta est », annonçait Vincent Van Quickenborne, ministre de l’Economie Libéral flamand (VLD) sur son Twitter lorsque son parti à quitté le gouvernement et provoqué le début de la crise en avril dernier.