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Balthazar ou coïncidence ?

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La Parisienne

On se demande souvent sur quoi tient la différence entre la dégaine et l’allure. La couture de la veste, la couleur des chaussettes ou l’ourlet du pantalon ? Détails, vétilles ou obsession ? Non, Balthazar.

4 micros et 2 cymbales. 1 synthé et  2 violons. 3 guitares et 3 pédales. 4 garçons et 1 nana. Les cordes du violon frottent l’atmosphère de La Maroquinerie d’une antienne languissante. La fumée s’éparpille et se caille par l’intermittence du stroboscope. Le temps est suspendu. L’instant, domestiqué. Le reste est annihilé. Complètement. Puis s’épanche dans des monochromes de bleu.

Le son se diffuse lentement. En réalité, il s’incruste, gagne les sens, produit une tension. Et active des zones reculées. Aussi, on se souvient. On essaie, en fait, de se souvenir de la dernière fois. Les requins couleur essence, Brad Pitt dans Snatch, la boîte des Golden Grahams, le lait dans des bouteilles en verre, le numéro 7 et Eric Cantona. Puis, la musique s’arrête. La pression retombe. « Bonjour, Bonsoir. ». Et boum. Seconde commotion. George Weah, Vega de Street Fighter, le pressoir à orange, la boite à cigarette de Papi et le drapeau du Brésil.

Balthazar - "Hunger At the Door"

Le calme s’est installé. La mesure l’emporte chez la majorité du public qui, quand le groupe bat la cadence, s’obstine à hocher la tête, les mains dans les poches. Subjugué par la justesse d’un jeu sûrement répété, naturellement maitrisé. Deux voix et des chœurs, c’est décidément trop pour pouvoir taper dans les mains. Le batteur se recroqueville sur sa batterie dont il frappe les tambours à la manière d’un croque-mitaine. Derrière, la projection de son étrangeté produit sur la colonne de brique une valse effrénée d’ombres chinoises. La lumière se charge de laisser choir la brève minute de beau-bizarre.

Plus avant, la scène se déroule proprement. Chemise cintrée, polo noir, cheveux blonds, jeans taille basse et bracelets au poignet. Les transitions sont impeccables. La syntonie dans la chute de certains morceaux laisse soudainement place à une symétrie absolue. Quand l’une des voix joue bas - la sangle relâchée jusqu’au bassin et accomplit ses solos plié en deux - l’autre tient sa guitare au niveau du cou et gratte la rythmique - impassible - la caisse de résonance disposée sur le pectoral. Les réminiscences précitées se diluent désormais dans le spectacle qui est donné à voir. L’intellect est pleinement comprimé dans le présent. La comparaison cède la place à l’expression d’une représentation qui s’apprécie comme une entité à part entière. La partie fait abstraction du tout. Le concert devient total.

Le reste ? Le reste est passé si vite.

Enfin, les souvenirs reviennent. L’esprit s’évade dans une énième série d’équivalents – Roger Federer, un loft new-yorkais, une reprise de volée de David Trezeguet. Et puis s’en va. Il reviendra, souvent. Parce que ce qui vient de se produire était rare, précieux, unique. Tout le moins, l’espace d’une heure, c’était TOUT.

Balthazar performe "The Boatman" à La Maroquinerie

Balthazar est un groupe belge dont le premier album s'intitule Applause

Photos : Une © courtoisie du myspace du groupe, Texte : © Matthieu Amaré ; Vidéos : Hunger at the door (cc) Balthazarband/YouTube ; Concert (cc) cafebabel/YouTube

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Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.