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Arthur H : le poids des maux

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En France, Arthur H a tendance à (trop) être le fils de son père : Jacques Higelin, monstre sacré de la chanson française. Pourtant, le nouvel homme à la tête de chou vient de sortir son 13ème album studio, Baba Love en sus d’un autre disque consacré à la poésie noire caribéenne. Tous deux très portés sur les mots. Rencontre entre un mi, un fa, un sol et un plafond.

Il arrive avec une bonne demi-heure de retard et d’un pas pas forcément assuré. Coiffé de son habituel chapeau noir, il s’assoit et commande un thé. Nous sommes le mercredi 7 novembre, il est 18h30 et Barack Obama vient d’être réélu président des États-Unis d’Amérique. Il y a 4 ans, en 2008, Arthur H donnait un concert au Poisson-Rouge à New-York. L’élection du premier président noir américain avait soulevé plus de ferveur qu’aujourd’hui mais l’artiste pointait déjà le vide théorique dans la notion d’espoir que l'ancien sénateur de l'Illinois s’évertuait à prodiguer.

« Je venais de quitter ma femme en fait »

Quatre ans après, bien conforté dans l’idée que la politique ne résout pas grand-chose, Arthur H fait toujours la moue : « Obama est sûrement un mec génial mais assez désespérant. Il a fait croire aux gens qu’un changement était possible. En fait, il en est incapable. » La première punchline est lâchée après 2 bonnes minutes de réflexion durant lesquelles Arthur fixait puissamment le plafond du bar parisien en touillant son thé. La deuxième question abordera un truc « un peu vieux », qu’il a oublié. Du coup, Arthur H recadre et me demande de changer de braquet. S’ensuivent dix minutes un peu malaisées où le mec digresse à fond, le regard toujours perdu dans les colombages – émoi – je sens brutalement que l’on se dirige vers un solide enculage de mouches.

« La famille, c'est le truc qui n'existait pas vraiment avec mon père. »

En même temps, je ne me suis intéressé à Arthur H que la semaine précédant l’interview. Un bon échange de procédés puisque lui semble n’avoir rien à foutre de mes questions jusqu’à ce que j’aborde son disque. Arthur H sort donc Baba Love, son 13ème album studio qui se décline sur 12 morceaux dont je ne peux nier l’intérêt ni le boulot de composition. Sur le fond maintenant, Arthur H précise que « le fil rouge de ce disque c’est l’amour. » Un truc facile à deviner quand on lit le titre du CD mais qui a curieusement été accouché dans la solitude. « Je venais de quitter ma femme en fait », dit-il le sachet de thé dans les chaussettes. En réalité, Baba Love est un album de séparation. Joli paradoxe, surtout pour un disque plutôt joyeux, non ? « Mouais, je l’ai pas mentionné, c’est un disque qui parle d’amour de la vie. Peut-être que j’aurais dû faire un album triste », achève-t-il au bord de l’atonie.

Tuer le père

Vous comprenez bien que l’on se profile vers un décor cafardeux en noir en blanc où ma présence est aussi utile que le H de Hawaï. Mais curieusement l’interviewé reprend vie quand on parle famille. Oui, car en France, Arthur est surtout le fils de son père : Jacques Higelin, trublion musical adulé par les foules des années 70. Cela dit, l’histoire un peu trop cuite de la filiation s’arrête selon lui à « la fainéantise des journalistes » car en fait, le gamin n’a pas vraiment été bercé par son Papa. « Il ne m’a pas du tout initié à la musique. La famille, c’est le truc qui n’existe pas vraiment pour lui. Après, quand j’étais adolescent, il était très connu donc c’était assez difficile pour moi. J’avais ce père qui était une espèce de surhomme et ça m’a demandé pas mal de caractère pour ne pas disparaître. » Le fils n’a pas disparu mais s’est même doté des attributs du paternel « sa liberté, sa poésie, ses improvisations théâtrales, ça me correspondait aussi. »

S’il y a un truc qui a pu détourner Arthur H de l’ombre d’Higelin et l’imposer au sein d’une famille très portée sur la chose artistique (ses deux demie sœurs, Maya Barsony et Izia – présente sur l’album - sont musiciennes), ce sont les mots. La qualité d’écriture du bonhomme est assez frappante sur ce disque. Et permet d’extraire le personnage de perpétuelles références, style Gainsbourg ou Tom Waits, auxquels seul la couleur de sa voix pourrait s’apparenter. Si l’on s’attarde sur l’inspiration lyrique que des morceaux comme « Prendre Corps » (poème en réalité écrit par Ghérasim Luca, ndlr) ou « L’ivresse des hauteurs » peuvent propager, on comprend mieux pourquoi le mec aime regarder les plafonds. Dans le premier, il « déverbalise » complètement et galvaude volontairement le sens des mots. Dans le deuxième, il déclame un texte avec le comédien Jean-Louis Trintignant, Saint-Père de la diction à la française.

Le béaba des mots

Justement, cette langue française, l’artiste la trouve « trop fermée sur elle, trop classique. » « Ce sont les jeunes de banlieues qui la malmènent un peu. Et elle a bien besoin », poursuit-il. Je vous le donne en mille, Arthur H poussera la réflexion jusqu’à affirmer qu’il adorerait faire un album de hip-hop parce que « c’est la seule musique vraiment nouvelle. » Ce n’est donc pas un hasard si un rappeur américain du nom de Saul Williams partage deux morceaux avec lui sur Baba Love.

« Le hip-hop est la seule musique vraiment nouvelle »

Bref, Arthur H est à prendre aux mots qu’il préfère « fertiles car ils donnent de nouveaux fruits ». Exactement comme ceux de la poésie créole contemporaine auquel il rend hommage dans L’Or Noir en collaboration avec Nicolas Repac, un autre musicien français. Bon nombre des morceaux de ce nouveau disque ont été couchés à Contis, sorte de Finistère des Landes (région du Sud-Ouest, ndlr) qui relie 20 km de plages sauvages. « Un lieu unique, spécialement magique », dit-il avec – miracle – un rictus. « Un des rares endroit où l’on peut éprouver un sentiment de liberté » et où – comme par hasard – j’ai pour habitude de passer mes étés. Qui sait, au final, on passerait peut-être les vacances ensemble.

Arthur H sera en concert au Trianon (75018, Paris) le 22 décembre prochain. Juste après la fin du monde. Retrouvez l'interview intégrale d'Arthur H sur le site de La Parisienne de cafebabel.com

Photos : Une et Texte © Diane Sagnier ; Vidéos : Baba Love (cc) ArthurH/YouTube, "Est-ce que tu aimes ?" (cc) regisson/YouTube

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.