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Alter-votants, le site de rencontre de la démocratie ?

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Politique

Avec une abstention de 51,29 % au premier tour des élections législatives, la France connaît un record depuis 1958. Certains votants ont décidé de ne pas gâcher leur voix ce dimanche : ils vont donner leur vote à un étranger. 

Sourire détendu, Jérémy*, travailleur social de 29 ans, se remémore sa rencontre avec Malika*, son âme sœur pour l’élection présidentielle d'avril 2017. « J'avais envie de donner ma voix à un étranger, alors j'ai rempli un formulaire sur le site Alter-votants. 2-3 jours après, la plateforme m'envoyait les coordonnées d'une personne. » Malika et Jérémy doivent le début de leur histoire au collectif Alter-votants, créé fin 2016. Derrière l’organisation, il y a trois amis, bénévoles, motivés par l’idée de venir en soutien aux étrangers et aux réfugiés en leur donnant la possibilité de peser sur les scrutins français. « Nous croisons au quotidien des personnes sans droit de vote qui veulent construire leur vie en France et d'autres qui se désintéressent des élections. Alors pourquoi ne pas les mettre en relation ? », explique Robert, un des fondateurs du collectif.

En France, les étrangers ne peuvent pas voter aux élections nationales. Les membres de l'Union européenne peuvent, quant à eux, voter aux élections municipales. « Dans 15 pays européens, les étrangers non communautaires ont le droit de voter aux élections locales, la France est en retard », affirme Catherine Wihtol de Wenden, chercheure au CNRS et spécialiste de la citoyenneté européenne. En France, ce sont 4,2 millions de résidents étrangers qui sont privés du droit de vote (6,4% de la population, selon un rapport de l'Insee). En janvier 2017, 4 000 personnes se sont inscrites sur Alter-votants et 1 000 binômes se sont formés. « Pour les élections législatives, comme les binômes sont déjà formés, nous avons moins de personnes qui se sont inscrites. Nous avons créé une plateforme Bretagne et Grand Est pour que cela colle davantage au mode de scrutin régional des législatives », explique Robert.

« J'ai voulu partager les droits que j'avais »

Jérémy n'avait pas prévu de s'abstenir pour l'élection présidentielle et les législatives. Il avait juste envie de partager ce qu'il considère comme une chance, « partager les droits » qu'il avait. « Je viens de la génération éduquée à la nécessité du vote, alors je ne comprends pas que des personnes vivant ici en soient privées. » Le dimanche 23 avril, Jérémy et Malika se sont donnés rendez-vous devant le bureau de vote de la mairie du 17ème arrondissement à Paris. Jérémy regrette que sa binôme n'ait pas pu se rendre avec lui dans l'isoloir et mettre le bulletin dans l'urne. « Avant de m'inscrire, je me suis même préparé au fait que si mon binôme souhaitait voter contre mes idées, je devrais mettre son choix dans l'urne », confie Jérémy. Cette décision de donner sa voix, Jérémy l'a gardée pour lui et des gens très proches. Il n'avait pas envie de débattre, de se justifier. « J'ai trouvé qu'il y avait une pression à voter et à bien voter », résume t-il.

55 ans, premier vote

Malika n'est pas une « étrangère comme les autres ». Cette cinquantenaire aux yeux verts d'origine kabyle est née en France. En ce mois de janvier 1962, elle naissait française. Mais deux mois plus tard, avec l'indépendance de l'Algérie, elle a perdu la nationalité. Aujourd'hui, si elle veut redevenir française, elle doit déposer une demande de réintégration et passer des tests de langue et de connaissance de la culture nationale. Cadre au secours catholique, elle refuse d'avoir à justifier de sa citoyenneté.

« Je suis engagée politiquement, mais je trouve ça très frustrant de ne pas pouvoir voter », indique Malika. Elle a découvert Alter-votants dans la presse. Après 10 jours d'inscription, elle rencontrait Jérémy. Le feeling passe bien et ils choisissent de continuer à aller voter tous les deux ensemble. « Je n'ai quand même pas à 100% le sentiment d'avoir voté, mais c'était tout de même la première fois depuis plus de 50 ans en France », note Malika. Privée d’un droit qu’elle juge inestimable, elle ne comprend pas l'abstention : « Comment peut-on ne pas avoir d'idées ? On ne peut pas se dire apolitique, car la politique est la vie de la cité ! », affirme-t-elle. Alors Malika motive son fils de 23 ans à aller aux urnes, même si parfois il n'en voit pas l'utilité.

Dimanche 18 juin, à 9h, Jérémy a rendez-vous avec Malika dans le 17ème arrondissement. Il mettra dans l'urne, encore une fois, le choix de sa binôme. 

* Le prénom a été changé