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A Nantes, les étudiants se nourissent pour un euro !

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jonathan B.

SociétéStyle de vie

Laitages, fruits et légumes, viandes, produits secs, boîtes de conserves… Les denrées équilibrées que l’étudiant ne regarde même plus au supermarché où il achète ses pâtes aux beurres, faute de finances suffisantes, sont vendues à un euro symbolique au marché solidaire de l’Association de Solidarité des Etudiants Français (ASEF) depuis 10 ans.

Chaque jeudi, le marché solidaire qu’il organise est bondé. Reportage.

Le jeudi, c’est jour de marché pour les bénévoles de l’ASEF. Toutes les semaines, l’association organise une distribution de nourriture destinée aux étudiants. Le principe est simple, avec un euro symbolique de participation et un sac vide pour transporter les victuailles, tout étudiant peut se présenter au marché de l’ASEF. Environ 200 personnes repartent chaque semaine avec un sac rempli d'aliments qui coûterait une vingtaine d'euros dans un supermarché. 

80 euros d'économie par mois

 

Le matin, une équipe se rend à la Banque Alimentaire de Nantes (des aliments impropres à la vente mais pas encore périmés y sont stockés au quotidien par les supermarchés, ndlr) pour y remplir un camion de denrées. Les produits sont ensuite transportés dans le local de l’association, le garage d’une cité universitaire prêté par le CROUS. C’est ici que sont organisés les marchés. Quelques dizaines de minutes avant 17h et l’ouverture du marché, une dizaine de bénévoles s’affaire à l’intérieur du local pour aligner les yaourts, empiler les briques de lait ou installer les caisses de fruits sur les tables. A l’extérieur, une quarantaine d’étudiants attend tranquillement. Plusieurs raisons expliquent que les étudiants fréquentent ce marché particulier. Pour certains, les bourses sont insuffisantes, pour d'autres, elles sont inexistantes. Si certains sont au rendez-vous chaque jeudi, d'autres ne viennent que de temps en temps. En tête de file, Amandine, une étudiante française de 22 ans en Master de Sciences, discute avec Nawel, une étudiante algérienne. Pour les deux jeunes filles, les marchés de l’ASEF sont un véritable soutien. Amandine doit se débrouiller avec 460 euros de bourse par mois, bien peu. Sur les conseils de l’assistante sociale de l’Université, elle a découvert les marchés solidaires en début d’année et y est maintenant assidue. Chaque mois, elle économise ainsi 80 euros sur la nourriture. De plus, Amandine bénéficie d’un partenariat conclu entre l’association et les assistantes sociales. L’ASEF ouvre ses marchés à tous les étudiants, sans critères de revenus. Toutefois, les étudiants les plus fragiles financièrement peuvent présenter un document distribué par l’assistante sociale afin d’obtenir quelques denrées supplémentaires lors du marché.

En croisière contre la galère

Les étudiants étrangers sont nombreux à se présenter au local de l’ASEF. Ils viennent du Pérou, comme Yaen et Elisabeth, de Chine comme Yuchen ou encore de Côte d’Ivoire comme Richard ou Varlene. Quand le soutien financier apporté par la famille ou par l’État d’origine est faible ou inexistant, se nourrir devient parfois compliqué. En plus de leur offrir une aide alimentaire, le rendez-vous hebdomadaire est l'occasion de rencontrer d'autres étudiants et de récupérer des informations qui peuvent faciliter l'adaptation en France. Agé de 34 ans, Richard est venu à Nantes pour finir sa formation en odontologie afin de pouvoir enseigner ensuite à Abidjan. Non boursier, il ne vit qu’avec 400 euros par mois, soit son salaire de gardien de cité universitaire. Il bénéficie d’une aide de 130 euros des Caisses d’Allocations Familiales pour le logement (CAF), mais cela ne lui permet pas de se nourrir correctement. Grâce à l’ASEF, Richard, qui est qualifié de gros mangeur par ses amis, va pouvoir manger deux ou trois jours. Varlene quant à lui a 24 ans et est arrivé de Côte d’Ivoire voici quatre mois pour suivre une formation en comptabilité dans la cité des ducs de Bretagne. Le jeune homme connait actuellement une période difficile, les bourses qu’il doit recevoir de l’Etat ivoirien ne lui ont pas été versées et les économies qu’il avait en arrivant en France diminuent peu à peu. Question d’amour-propre, il préférerait ne pas avoir à demander le soutien de l’association, mais aujourd’hui, il le dit lui-même, son but n’est même plus de manger équilibré mais seulement de manger. Ce soir là, il revient pour la troisième fois au marché de l’ASEF et l’aide alimentaire proposée par l’association lui est précieuse.

Plus de demande… et plus de bénévoles !

Les étudiants sont de plus en plus nombreux à venir au rendez-vous. Selon Cécile, la trésorière de l’association, les marchés rassemblent en moyenne 200 étudiants, avec des affluences plus faibles pendant les vacances et les périodes d’examens. Cette étudiante en sociologie participe depuis environ 5 ans aux activités de l’association. Elle explique que le nombre d’étudiants qui se présentent aux marchés n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Pour Cécile, cette fréquentation en hausse témoigne de la popularité croissante de l'association sur le campus nantais et de la dégradation des conditions de vie étudiante. Les jeunes diplômés rencontrent des difficultés pour trouver leur premier emploi, même un petit boulot. Les parents touchés par les conséquences de la crise économique et financière ne sont plus toujours en capacité de soutenir leur enfant. Parallèlement, le montant des bourses stagne et le prix du restaurant universitaire comme les loyer des cités universitaires et des logements en général augmentent.

Les clients du marché sont unanimes pour remercier l’association. L’ASEF a fait des émules et des marchés se créent dans d’autres villes. Un comble pour les bénévoles de l'ASEF qui ne sont pas sûrs de pouvoir continuer leur activité l'an prochain : leur local sera en travaux et l'Université ne leur a pas encore proposé une solution de rechange. Pour l'instant, les marchés se poursuivent. Comme le souligne Cécile, la clé du succès de l’association est l'engagement bénévole, une activité formatrice et enrichissante pour quiconque y consacre un peu de son temps. 

Photos : Une et texte : avec la courtoisie de l'association Asef

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