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A grandes ambitions, petits budgets !

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Le Conseil de L'UE, réuni à Lisbonne en 2000, a lancé de grands défis aux Etats membres : d’ici 2010 nous serons les meilleurs en économie, en informatique et en plein-emploi. Avec quel argent ?

Baptisée Stratégie de Lisbonne (SL), le projet vise à faire de l'UE l'espace économique le plus compétitif et le plus dynamique du monde. Il implique donc la réalisation d'une série de réformes structurelles au sein des Etats membres dont les objectifs seraient définis sur le plan national puis coordonnés au niveau européen.

Malheureusement, c’était sans compter le 11 septembre, une croissance économique stagnante et un chômage persistant, frôlant l’insolence. Si bien qu’en janvier 2005, suite au rapport KOK, lorsque José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, décide au début de son mandat et à mi-parcours du processus de Lisbonne, de relancer la stratégie, on n’y croyait plus. Mais tout le monde a suivi, ravi et enchanté… Et pourtant, aujourd’hui et seulement quelques semaines plus tard, la « raison d’être » de la Stratégie de Lisbonne est triplement menacée, alors que les Chefs d’Etat négocient les Perspectives Financières 2007-2013 (PF).

Les égoïsmes nationaux à la hausse

Finalement chacun tente de s’en tenir à ses priorités nationales. L’exemple flagrant le plus récent a été orchestré par Gianfranco Fini, Ministre des Affaires étrangères italien, qui s’est dit prêt à brandir son veto sur le budget européen si les fonds alloués à l’Italie étaient sont réduits. Or, en théorie, les PF n’ont pas pour fonction de distribuer les financements à tel ou tel Etat membre, mais bien d’établir un budget dans le cadre de politiques communes. D’où l’intérêt de soutenir la Stratégie de Lisbonne qui cultive l’art de travailler en équipe en partageant les différentes manières de contribuer au développement social et économique des Etats membres. Mais cette méthode semble difficile à utiliser quand les perspectives nationales semblent avoir l’avantage

Un budget revu à la baisse

Ce replis national ne présage rien de bon. Pour le Parlement européen, institution désormais « incontournable » dans le processus décisionnel, il y a bien incohérence lorsque le compromis de la Présidence luxembourgeoise propose un budget révisé à la baisse. En pâtiront en premier, le domaine de la recherche, les transports et l’éducation - rien que ça ! En revanche, la coalition des contributeurs nets, le Groupe des 6 (France, Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède), qui souhaite limiter la contribution à 1% du PNB au lieu des 1,14% initialement prévu par la Commission européenne, se sent enfin écoutés. Dans ces conditions, les ambitions du processus de Lisbonne seront difficiles à atteindre. En fait, la décision de réduire le budget démontre un comportement contradictoire des Chefs d’Etat, qui veulent bien devenir les champions du monde, mais sans y mettre les moyens… Une lueur d’espoir s’illumine lorsque des pays moteurs tels que l’Allemagne sont prêts à faire des concessions dans le but de trouver un compromis. Mais est-ce suffisant ?

Un « non » répercutant

Depuis le 29 mai, la menace qui pèse sur la Stratégie de Lisbonne est triple, car cette crise politique rend les négociations de plus en plus laborieuses. Avec le « non » franco-néerlandais à la Constitution, les PF ont désormais la lourde tâche de prévenir une panne politique ou une possible asphyxie financière, sans quoi les ambitions du projet européen, telles que la SL iront aux oubliettes. Dalia Grybauskaité, Commissaire européenne chargée de la Programmation financière et du budget, a d’ailleurs prouvé en avril dernier, qu’en l’absence de compromis cette année, les nouvelles initiatives du projet européen ne pourraient être lancées en temps utile. C’est pourquoi Jean-Claude Juncker, Président du Conseil de l’Union européenne, a proposé un compromis à la baisse. A défaut de fonds suffisants, la SL aura surtout le droit de « subsister ».

La Stratégie de Lisbonne survivra

Le 8 juin le Parlement s’est exprimé et a affirmé, au côté de la Commission, le manque évident de fonds alloués au PF. Mais il est peu probable que cet appel soit entendu par les Chefs d’Etat qui doivent tenter de trouver un accord au prochain Sommet européen, les 16 et 17 juin. Les enjeux sont importants. La légitimité de l’Union européenne repose sur sa capacité de contribuer à la prospérité de ces citoyens - ambition bien encrée dans les discours.

Heureusement, les institutions européennes ne sont pas les seuls acteurs décisifs du processus. Les Parlements nationaux, les partenaires sociaux, ainsi que la société civile, participeront à sa bonne mise en oeuvre et donc à son financement. La bataille sera de taille. Lorsque l’on constate que le chômage est l’une des raisons principales du refus français de ratifier le Traité constitutionnel, n’a-t-on pas intérêt à renforcer nos défenses européennes face à une zone de l’Euro qui peine et d’une croissance qui se fait toujours attendre ? La Stratégie de Lisbonne est là pour ça. Encore un rendez-vous manqué ?