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A Bruxelles, les Indignés la jouent populaire

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Société

Quelques tentes, une cuisine en plein air, des vieux canapés, des calicots accrochés aux arbres, réclamant la « démocratie réelle maintenant !

» et invitant, en quatre langues, à prendre la rue : depuis vendredi, emboîtant le pas à la contestation espagnole qui s’étend aujourd’hui à toute l’Europe, les indignés de Bruxelles ont installé un campement pacifique place de Moscou, dans le quartier populaire de Saint-Gilles. Entre 350 et 400 personnes étaient présentes à l’assemblée populaire de samedi soir.

La capitale de l’Europe vibre au rythme de la révolution hispanique. Depuis une dizaine de jours, des jeunes étudiants espagnols ont commencé à organiser des assemblées populaires non loin de leur ambassade.

L'assemblée a lieu dans le quartier de St-Gilles pour toucher un public concerné

 « La situation belge est moins stable qu'on ne croit »

« Au départ, notre but était surtout de montrer notre solidarité avec la résistance pacifique qui s’organise pour le moment à Madrid, Barcelone, Valence, racontent Salva et Julian, deux initiateurs du mouvement. Mais nous avons vite compris que nous ne pouvions pas nous centrer uniquement sur ce qui se passait dans notre pays. Lors de la première assemblée (vendredi 20 mai), nous étions 700 personnes. Il y avait des Espagnols mais aussi beaucoup d’autres nationalités, des Belges, des Portugais, des Italiens,... Nous avons découvert que la situation belge est moins stable que ce que nous imaginions au départ, qu’il y a des problèmes similaires en termes d’emploi, de chômage, de précarité. Et puis il y a beaucoup d’immigrés ici, nous sommes au centre de l’Europe, avec des institutions qui influent sur la vie de 500 millions de personnes. C’était important d’élargir le débat et de s’ouvrir à d’autres personnes. » Il suffit de jeter un oeil à l'infographie réalisée par le site de Radio France Internationale sur les « dettes et déficits publics de l'UE » pour constater que la dette de la Belgique surpasse celle du Portugal et de l'Espagne... Vendredi dernier, ils ont donc mis le cap sur Saint-Gilles, un quartier multiculturel et populaire de Bruxelles, « pour quitter la symbolique purement espagnole et toucher d’autres citoyens. »

 La Belgique est plus endettée que l'Espagne !

Entre idéaux et pragmatisme, le mouvement se cherche

Le pari semble réussi puisque ce samedi soir, près de 400 personnes sont venues assister à l’assemblée populaire qui se tient à 19h au campement qui a pris ses quartiers place de Moscou. A tour de rôle, des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes, de différentes origines, viennent exprimer durant quelques minutes leurs préoccupations. En guise de tribune, une minuscule table récupérée dans la rue et un mégaphone. Applaudissements et commentaires complètent les propos des orateurs, parfois intimidés, qui tantôt dénoncent le capitalisme et ses effets sur la pauvreté et les inégalités sociales, tantôt amorcent des réflexions sur les finalités politiques du mouvement des indignés en lui-même. Parfois, les questions sont plus pragmatiques : « Comment allons-nous organiser la suite du campement, l’évacuation des déchets, les toilettes ? Il faut aussi que nous communiquions davantage avec les voisins de la place, qui ne comprennent pas ce que nous faisons ici », s’inquiète ainsi une jeune femme.

 Sur la place Puerta del Sol, les commerçants alentours se plaignent de leur baisse de rente depuis l'installation du camp

Les discours qui se succèdent révèlent aussi que la plupart des citoyens qui sont aujourd’hui aux côtés des jeunes espagnols sont souvent déjà engagés dans des luttes diverses : pour le droit au logement, contre la pauvreté, les centres fermés, ou la privatisation des services publics. Il y a aussi des jeunes membres de partis d’extrême gauche, comme Aurélie, qui est au PTB (Parti des Travailleurs Belges) et revient de Madrid où elle est allée passer quelques jours à la rencontre des Indignés de la place Puerta Del Sol. Toute la force et la fragilité de ce mouvement en train de naître est là, dans la diversité des motivations et des opinions qui composent cette assemblée hétéroclite. Les questions fusent, les idées s’entrechoquent : la finalité de l’action doit-elle être le campement ou faut-il aller plus loin ? Faut-il vraiment évacuer toute référence au système de parti politique et au traditionnel clivage gauche-droite ? Le débat va bon train, mais se déroule toutefois dans la sérénité et la bonne humeur.

Renouer avec l'agora grecque

« Discuter dans l’espace public entre citoyens, c’est ça l’esprit de la démocratie réelle », commentent Salva et Julian. « On renoue avec les principes des origines, ceux du forum, de l’agora, inventé par les Grecs. On expérimente concrètement un pouvoir qu’on n’a pas perdu. » Un autre indigné de la place résume la situation avec finesse : « Le mouvement est un système complexe, comme un organisme vivant en train de grandir. » Peu à peu, une structure semble émerger. Le groupe se divise ainsi en différentes commissions, chargées de revenir en assemblée avec des propositions concrètes. Certains s’occupent de la communication, d’autres du contenu, d’autres encore des problèmes logistiques. La quatrième commission est chargée quant à elle de la liaison avec les mouvements qui se sont mis en place ailleurs en Belgique, à Liège notamment, et dans d’autres pays. On parle aussi de rédiger un manifeste, à l’instar de celui réalisé par les occupants de la plaza Puerta del Sol, à Madrid.

 

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Photos : ©Amélie Mouton